Mooney: Histoire d'horreur d'une caisse de retraite avec les hedge funds

Publié le 23/10/2013 à 11:54, mis à jour le 23/10/2013 à 12:36

Mooney: Histoire d'horreur d'une caisse de retraite avec les hedge funds

Publié le 23/10/2013 à 11:54, mis à jour le 23/10/2013 à 12:36

BLOGUE. Dans une chronique récente, j’ai expliqué pourquoi l’argent n’achetait pas nécessairement les meilleurs conseils financiers. Je parlais spécifiquement des gens riches, mais c’est tout aussi vrai pour les institutions comme les caisses de retraite.

En fait, c’est encore plus vrai pour les caisses de retraite, qui sont structurellement condamnées à la médiocrité, et cela est le meilleur des scénarios possibles.

Pourquoi? La réponse est trop longue pour être expliquée dans le cadre de ce blogue. Toutefois, le cas de la caisse de retraite des employés du secteur public du Rhode Island, aux États-Unis, en est une belle illustration.

Comme bien d’autres caisses de retraite, celle-ci s’est retrouvée avec un important déficit actuariel. Pour colmater le trou financier, on a d’abord réalisé une «réforme», augmentant l’âge de la retraite, suspendant l’indexation des pensions à la hausse du coût de la vie et forçant les travailleurs à contribuer davantage.

De plus, pour obtenir des rendements plus élevés, on a fait ce qui était à la mode il y a quelques années et ce qui est encore souvent recommandé par les consultants: on a confié une bonne partie du capital à cette nouvelle catégorie d’actif appelée «placements alternatifs», qui comprend les hedge funds et les placements privés (cette dernière étant loin d’être nouvelle).

Des fonds trop gourmands

Selon les dirigeants de cette caisse, c’était pour protéger les pensions futures contre les risques économiques.

On a donc placé presque deux milliards de dollars (G$) US, soit presque 25% de son actif qui totalise 7,7G$US dans cette catégorie d’actif, dont 10 hedge funds investissant en actions.

Vous me voyez venir. Malgré les promesses de rendements plus élevés, la caisse de retraite n’a pas vraiment fait mieux que les marchés. Par exemple, pour l’exercice clos le 30 juin 2013, la caisse a réalisé un rendement de 11,07% par rapport à 12,4% pour le rendement de la caisse médiane. Au 31 août, les 10 hedge funds spécialisés dans les actions ont réalisé un rendement moyen de 8,73% par rapport au rendement de 16,1% du S&P 500.

Ce qui a explosé, ce sont les frais, les dépenses de placement de la caisse passant de 11M$ en 2011 à 70M$ en 2013, et probablement plus de 100M$ pour l’exercice en cours. La gestion passive coûterait 20 fois moins chère!

Les gestionnaires des hedge funds reçoivent généralement un honoraire de 2% de l’actif plus 20% des profits. Un des fonds sélectionnés par la caisse de retraite du Rhode Island exige des frais de 2,5% de l’actif en plus de son 20%!

Les problèmes de cette caisse de retraite font les manchettes aux États-Unis alors que bien des intervenants crient au scandale (j'en ai fait une histoire courte ici car le drame comprend également des conflits d'intérêts douteux et bien d'autres aspects).

Je vous dirais que cette caisse est loin d’être seule à avoir été charmée par les fonds dits alternatifs et les hedge funds. Bien de nos caisses de retraite ici au Québec ont fait de même.

Ce qui me fascine, c’est comment des gens supposément sophistiqués peuvent croire qu’on peut faire mieux que le marché en investissant dans une vingtaine de fonds.

Bernard Mooney

 

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