SSQ Groupe financier a acheté l'an dernier AXA Assurance Vie pour 300 millions de dollars. Une grosse bouchée pour cette entreprise fondée il y a près de 70 ans et dont «la croissance par acquisitions ne faisait pas partie de l'ADN», selon son pdg, René Hamel.
Avec cette transaction, SSQ est entrée dans le marché de l'assurance vie individuelle, elle qui se concentrait jusqu'ici sur les produits de gestion de patrimoine, d'assurance collective et d'assurance de dommages. «Auparavant, les représentants de SSQ et d'AXA partaient chacun avec une demi-valise, illustre René Hamel. Ils ont maintenant une valise complète de produits d'assurance vie et d'investissement.»
L'entreprise de 2 000 employés avait tenté à deux reprises de créer ses propres produits d'assurance vie. En vain. «C'était peut-être parce que nous avions une forte culture en assurance collective et que l'assurance vie est un tout autre monde», avance le dirigeant qui ne travaillait pas pour SSQ à l'époque.
Des devoirs bien faits
SSQ a ciblé AXA Vie avant même qu'elle ne soit à vendre. Pour être fin prête, elle a demandé aux avocats de McCarthy Tétrault et à des cabinets comptables de former son équipe de direction au processus d'acquisition d'une entreprise, car elle n'avait aucune expérience en la matière.
Conseil principal : affecter une équipe multidisciplinaire à ce projet. «Une acquisition, ça prend beaucoup de temps et d'analyse, dit François Amyot, associé en droit des affaires chez McCarthy Tétrault. On ne peut pas faire ça pendant ses temps libres.»
Ce conseil a fait la différence, selon René Hamel : «Quand le processus d'achat a été enclenché, nous avons mis un jeu de puissance sur la glace.»
Bernard Tanguay, alors premier vice-président, gestion du patrimoine, a piloté le projet, appuyé par Patrick Cyr, premier vice-président, finances et immobilier, et de Marc Gagnon, vice-président du service juridique.
Et lorsqu'est venu la vérification diligente, SSQ avait déjà établi une structure d'analyse composée de gens de diverses disciplines : RH, TI, actuariat, etc. «Dès le jour 1, nous étions prêts», assure le pdg. Une bonne chose, car l'achat d'AXA n'était pas gagné d'avance.
Déposez votre offre
SSQ s'apprêtait à demander à AXA France si elle songeait à vendre son portefeuille canadien d'assurance vie quand Intact Corporation financière a acheté AXA Canada. René Hamel a alors signifié au chef de la direction d'Intact, Charles Brindamour, son intérêt pour la division d'assurance vie s'il décidait de s'en départir.
Quelques mois plus tard, la division était mise aux enchères. Cette méthode est surtout utilisée par les grandes entreprises, car elle nécessite la préparation d'un document sommaire d'information et la gestion de plusieurs acheteurs. «L'objectif du vendeur, c'est de faire monter les prix», résume François Amyot, qui a assumé la responsabilité des aspects juridiques de la transaction.
Évidemment, pour les acheteurs, c'est moins intéressant. «Nous étions en concurrence avec d'autres, dit René Hamel. Il y a eu un impact sur notre pouvoir de négociation. Quand on participe à une enchère, il faut s'attendre à payer un peu plus.» Il précise toutefois que la somme finalement payée se situait dans l'échelle de prix que s'était fixée SSQ.
Connexion avec des employés clés
Une vingtaine d'entreprises auraient participé à la première étape, qui consistait à faire une offre à partir du document d'information. Ensuite, quatre ou cinq d'entre elles, dont SSQ, auraient été conviées à poursuivre la démarche. Une rencontre avec l'équipe de direction d'AXA Vie a été déterminante, selon René Hamel, pour qui la connexion avec ces employés clés était essentielle. «Nous voulions des gens compatibles. Au debriefing, nous étions unanimes : il y avait un fit.»
Parmi ses atouts, SSQ pouvait compter sur un financement solide, celui du Fonds de solidarité FTQ, son actionnaire majoritaire. Elle garantissait aussi le maintien de la plupart des emplois, une condition importante pour Intact et qui a joué dans le fait qu'elle a remporté la mise.
Le 1er janvier 2012, elle devenait officiellement propriétaire, mais son équipe d'intégration était à l'oeuvre deux mois avant. Cette précaution a facilité le succès de l'opération, selon René Hamel, qui se réjouit d'être en avance sur ses projections.
Avant son achat, AXA vie, renommée SSQ Société d'assurance, générait quelque six millions de ventes. Lors de sa première année dans le giron de SSQ, ce montant a grimpé à 11 millions. Il devrait atteindre 20 millions en 2013. Cette augmentation s'explique principalement par la synergie entre les produits de gestion de patrimoine et ceux d'assurance vie, d'après le dirigeant. La valise pleine, vous vous souvenez ?
