Plus endettés, mais pas moins riches

Publié le 10/05/2016 à 09:00

Plus endettés, mais pas moins riches

Publié le 10/05/2016 à 09:00

C’est quoi déjà? 163,5%? 168,2%? Vous savez si on a passé le cap des 170%? Je vous parle du taux d’endettement des Canadiens par rapport à leur revenu disponible. Je ne m’en souviens jamais, il change tout le temps. Et chaque fois, on fait tout un plat: «Oh là là, que les Canadiens sont endettés!» Car ça monte, ça monte.

Et ça continuera de monter, je vous préviens. Et ce n’est pas la peine de vous énerver. Dans un rapport publié hier, Hélène Bégin, l’économiste principale de Desjardins, nous rappelle que les trois quarts des dettes des ménages québécois sont constitués des emprunts nécessaires pour acquérir une maison.

C’est simple, chaque fois qu’un premier acheteur fait son entrée sur le marché de l’immobilier, il fait augmenter les données sur l’endettement. Son poids sur l’évolution des statistiques est nettement plus important que son voisin qui vient à bout de son hypothèque. Il s’endette d’un coup, tandis que le voisin s’est libéré de ses dettes progressivement.

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Pour renverser la tendance, il faudrait que les locataires renoncent à vouloir devenir propriétaires. Or, selon les résultats d’une autre enquête dévoilée la semaine dernière, les membres de la génération Y aspirent eux aussi à la propriété. Selon les données colligées par Léger, 46 % des jeunes âgés de 18 à 34 ans envisagent l’achat d’une résidence principale dans les cinq prochaines années. On se doute bien que la majorité d’entre eux se retrouvent parmi les plus âgés de la cohorte.

Si tout ce monde réalise l’ambition de devenir propriétaire, ça se fera ressentir sur le taux d’endettement. Mais entre ça et la rareté de nouveaux acheteurs, je vous demande ce qui est préférable.

Je crois qu’on peut très bien se porter financièrement et s’enrichir sans acheter une maison. Mais je suis aussi convaincu que l’achat d’une maison est le meilleur moyen d’accumuler un patrimoine pour bien des gens qui n’ont pas l’épargne facile.

Dans son rapport, l’économiste Hélène Bégin souligne que les montants empruntés pour accéder à la propriété ont littéralement explosé au cours des 15 dernières années, ce qui reflète la hausse des prix de l’immobilier.

Il y a quinze ans, 3% des ménages accumulaient plus de 150 000 dollars de dettes. Aujourd’hui, c’est 20%. Quiconque a jeté un coup d’oeil récemment sur un site de courtier immobilier sait qu’il est pratiquement impossible d’accéder à la propriété sans contracter un emprunt de cet ordre dans la grande région de Montréal et à Québec. En fait, la plupart des premiers acheteurs doivent se retrouver ces temps-ci avec une hypothèque de plus de 200 000 dollars. 200 000 dollars, c’est plus qu’il en fallait pour acheter un plex à Montréal en 2000.

Ce boom est la conséquence de la baisse des taux d’intérêt. Ils n’ont jamais été aussi bas et ne semblent pas vouloir remonter. Et c'est pourquoi, en dépit de la hausse des prix, le marché de l’immobilier n’est pas moins abordable qu’il y a 25 ans.

Il n’y pas que les dettes qui se sont accrues au cours des 15 dernières années. Les avoirs ont aussi grimpé, on s’en doute. Et pour cela, il faut dire merci au marché de l’immobilier. La valeur moyenne des actifs des ménages endettés a plus que doublé, passant de 145 000 à près de 300 000 dollars, relève l’étude économique de Desjardins. Les actifs financiers (comptes bancaires, placements) ont augmenté beaucoup moins rapidement.

Bilan? Bien qu’on répète que nous sommes de plus en plus endettés, globalement, notre situation financière n’est pas plus à risque qu'il y a 15 ans. Le ratio dette-actif des Québécois est pratiquement resté inchangé depuis 2000, il s’est même un peu amélioré. Autrement dit, les ménages ont amplement d’actifs pour couvrir leurs dettes.

C’est pourquoi ça m’agace toujours un peu lorsqu’on brandit le ratio d’endettement par rapport au revenu disponible, sans le mettre en contexte.

Le rapport de Desjardins met aussi en relief la popularité grandissante de la marge de crédit hypothécaire aux dépens des prêts personnels. Cette tendance est surtout alimentée par l’offre des institutions financières, beaucoup plus enclines à offrir des prêts perpétuels garantis par un bien immobilier.

Il souligne également que, sur les dettes totales des Québécois, la part des prêts immobiliers est restée inchangée depuis 15 ans. Elle est passée de 73% en 2000 à 76% aujourd’hui. Si les emprunts hypothécaires ont grimpé, il faut donc conclure que les autres types d’emprunt ont aussi monté.

Il y a peut-être là un feu jaune.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.