ALÉNA: notre meilleur allié est America inc.

Publié le 22/09/2018 à 07:00

ALÉNA: notre meilleur allié est America inc.

Publié le 22/09/2018 à 07:00

(Source : Getty Images)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE - Les négociateurs canadiens ont reçu tout un appui cette semaine aux États-Unis dans la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). Et cet appui ne vient pas des démocrates ou de républicains modérés, mais des trois principales associations patronales du pays qui représentent «America inc.»

Dans une sortie étonnamment peu remarquée de ce côté-ci de la frontière, les dirigeants de la U.S. Chamber of Commerce, du Business Rountable et de la National Association of Manufacturers ont accentué la pression sur l’administration Trump afin que le prochain ALÉNA inclut absolument le Canada.

C’est un développement majeur pour les exportateurs et les investisseurs canadiens actifs aux États-Unis, car cette prise de position réduit le risque que le Canada soit exclu du nouvel accord conclu entre les États-Unis et le Mexique.

Dans une lettre envoyée au représentant américain du Commerce, Robert Lighthizer, les trois principaux leaders d’America inc. affirment qu’une nouvelle entente commerciale sans le Canada serait inacceptable.

«Il serait inacceptable de déloger le Canada, notre principal marché d’exportation dans le monde», écrivent les trois dirigeants dans une lettre consultée par le Wall Street Journal.

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C’est connu, les États-Unis sont de loin le principal marché étranger pour nos entreprises. Le Canada y expédie 76% de ses exportations, sans parler du fait que la moitié de nos importations provient de ce pays, selon Statistique Canada.

Ce qui l’est moins, c’est que le Canada est aussi un marché stratégique pour les entreprises au sud de la frontière.

En 2017, les expéditions américaines au Canada ont totalisé 282,3 milliards de dollars américains.

Cela en fait le principal marché d’exportation des Américains, suivis par le Mexique (243,1 G$US) et la Chine ( 129,9 G$US), selon l’International Trade Administration, une agence du ministère américain du Commerce.

Par contre, les États-Unis ne sont pas aussi dépendants du marché canadien que nous le sommes à l’égard du marché américain : leurs entreprises expédient seulement 18,3% de leurs exportations au Canada.

Près de 9 millions d'emplois aux États-Unis dépendent du Canada

Malgré tout, près de 9 millions d’emplois aux États-Unis, du Maine à la Californie dépendent du commerce et de l’investissement avec le Canada, montrent les données du gouvernement canadien.

C’est considérable.

De plus, chaque jour, les échanges commerciaux entre les deux pays s’élèvent à 1,9 G$CA par jour pour un total de 703 G$CA par année.

C’est dire l’importance de la relation économique entre le Canada et les États-Unis, sans parler de l’intégration des chaînes de production, à commencer celle de l’automobile, mais aussi celles dans l’aluminium et le matériel informatique.

Dans ce contexte, on comprend mieux le cri du cœur lancé cette semaine par les dirigeants de la U.S. Chamber of Commerce, du Business Rountable et de la National Association of Manufacturers.

Et aussi pourquoi, à leurs yeux, il est «impensable» d’avoir un nouvel ALÉNA sans le Canada, car l’accès privilégié au marché canadien est vital pour la prospérité de dizaines de milliers d’entreprises et des millions de travailleurs américains.

Par conséquent, chaque fois que le président américain menace d’écarter le Canada du libre-échange nord-américain, les leaders politiques et économiques du Canada devraient s’appuyer davantage sur cet allié naturel qu’est America inc.

Bien entendu, Ottawa et les gouvernements provinciaux doivent continuer à faire des représentations auprès de Washington et des États importants et favorables au Canada tels que l’État de New York.

Mais dans le même temps, les élus canadiens devraient aussi de collaborer encore plus avec America inc. afin de faire pression sur la Maison-Blanche.

Le monde des affaires est influent aux États-Unis

Non seulement le monde des affaires est influent aux États-Unis pour des raisons culturelles (l’entrepreneuriat y est très valorisé), mais il l’est aussi en raison du financement des partis politiques, sans parler des élus américains qui veulent se faire réélire dans les États frontaliers.

Le Canada et les États-Unis font du commerce entre eux depuis des siècles. D’ailleurs, en Amérique du Nord, les corridors commerciaux sont tous dans un axe nord-sud et non pas est-ouest.

C’est pourquoi le libre-échange entre les deux pays s’est imposé naturellement pour une première fois avec le Traité de réciprocité de 1854 à 1866 puis avec l’ALÉ à compter de 1989 (cet accord a été remplacé par l’ALÉNA en 1994).

Et c’est aussi pour cette raison qu’il est naturel et logique que le Canada fasse partie aujourd’hui d’un nouvel Accord de libre-échange nord-américain.

America inc. l’a bien compris.

Reste maintenant à convaincre le président américain.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand