Quelle récession ?

Publié le 01/06/2009 à 00:00

Quelle récession ?

Publié le 01/06/2009 à 00:00

Les entreprises qui résistent occupent une niche bien ciblée, évoluent dans un marché mondial et font preuve de souplesse. Tour du proprio de trois PME inspirantes.

Averna

Fabricant d'appareils de test et de mesure pour l'industrie de l'électronique

Rang dans les 300 :

65e

Il n'y a rien de tel que d'avoir survécu à une crise pour savoir en affronter une nouvelle. Prenez Averna. Cette entreprise montréalaise, qui compte aujourd'hui 230 employés, fabrique toute une gamme d'équipements de test et de mesure pour l'industrie de l'électronique. Research In Motion, par exemple, utilise ces systèmes pour évaluer la performance des nouveaux modèles de BlackBerry avant leur mise en marché. Et le président d'Averna, Pascal Pilon est à l'affût des occasions d'affaires qui surgissent dans le contexte actuel.

En avril dernier, il a finalisé l'acquisition de DAQTron, une firme d'Atlanta spécialisée elle aussi dans les tests et mesures, mais en câblodistribution. "L'avènement de la télé numérique exige de plus en plus de bande passante, ce qui crée de nouveaux besoins sur le plan de la vérification", dit-il, précisant que l'acquisition de DAQTron ajoute à son équipe une vingtaine d'employés qualifiés, une denrée rare en haute technologie.

Averna a aussi connu sa traversée du désert. Créée en 1999 par Pascal Pilon et deux associés, elle s'est rapidement retrouvée avec 36 salariés, une taille suffisante pour soumissionner des contrats d'Hydro-Québec. Elle en convoitait un en particulier, qui a été reporté à plusieurs reprises. Les dirigeants ont dû se résoudre à faire des mises à pied. En 2003, l'effectif d'Averna avait chuté de moitié.

Pascal Pilon décide alors d'explorer de nouveaux domaines, comme la robotique. En 2004, Averna achète une filiale de la multinationale britannique Invensys : Prodigent 3.0. Cette acquisition comprend deux actifs de taille : un logiciel sophistiqué et du personnel hautement qualifié. "Cela nous a aidés à bâtir une masse critique de têtes pensantes", dit Pascal Pilon. Il ne méprise pas le personnel de vente, loin de là : "Vendre peut sembler simple en apparence, mais il ne suffit pas d'utiliser son intuition : il faut aussi adapter son offre aux demandes du marché".

Depuis sa relance, l'entreprise reste à l'affût des besoins émergents pour se positionner. "Nous mettons nos efforts là où nous pouvons nous distinguer", dit Pascal Pilon, ajoutant qu'il est essentiel d'investir dans la R-D, mais qu'il faut éviter d'engloutir des millions de dollars dans des secteurs trop risqués. "Tout en étant souple, il faut avoir une stratégie et un plan d'ensemble."

En suivant son plan de match, Averna traverse donc la crise en affichant des chiffres qui font pâlir d'envie. Pascal Pilon prévoit pour 2009 des revenus en hausse de 30 % et des profits plus importants encore. En fait, depuis cinq ans, cette entreprise a enregistré une croissance de 555 % !

À 37 ans, Pascal Pilon reconnaît qu'il a changé depuis 10 ans. Le temps lui a fait comprendre cette règle capitale : il ne faut pas courir après les ventes, mais bien après les marges brutes. "La dernière chose qu'on veut, c'est conclure des contrats déficitaires. Si les profits sont minces quand ça va bien, imaginez ce qui arrive quand ça va mal !" dit-il. C'est en bonne partie pour ses réussites, mais aussi pour sa détermination, que le milieu des technologies de l'information l'a élu "PDG de l'année" lors de l'événement Vision PDG tenu en février 2009 à Mont-Tremblant.

Ezeflow

Fabricant de raccords de tuyaux pour fluides dangereux

Rang dans les 300 :

149e

Ezeflow fabrique des raccords pour les tuyaux de gros diamètre qui servent au transport de fluides potentiellement dangereux. Ces énormes pièces sont souvent en métal, qu'il faut tordre pour leur donner la forme désirée. D'où les immenses presses que l'on trouve dans l'usine. Jacques Latendresse, coprésident de cette entreprise de Granby, montre sa plus récente acquisition. "Avec ça, nous pourrions compacter un camion de 10 roues en une boîte aussi petite qu'une boîte de sardines !"

Le carnet de commandes est plein quatre mois à l'avance, et l'usine tourne à fond. La clé, dans le marché actuel, c'est de pouvoir réagir rapidement aux demandes. "On ne sent pas trop l'impact négatif de la crise, mais les marges sont moins bonnes. Il faut négocier serré", concède Pierre Latendresse, frère de Jacques et également coprésident.

Ezeflow a été fondée en 1972 à Ville-Saint-Pierre,en banlieue de Montréal, par un Belge, un Danois et un Québécois. Elle a migré à Granby en 1982, juste après que Jean-Maurice Latendresse, le père, a pris les commandes de l'entreprise dans laquelle il était entré un peu plus tôt. Ses fils lui ont succédé en 2005. La famille est toujours actionnaire majoritaire, et elle compte, entre autres partenaires, la Caisse de dépôt et placement du Québec.

À ses débuts, Ezeflow oeuvrait pour l'industrie nucléaire. L'essor de l'industrie pétrolière albertaine a permis l'ouverture d'un nouveau marché, tant pour les raffineries que pour les pipelines, auquel se sont ajoutés les pâtes et papiers et la pétrochimie. Parallèlement, elle a investi les pays étrangers, notamment l'Inde et la Chine, qui ont alimenté sa croissance. Les dirigeants ont fait preuve d'opportunisme en se diversifiant dans des secteurs prometteurs. "Nous n'avons pratiquement pas de clients au Québec", dit Pierre Latendresse, précisant que 90 % de la production est destinée à l'extérieur du Canada, au Brésil, au Moyen-Orient, à l'Australie... "Chez nous, ajoute-t-il, la production est au service des ventes, et non l'inverse."

Qui plus est, l'effectif est jeune : un employé sur deux n'est en poste que depuis 2005, moment où la croissance s'est accélérée. Depuis, Ezeflow est passée de 90 à 180 salariés. Les employés, hautement spécialisés, sont en formation continue. Une question d'efficacité autant que de réputation : Ezeflow est fière de ses certifications pointues, essentielles pour soumissionner sur des projets nucléaires, par exemple. "C'est un avantage concurrentiel, car ces certifications sont longues à obtenir", dit Jacques Latendresse, qui se désole cependant que les cours de métallurgie soient si peu populaires. Au cégep de Trois-Rivières, seulement 17 étudiants se sont inscrits depuis trois ans. À l'Université de Montréal, on ne donne plus ces cours. Pourtant, l'industrie a besoin de renfort.

Même si la tempête économique gronde, les deux coprésidents restent optimistes. "Notre année est déjà assurée et nous serons rentables", dit Pierre Latendresse. "Ce qui est particulièrement satisfaisant, conclut son frère, c'est de voir des sociétés internationales comme Conoco ou Exxon appeler des Québécois de Granby pour les dépanner !"

Pelican International

Fabricant de kayaks, de pédalos et autres embarcations légères

Rang dans les 300 :

1er ex-æquo

"Si ça flotte, envoyez-nous-en !" C'est le genre de demande pressante que reçoit ces jours-ci le président de Pelican International, Christian Élie, et qui lui permettent de mieux respirer. "Ça ne va pas si mal", se dit-il.

Le domaine du plein air nautique est évidemment touché par la crise, surtout aux États-Unis où les dépenses discrétionnaires des ménages sont en chute. Pelican International a bien vu son carnet de commandes diminuer en début d'année, mais le rythme a repris. L'entreprise profite en quelque sorte de la déconfiture de ses concurrents américains. L'avantage Pelican ? La souplesse. Comme les détaillants commandent maintenant à la dernière minute, il faut pouvoir s'adapter rapidement à leurs besoins.

La très grande usine de Pelican International semble être le royaume du plastique, savamment moulé en produits nautiques. Une tuyauterie aérienne aspire les "copeaux" et les recycle. La machinerie est moderne et la production roule 24 heures par jour, sept jours par semaine. L'efficacité est primordiale.

Depuis sa fondation, il y a 40 ans, l'entreprise de Laval est devenue le troisième fabricant de pédalos, kayaks et autres embarcations légères du monde, et la marque Pelican est la plus répandue de toutes. Ses clients sont les grands détaillants comme Forzani, Canadian Tire ou Costco, qui représentent 80 % de ses ventes, et LL Bean, qui vient de se joindre au groupe. "Il faut constamment réapprovisionner nos clients, car ils ne veulent plus conserver de stocks", dit Christian Elie.

Les moules utilisés par Pelican pour fabriquer les pédalos lui servent aussi à fabriquer des kayaks, un marché dans lequel elle s'est lancée au début des années 2000. Ainsi, s'il lui faut produire soudainement plus de l'un que de l'autre, sa technologie lui permet de réagir rapidement. Cette technologie lui a permis de produire des kayaks d'entrée de gamme qui coûtent aussi peu que 300 dollars.

Pelican emploie quelque 300 personnes (350 en haute saison). Même quand ils ont dû faire des mises à pied, les frères Elie ont toujours maintenu en poste les designers et le personnel en R-D afin d'assurer le même niveau de qualité et de service. "Dans notre secteur, on a longtemps toléré la médiocrité parce que les ventes augmentaient sans cesse, dit-il. Ce n'est plus vrai. Il faut être bien organisé pour traverser la tempête."

rene.vezina@transcontinental.ca

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