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Aînés: vers des CLSC ouverts 24/7 et plus de services à domicile?

La Presse Canadienne|Mis à jour le 13 juin 2024

Aînés: vers des CLSC ouverts 24/7 et plus de services à domicile?

La ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, au Rendez-vous national sur le maintien à domicile à Québec, le mercredi 8 mai 2024. (Photo: La Presse Canadienne)

RPA. Une coalition d’organismes réclame des CLSC ouverts 24h sur 24, 7 jours sur 7, comme porte d’entrée principale pour les aînés requérant des services à domicile. 

C’est une des propositions qui ressort d’un Rendez-vous national sur le maintien à domicile qui s’est tenu à Québec mercredi. 

Les services de soutien à domicile vont des services d’aide domestique au gardiennage, dépannage, nutrition, tâches familiales, soins personnels, etc. 

Actuellement, seule une minorité d’aînés a pleinement accès à tous les services à domicile qu’elle requiert et la Commissaire à la santé et au bien-être a conclu que le bilan du système actuel est «inquiétant»: il ne répond qu’à 10,7% des besoins en heures de soutien. 

Or la Coalition pour la dignité des aînés qui a organisé le Rendez-vous de mercredi réclame l’adoption d’une loi-cadre qui reconnaît le droit à un logement abordable et adapté, ainsi que le droit à l’accès aux services à domicile — ce qui obligerait l’État à donner les services à tous. 

Cependant, la coalition a abandonné une des recommandations proposées en raison de dissensions, soit le versement d’une «allocation autonomie» aux personnes de 65 ans et plus pour qu’elles puissent ainsi obtenir toutes sortes de services assurant leur maintien à domicile. 

Cela ressemblait à l’assurance autonomie que voulait mettre en place le gouvernement péquiste de Pauline Marois en 2013. 

Dans son discours en matinée devant les participants, la ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, a indiqué que moins d’aînés attendent maintenant pour obtenir des services de soutien à domicile, mais qu’il sera impossible d’éliminer la liste d’attente. 

«La ministre baisse les bras», a déploré dans une entrevue avec La Presse Canadienne le député péquiste Joël Arseneau, qui a assisté aux délibérations en fin de journée. 

La députée libérale Linda Caron, qui a représenté son parti au Rendez-vous, a pour sa part dit qu’elle devait consulter ses collègues à savoir si le PLQ endosserait une loi qui reconnaîtrait le droit à des services à domicile.

Elle s’est questionnée sur la faisabilité des CLSC ouverts 24/7.

 

Liste d’attente 

Dans son allocution, Sonia Bélanger a fait savoir que la liste d’attente qui était de 21 000 personnes l’an dernier a été réduite à 16 500 personnes au 31 mars dernier. 

Mais on est encore au-dessus des chiffres d’avant la pandémie. Le nombre de personnes en attente d’un premier service était passé de 13 250 au 31 mars 2019 à 17 226 au 31 mars 2022.

On est donc encore loin d’un service universel offert à toutes les personnes âgées, comme le préconise la Commissaire à la santé et au bien-être.

«Ce ne sera pas de ramener (la liste d’attente) à zéro en dedans d’un an, c’est impossible de faire ça», a affirmé la ministre dans une entrevue avec La Presse Canadienne.

«Il va toujours y avoir une liste d’attente parce qu’il y a toujours des gens à chaque jour qui s’inscrivent.»

 

«Effondrement du système» 

Au cours d’une présentation en matinée, une médecin qui cumule 40 ans de pratique en soins à domicile a tiré la sonnette d’alarme. D’ici à 2030, le Québec passera du 15e au 6e rang mondial pour la proportion de personnes âgées de 85 ans et plus, a-t-elle fait remarquer.

«C’est le temps de dire les vraies choses, on est à minuit moins une d’un effondrement du système de soins aux aînés», constate la docteure Geneviève Dechêne, une pionnière en matière de soins à domicile.

La docteure Dechêne a conclu que le Québec se dirige droit dans le mur parce qu’il est en «queue de peloton» dans l’OCDE en matière d’investissement dans les soins à domicile et le soutien à domicile.

C’est notamment parce que les syndicats de médecins et l’Ordre des infirmières ont «trop de pouvoirs» et imposent une vision centrée sur «l’hôpital», un «mot magique» pour les politiciens, a-t-elle déploré.

Et il y a aussi la «pensée magique» des baby-boomers qui ont trop peur de penser à la perte d’autonomie qui survient en moyenne 6 à 8 ans avant la mort.

Selon elle, il n’y a pas de véritables services de santé dans les milieux de vie, les résidences privées pour aînés, les ressources intermédiaires, pour ainsi assurer l’autonomie et le maintien à domicile des aînés.

«Ne soyez pas surpris que nos urgences débordent de ces patients», a-t-elle fait remarquer, alors que dans d’autres pays, les médecins et infirmières donnent des services à domicile.

Pas moins de 90 % des Québécois n’ont pas accès à des services médicaux à domicile, et «c’est là que le bât blesse», poursuit-elle.

 

Un caractère «universel» 

La Commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, qui a dressé un bilan inquiétant du système de soutien à domicile au Québec en début d’année, estime pourtant que tous devraient avoir accès à des services s’ils le requièrent — à l’instar des soins de santé, qui sont universels.

«Le caractère universel (du soutien à domicile) est non-négociable dans notre société, donc oui, c’est un principe qui est important parce qu’il est majeur pour notre population, je pense que c’est très clair», a plaidé le commissaire adjoint à l’évaluation et scientifique principal de l’organisme, Georges-Charles Thiebaut, en entrevue avec La Presse Canadienne.

«Si on veut préserver une société équitable qui assure une protection de l’ensemble de ses de sa population, c’est absolument essentiel.»

Mardi, le Parti libéral a réclamé un débat public sur l’universalité du soutien à domicile. 

«Pour la perte d’autonomie, le système universel est plus flou», a reconnu Philippe Voyer, professeur titulaire de Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval.

«Pendant qu’on en jase, il y a du monde qui attend des services», a déploré le directeur général du Réseau de coopération des entreprises d’économie sociale en aide à domicile, J. Benoît Caron.

«Je suis dans l’urgence!» a-t-il lancé.

En 2023, le système ne répondait qu’à 10,7 % des besoins en soutien à domicile, a énoncé la Commissaire à la santé et au bien-être: il fournissait 25,4 millions d’heures de services, alors que 234 millions d’heures étaient requises. 

Mme Bélanger a cependant indiqué que 37 millions d’heures de services ont été fournies dans la dernière année.

 

«Situation inquiétante» 

Dans son rapport, la Commissaire à la santé et au bien-être avait affirmé que «la situation actuelle est inquiétante» et que cela «met en péril la viabilité des services pour l’avenir».

La ministre avait remis en question la méthodologie de la commissaire.

«L’écosystème de soutien à domicile québécois a été développé à une autre époque. Aujourd’hui, il ne répond plus aux besoins de la population et il est inadapté aux besoins futurs», pouvait-on lire.

«L’accessibilité est la dimension la plus problématique des services de soutien à domicile», notait la commissaire.

Le système coûte 7,6 milliards de dollars (G$) par an actuellement, mais en 2040, il coûtera 16,5 G$, soit 8,9 G$ de plus par an.

Cependant, il en coûte beaucoup moins cher d’accorder des services de soutien à domicile que de prendre en charge l’hébergement pour des raisons de perte d’autonomie.

Dans le rapport, on peut lire que pour l’année 2023, «le coût annuel moyen de fonctionnement pour une personne recevant des services de soutien à domicile (domicile proprement dit ou résidence pour aînés) est estimé à 13 900$. Ce coût varie de 67 400$ à 96 800$ pour une personne en hébergement, selon le type d’hébergement (ressources intermédiaires-ressources de type familial et CHSLD)».