Nortel démantelée : la fin d'une époque

Publié le 22/06/2009 à 00:00

Nortel démantelée : la fin d'une époque

Publié le 22/06/2009 à 00:00

Par Stéphane Desjardins

Suspension des négociations sur le titre de Nortel

Si vous êtes un employé ou un retraité de Nortel, ou un spécialiste de la R&D, vous êtes du côté de ceux qui vont regretter la disparition de l’ex-fleuron de la technologie et de l’industrie canadienne. Si vous êtes un investisseur, il y a de fortes chances pour que vous vous exprimiez de manière plus ou moins élégante.

Car l'annonce de la vente de la division des activités Internet de Nortel à Nokia Siemens, pour 650 M$US, signale le début de la fin pour Nortel. Ce matin, l'ancienne darling des marchés financiers verra ses actions définitivement radiées de la Bourse de Toronto. Un geste qu'elle a elle-même demandé! Peu après l'ouverture du marché aujourd'hui, elle cotait encore à 18 cents.

Au plus fort de la bulle Internet, le 27 mars 2000, son cours à la fermeture se situait à 124,50$ (208,35$ au cours ajusté après dividende et fractionnement). Durant la frénésie des « .com », Nortel pesait quelque 30% dans l'indice de la Bourse de Toronto. Au point où plusieurs économistes et financiers consultaient deux indices : ceux du TSX avec et sans Nortel!

Peu de membres de la communauté financière remettaient en question les résultats de Nortel à l'époque. D'autant plus que l'entreprise nageait dans des liquidités de plusieurs milliards de dollars. Certains recommandaient chaudement le titre, même lorsqu'il dépassait les 120$. Un d'entre eux est l'ex-stratège en chef de la Banque Nationale et ex-président de l'Association des économistes québécois, Clément Gignac, candidat libéral à l'élection partielle d'aujourd'hui, dans Jean-Talon.

M. Gignac est presque assuré de l'emporter dans ce château fort libéral, dont le siège était autrefois occupé par la ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget.Plusieurs lui prédisent un poste de prestige au cabinet Charest. Une ascension qui laissera amers de nombreux petits investisseurs qui ont perdu une fortune dans Nortel.

Longue dégringolade

Nortel fut inscrite en Bourse en 1973. Cette ex-filiale de Bell Canada, qui s'appelait autrefois Northern Telecom, était un prospère équipementier de systèmes téléphoniques et fabricant de câbles. Nortel a vendu ses systèmes téléphoniques partout dans le monde. Au tournant de l'an 2000, les trois quarts du trafic Internet dans le monde (et une bonne partie des télécommunications traditionnelles) passaient par de l'équipement fabriqué par Nortel.

Durant la bulle Internet, la firme s'est rendue célèbre pour l'achat de diverses étoiles montantes de la technologie à des multiples financiers inouïs.Dans la seule année 2000, a réalisé 11 acquisitions pour 19,7 G$US. Nortel devait maintenir son avance technologique mondiale, notamment dans le domaine des commutateurs et autres systèmes de télécommunications, au moment où la planète se couvrait de nouveaux réseaux avec ou sans fil à très haute capacité. Très peu de ces acquisitions ont été profitables pour Nortel car ses principaux clients voyaient leurs parts de marché futures disparaître après la bulle. Et plusieurs technologies choisies par Nortel n'ont pas été adoptées par l'industrie, malgré leur supériorité.

Nortel s'est aussi fait connaître pour sa très grande générosité envers le financement de la recherche universitaire. Elle dominait toutes les entreprises canadiennes à ce chapitre, investissant des milliards de dollars lors de la décennie qui ont précédée l'éclatement de la bulle des « .com », puis des centaines de millions jusqu'en 2007, malgré ses difficultés. Pour certains, la disparition du géant déchu annonce rien de moins que la fin de l'avancée technologique du Canada dans plusieurs domaines.

Lorsque la bulle techno a éclaté, le titre de Nortel a connu une spectaculaire descente aux enfers qui s'est étirée sur deux ans. Puis, en 2004, elle a connu une remontée jusqu'à 10,94$ (103,80$ après dividende et fractionnement). Fin 2004, le titre a amorcé une autre dégringolade jusqu'en janvier dernier, où il n'a jamais remonté au-dessus du dollar. En septembre 2000, Nortel comptait 90 000 employés. Aujourd'hui, elle en compte 65 000 de moins.

Durant cette période, l'ancien symbole de la suprématie canadienne des technologies de télécommunications a connu sa déchéance : pertes de contrats et de parts de marché, débauche d'employés par milliers, scandales liés au tripotage de ses livres comptables, enquêtes de la part des autorités des marchés financiers et de la GRC, réécriture à répétition de ses bilans financiers, regroupement multiples de ses actions pour éviter la décote, etc. En février, Nortel fut obligée de payer 575 M$US en plus d'émettre de nouvelles actions pour régler des litiges américains avec ses actionnaires.

En janvier, Nortel, grevée d'une dette de plus de 10 G$CAN, se met sous la protection de la loi contre la faillite. Elle poursuit depuis sa restructuration et s'est délestée de plusieurs de ses filiales.

Son dernier président en lice, Mike Zafirovski, ex-numéro deux chez Motorola, s'est attiré la colère de ses employés lorsque ces derniers ont appris qu'il bénéficiait d'une généreuse rémunération, notamment d'un imposant fonds de retraite, alors que l'entreprise doit 1 G$ la caisse de retraite des 17 000 anciens employés de Nortel.

Nortel a donc annoncé vendredi la vente de ses divisions Internet CDMA et LTE à Nokia Siemens. Ottawa, par l'entremise d'Exportation et développement Canada (EDC), a accordé une facilité de crédit de 300 M$ à l'acheteur en échange de la promesse de conserver 2500 emplois de l'ex-Nortel au Canada et aux États-Unis. Le Globe & Mail révèle ce matin que Nortel et Nokia discutaient de cette transaction depuis janvier.

Nortel a aussi indiqué que l'entreprise négociait fermement pour la vente de toutes les divisions restantes. Plusieurs sources évaluent les actifs de Nortel à moins de 2 G$. La capitalisation boursière de l'entreprise, à son sommet, fut de 400 G$CAN.

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