Le projet de mine d'or d'Osisko à Malartic demeure critiqué

Publié le 07/03/2009 à 00:00

Le projet de mine d'or d'Osisko à Malartic demeure critiqué

Publié le 07/03/2009 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

À Malartic, on l'appelle " Madame Osisko ".

Hélène Thibault est le visage souriant de la société minière Osisko qui projette la construction d'une mine d'or à ciel ouvert dans la municipalité située entre Val-d'Or et Rouyn-Noranda, sur la route 117. C'est elle qui, depuis le tout début de l'ambitieux projet Canadian Malartic, informe les 3 600 habitants inquiets de leur sort, les consulte et leur distribue cadeaux et indemnités au nom d'Osisko.

Lorsque des citoyens expriment des craintes ou du mécontentement pendant les réunions publiques, elle les écoute et les invite à venir lui rendre visite au bureau des relations communautaires qu'Osisko a ouvert sur la rue Principale, juste à côté du bureau de poste. " Les tannants, je les laisse parler, dit-elle. C'est la meilleure chose à faire. Ils ont besoin de ventiler. Ils vivent un gros stress. "

C'est qu'après avoir subi 7 ou 8 heures de forage par jour dans leur cour pendant un an, les citoyens de cette municipalité s'apprêtent à une deuxième saison de fortes perturbations cet été : 120 maisons, soit un résident sur cinq, vont être déménagées dans un autre quartier de la ville, parce qu'Osisko veut creuser à la place une mine d'or à ciel ouvert.

Hélène Thibault symbolise les efforts importants que la minière a consentis pour obtenir le feu vert de la population pour le projet. Des efforts payants : les élus et les gens affaires l'appuient de tout leur poids.

Une forte majorité des résidents concernés ont signé leur entente de déménagement. Même le comité de vigilance des citoyens de Malartic, mis en place pour surveiller les agissements d'Osisko, ne s'oppose pas en principe au projet. Après tout, Osisko promet de créer 800 emplois durant la phase de construction et d'employer 465 personnes durant les 10 ans d'exploitation. De quoi revitaliser l'économie locale.

Unique et gigantesque

Le projet Canadian Malartic est gigantesque et sans précédent. C'est la première mine d'or à ciel ouvert d'une telle envergure au Canada et qui requiert le relogement de la population urbaine.

L'approche aussi est différente. Plutôt que de suivre un filon d'or, comme cela se fait dans les mines souterraines, on recueillera les poussières d'or en surface. C'est ce qu'on appelle un projet " à haut tonnage, mais à faible teneur ".

Autrement dit, on défigure une plus grande superficie du territoire afin de récolter de plus petites quantités d'or. La fosse à creuser sera aussi longue que la ville sur laquelle elle empiète. À elle seule, la mine engendrera chaque année deux fois plus de résidus que l'ensemble des 12 mines d'or en exploitation au Québec, en 2007.

L'exploitation requiert l'utilisation de cyanure et la consommation de pas moins de neuf millions de tonnes d'eau par année. Bruits, poussières, vibrations pendant 10 ans sont au programme. La contamination de l'air et de l'eau figurent évidemment parmi les risques, le tout à quelques centaines de mètres de la rue Principale de Malartic.

Osisko dépasse les normes établies

Dans son bureau situé à la gare Windsor, à Montréal, Jean-Sébastien David, ancien géologue de Cambior devenu directeur du développement durable chez Osisko, fait valoir qu'à bien des égards, l'entreprise dépasse les normes établies en matière de responsabilité sociale et de développement durable.

" Qu'est-ce qu'on peut faire de plus ? " lance-t-il. Osisko se targue d'avoir créé un Groupe de consultation de la communauté (GCC) dès le début du projet, alors que la loi ne l'y obligeait pas. Elle a aussi ouvert un fonds de développement durable (sous forme d'actions et de capital) qui pourrait atteindre 2,5 millions de dollars.

Côté environnement, elle innovera avec une technique de résidus épaissis (déshydratés) qui réduit la consommation d'eau, la superficie du parc minier (car il faudra moins de place pour stocker les résidus) et les risques de contamination. Elle promet des suivis de la qualité de l'eau et de l'air, du bruit et des vibrations. Cette société d'exploration devenue productrice a tellement bien fait les choses que l'Association de l'exploration minière du Québec vient de lui décerner le prix E3 d'excellence en environnement. " Nous allons servir de référence à bien des égards ", soutient M. David.

Vigilance

Mais les critiques demeurent sérieuses. Le GCC d'Osisko est perçu comme " l'organe d'information " de l'entreprise, relate Jacques Saucier, président du Comité de vigilance des citoyens de Malartic. D'où notre existence, souligne-t-il.

Aucun expert indépendant n'est membre du GCC et ce dernier ne dispose pas des budgets nécessaires pour financer des contre-expertises techniques sur les impacts sociaux, environnementaux et économiques du projet.

" Son budget de 40 000 $ par année, c'est des pinottes par comparaison aux 300 000 $ dont disposent d'autres comités dans le Grand Nord canadien pour financer des études indépendantes ", signale Ugo Lapointe, chercheur universitaire et porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, un regroupement d'environnementalistes québécois et canadiens.

De plus, et c'est surtout là que le bât blesse, Osisko a démarré la relocalisation des maisons et de cinq institutions publiques avant même d'avoir obtenu le feu vert du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). Comment l'organisme pourrait-il arrêter un projet déjà lancé, se demandent MM. Saucier et Lapointe ?

On dénonce aussi certaines tactiques pour obtenir l'assentiment de la population : distribution de dindes de Noël et de climatiseurs, paiement de fournitures scolaires, soupers gratuits pour les participants à un sondage, etc.

" On se croirait en Afrique [sic], où les gens se font acheter ", lance encore M. Saucier. On déplore également le court délai entre la publication des études d'impact reçues par Québec, et les audiences publiques.

Se pose aussi la question de la restauration du site. Avec le concours de Québec, Osisko réhabilite l'ancien parc de résidus miniers East Malartic, et elle prévoit en faire autant avec son propre parc au fur et à mesure qu'elle le polluera. Mais elle ne fera rien pour restaurer la fosse, alors qu'en Californie, la loi rend cette opération obligatoire, souligne Ugo Lapointe.

Qui plus est, la loi actuelle réussit mal à forcer les minières à payer l'entièreté de leurs coûts de restauration, souligne M. Lapointe. Les citoyens de Malartic et de l'Abitibi tout entière ne manquent pas d'exemples à côté de chez eux, dont celui de Barrick Gold qui, au lieu de payer 23 millions de dollars pour restaurer le parc d'East Malartic, l'a vendu à une société qui a fait faillite peu après la transaction.

Jean-Sébastien David est conscient de la situation. " On se bat contre le passé ", conclut-il.

Devant le BAPE, dont les audiences débutent le 11 mars, Osisko affrontera ce passé qui n'est pas le sien, alors que la coalition se battra, elle, pour qu'il ne se reproduise pas. " Ça nécessite plus que des bonnes relations communautaires, dit Ugo Lapointe. On ne peut pas se fier au fait que les gens d'Osisko soient des bons gars, il faut pouvoir décider, de façon indépendante, si ce projet d'envergure et aux conséquences inégalées vaut vraiment la peine d'être réalisé. "

PAS FACILE DE DÉMÉNAGER UNE MAISON, ALORS IMAGINEZ 120 !

Organisation. Les déménagements ont maintes fois viré au chaos, ajoutant au stress des résidents déplacés.

" Au moins, ils ne lésinent pas sur les dépenses ", commente Maurice Paquin, 84 ans. Son déménagement devait se faire en deux semaines; il a pris deux mois et demi. Lui et son épouse Hélène, 80 ans, ont toutefois apprécié les 94 $ par jour que la compagnie leur a donnés pour se nourrir : " On est allés une couple de fois au restaurant, mais on avait une cuisinette. " Et aussi l'indemnité de 5 000 $, bonifiée à 6 600 $, qui leur a été versée pour le dérangement. " On a été bien traités ", dit-il.

La minière a promis aux résidents dont la maison était déplacée qu'ils regagneraient une résidence de qualité " équivalente ou supérieure ". Promesse tenue. " J'ai maintenant un sous-sol fini, je n'en avais pas avant, dit M. Paquin. Mais j'attends encore qu'ils réparent mon escalier. "

L'opération était délicate : la maison de M. Paquin, comme celles des autres résidents déplacés, a été soulevée de son solage d'une seule pièce, transportée, avec tout son mobilier, sur un camion, puis posée sur de nouvelles fondations dans le nouveau quartier.

Les déménagements ont maintes fois viré au chaos. Hélène Thibault, responsable du projet pour Osisko, le reconnaît. " Ce fut beaucoup plus long que prévu. Et il y eu une foule de réparations à faire : des murs fissurés, des maisons croches à poser sur des solages droits, un travail colossal de détail ", dit-elle. Sans parler du bruit et de la poussière.

Des leçons pour la phase 2

Osisko a aussi manqué de main-d'oeuvre et n'a pas toujours été satisfaite du travail accompli. Pour la phase 2 du projet, la minière a décidé de demander des soumissions aux entrepreneurs plutôt que de payer leurs ouvriers à l'heure. Et de sortir les meubles des maisons avant de les déplacer.

Osisko construit également des bâtiments neufs pour relocaliser cinq institutions déplacées : deux écoles, un CHSLD, une garderie et un HLM. La minière est particulièrement fière de la nouvelle école primaire " verte " construite au coût de 15 millions de dollars et dont le nouveau nom, Les explorateurs, a été choisi par les élèves. " On nous avait proposé Osisko, mais ce n'était pas ce que nous cherchions ", relate Mme Thibault.

Coût de l'opération : au moins 85 millions de dollars. Cela comprend l'achat de 77 maisons, payées 20 % de plus que le prix de l'évaluation.

Avant les déménagements, le Groupe de consultation de la communauté (GCC) créé par Osisko a dû composer avec une foule de cas particuliers. Que dire au résident qui veut absolument apporter l'arbre planté pour la naissance de son fils ? Au locataire qui craint une hausse de loyer dans son nouvel immeuble amélioré ? Comment gérer le stress des gens qui craignent de se retrouver coincés dans le vieux quartier, avec un trou en guise de voisin, parce que la compagnie aura manqué d'argent en cours de route ?

" C'est une opération qui génère énormément de stress. On touche au quotidien des gens. On bouge leur maison. C'est très, très émotionnel ", témoigne Mariette Brassard, qui a quitté la présidence du GCC pour des raisons de santé. (Le GCC vient de nommer son troisième président en trois ans.) En guise de soutien, le groupe a publié un guide de gestion du stress et de l'anxiété.

AU GRÉ DU PRIX DE L'OR

Financement. Osisko a failli ne pas obtenir assez d'argent, et l'avenir reste incertain.

Le 25 février, Osisko a obtenu 403 millions de dollars (M$) par voie de placement pour son projet de mine Canadian Malartic. Ce financement, auquel s'ajoute 130 M$ d'encaisse et un potentiel de 200 M$ de bons de souscription, place maintenant le projet de 789 millions de dollars américains (1 milliard de dollars canadiens) en bonne voie de se réaliser.

" L'obtention de ce financement témoigne de la robustesse du projet et de la force de notre équipe ", signalait le chef de la direction financière de l'entreprise, Bryan Coates, au lendemain de l'annonce.

Les investisseurs " cherchent des projets ayant de fortes chances d'être bâtis " et le fait que Osisko ait obtenu l'aval de la population " a beaucoup joué " dans leur décision d'investir, ajoute Michael Curran, analyste chez RBC Marchés des Capitaux, qui a participé au financement du projet.

Des minimums à respecter

Le financement témoigne aussi de la vigueur du prix de l'or : l'once a atteint les 1 000 $ US le 26 février, 225 $ de plus que le prix sur lequel Osisko a basé son étude de viabilité économique.

Les dirigeants de l'entreprise minière ont dû pousser un énorme soupir de soulagement. Quelques mois auparavant, en novembre, le prix de l'or, descendu à 725 $ US l'once, rendait le projet beaucoup moins alléchant.

Selon M. Coates, les coûts du projet seront rentabilisés tant que l'or dépasse 465 $ US l'once et que le minerai recèle une teneur en or conforme aux attentes. Mais si ces niveaux ne sont pas atteints, la viabilité du projet peut être remise en cause, souligne Ugo Lapointe de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine : " Le sort de la population repose sur le prix de l'or qui fluctue ", dit-il.

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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