(Photo: Bloomberg)
«Mes gars ont donné leur 110%». «Les gars n’ont pas suivi le plan de match.»
On s’est souvent moqué des nombreux clichés qu’on peut entendre dans le monde du sport, le hockey en particulier. Le monde de la finance ne laisse pourtant pas sa place lorsque vient le temps de lancer des phrases, à l’apparence brillantes, mais qui ne veulent pas dire grand-chose, lorsqu’on les analyse un tant soit peu.
Et c’est encore plus vrai lorsque le marché boursier dégringole, comme il le fait depuis quelques jours. Immédiatement, le niveau de crainte et d’incertitude augmente et les experts se sentent obligés d’expliquer, de rassurer et de conseiller.
Voici quelques-uns des clichés que vous lirez ou que vous avez déjà entendu plusieurs fois :
«The market hates uncertainty» Le marché hait l’incertitude. Ouais…dites-moi, qui aime l’incertitude? Et pensez-vous que c’est plus vrai aujourd’hui que l’an passé, le mois passé? La vérité c’est que les investisseurs (le marché) se font croire à certains moments qu’il n’y a pas d’incertude. Mais c’est de la merde.
«La demande plus faible et l’offre plus élevée expliquent les plus bas prix pétroliers.» Ouais…économie 101! Mais qu’est-ce que cela vous dit sur les perspectives? Zéro!
«Le retour de la volatilité est un très mauvais signe.» Si c’était aussi facile! Mais encore là, cela ne donne aucune information quant au futur boursier.
«Je recommande la prudence.» J’aimerais bien rétorquer à cet expert : «Quand recommandez-vous l’imprudence?»
«Le S&P 500 doit rester au-dessus du niveau de 1950 pour éviter d’autres baisses». C’est logique : autrement dit, si la Bourse baisse, elle baissera et si elle monte, elle ne baissera pas. C’est certain qu’il faut un doctorat en finance pour lancer un si puissant message…
Je connais assez les médias pour comprendre le contexte. Souvent, le gestionnaire, stratège ou expert se fait appeler par un journaliste qui lui demande d’expliquer ce qui se passe en Bourse. La personne interrogée tente de dire quelque chose de brillant, mais le marché boursier ne s’y prête pas vraiment.
En effet, tous ces clichés et phrases vides de sens cachent une triste et décevante réalité. Malgré leur intelligence, leurs longues études qui ont coûté une fortune à leurs parents, leur expérience, les experts et les stratèges ne savent pas plus que vous ce que fera la Bourse demain.
Mais à la différence de vous, ils ne l’admettront pas, jamais. Ils en sont incapables.
C’est un peu comme l’éminent médecin qui se voit dans l’obligation de répondre à sa patiente, malgré ses nombreuses années d’études, d’expérience, malgré son talent et sa réputation : «Désolé madame, mais je ne sais pas pourquoi vous avez le cancer…» Quel exercice d’humilité!
Alors, je vous en conjure, ne vous laissez pas prendre au jeu des clichés et des prédictions. Personne ne sait ce que fera la Bourse.
Sauf moi qui ne peut résister à la tentation de finir ce texte par un immense cliché qui a au moins l’avantage d’être vrai :
«La Bourse fluctuera…»
Bernard Mooney
