Intelligence artificielle: Pierre Boivin veut des centaines de nouveaux chercheurs

Publié le 07/07/2017 à 09:34

Intelligence artificielle: Pierre Boivin veut des centaines de nouveaux chercheurs

Publié le 07/07/2017 à 09:34

Par Denis Lalonde

Le coprésident du comité d'orientation pour la création de la grappe québécoise en intelligence artificielle et président et chef de la direction de Claridge, Pierre Boivin. (Photo: LesAffaires.com)

Dans dix ans, parlera-t-on du Québec comme d'une référence mondiale en recherche fondamentale ou comme d'un exportateur d'intelligence artificielle?

«On pourrait se contenter d'être de bons chercheurs, d'écrire des articles et de vendre nos brevets aux Américains. Mais si on veut créer une industrie et être des champions, il faut retenir les chercheurs de renom et bien les entourer en attirant en masse le talent requis», raconte Pierre Boivin, nommé coprésident du comité d'orientation pour la création de la grappe québécoise en intelligence artificielle en mai.

L'autre coprésident est le recteur de l'Université de Montréal, Guy Breton.

M. Boivin, président et chef de la direction de Claridge et ancien président du Canadien de Montréal, ajoute qu'il faut que le Québec se donne les moyens de développer non seulement une très grande compétence en recherche fondamentale, mais également de créer une chaîne complète de création de valeur allant de l'idée à la commercialisation. 

Québec a alloué 100M$ sur 5 ans pour la création et le développement de la grappe en intelligence artificielle (IA). De son côté, le gouvernement fédéral a annoncé en mai un financement de 950 millions de dollars destiné aux «supergrappes» qui contribuent à «accélérer l’innovation dans des secteurs à forte croissance» au pays. 

«L'intelligence artificielle se positionne très bien pour obtenir une portion du financement et on a mis en place une collaboration très étroite entre trois instituts à Edmonton (Alberta Machine Intelligence Institute, ou Amii), Toronto (Vector Institute) et Montréal (Institut des algorithmes d'apprentissange de Montréal, ou MILA)», dit-il.

Cette initiative fédérale financera jusqu'à cinq supergrappes dans des industries comme la fabrication de pointe, l’agroalimentaire, les technologies propres, les technologies numériques, la santé et les biosciences, les ressources propres, l’infrastructure et les transports. «Nous montons notre dossier de candidature en ce moment», dit Pierre Boivin. Les soumissionnaires ont jusqu'au 21 juillet pour remettre leur lettre d'intention, après quoi seules les candidatures retenues pourront faire une demande plus complète et espérer obtenir une partie du financement.

Il faut préciser qu'en mars, au moment de déposer son budget, le fédéral annonçait un financement de 125 millions $ en intelligence artificielle pour les pôles de Montréal, Toronto-Waterloo et Edmonton. Ces fonds seront gérés par l'Institut canadien de recherches avancées (ICRA).

Pierre Boivin insiste sur le fait que chaque dollar compte, puisque des pays comme les États-Unis et la Chine investissent massivement pour attirer les cerveaux de l'IA chez eux, sans oublier les Google, Facebook et Microsoft de ce monde. La concurrence est donc féroce.

«Ce qui est clair aujourd'hui, c'est que les deux niveaux de gouvernements réalisent pleinement que le Canada, et Montréal en particulier, sont parmi les leaders dans le secteur de l'intelligence artificielle. Si on demandait une liste de 10 grands experts mondiaux dans le domaine, on aurait 5 à 6 noms canadiens en ce moment», soutient Pierre Boivin. Du nombre, il cite trois chercheurs qui se démarquent, dont Yoshua Bengio du MILA, Joëlle Pineau de McGill et Geoffrey Hinton du Vector Institute.

«Comme dans toute nouvelle science, les chercheurs en recherche fondamentale sont généralement en amont de tout ce qui se développe. Je ne me souviens pas de la dernière fois que le Canada et le Québec avaient la pôle position dans un secteur aussi prometteur et aussi bouleversant que l'IA», dit-il.

Des chercheurs par centaines 

Selon M. Boivin, le premier grand défi à l'agenda du comité d'orientation pour la création de la grappe québécoise en IA est une montée en puissance des chercheurs, surtout en recherche appliquée: «D'ici deux ans, on ne parle pas de dizaines, mais de centaines de chercheurs qu'on souhaite attirer au Québec».

«Quand on regarde la chaîne de création, la recherche fondamentale va souvent générer l'idée. Pour que cette idée devienne un produit commercial, que ce soit une solution pour Bombardier ou Couche-Tard, il faut que ça passe ensuite par la recherche appliquée. Il n'y a pas un produit révolutionnaire qui passe de la recherche fondamentale à une ligne de production. Il y a une étape très importante au milieu, celle de la recherche appliquée, et c'est là que nous devons nous renforcer», explique-t-il. 

À la fin de l'exercice, le comité devra veiller à ce que les «trois roues» de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée et de la commercialisation soient bien imbriquées. Cela passe par l'implication des gouvernements, mais aussi de la grande entreprise en proximité directe avec les instituts en IA.

«Nous devrons trouver rapidement des solutions aux enjeux qu'ont les manufacturier et les autres grandes entreprises, que ce soit en hydro-électricité, en transport, en aéronautique, en commerce de détail, en santé ou dans le domaine financier», raconte M. Boivin, ajoutant que l'écosystème devra aussi être propice au lancement de startups. 

Selon lui, pour que des startups émergent de l'écosystème, il faudra qu'elles puissent compter sur des capitaux en quantité suffisante. Le monde québécois du capital de risque, tout comme dans les autres provinces canadiennes, doit se questionner sur la possibilité de créer un fonds qui sera dédié à l'intelligence artificielle. «De cette manière, une entreprise prometteuse en IA n'aurait pas à rivaliser avec d'autres secteurs liés aux nouvelles technologies au moment de demander un appui financier», raconte-t-il, rêvant de voir deux ou trois entreprises québécoises émerger du lot et devenir des géants mondiaux de l'intelligence artificielle d'ici 5 à 10 ans.

Au moment de réaliser l'entrevue, la montréalaise Element AI n'avait pas encore bouclé sa ronde de financement estimée à 137,5 millions de dollars. Au nombre des investisseurs, notons Microsoft Ventures, Real Ventures, Intel Capital, Nvidia, la Banque Nationale, Hanwha, un groupe industriel sud-coréen et Data Collective (DCVC), un fonds de capital-risque de Palo Alto, en Californie. Le financement doit permettre la création de 250 emplois.

Un succès qui se mesurera dans 10 ans 

M. Boivin soutient que le succès du comité d'orientation pour la création de la grappe québécoise en intelligence artificielle se mesurera dans 10 ans, quand on parlera encore de Montréal comme étant un de quelques pôles d'excellence en intelligence artificielle au monde, «pas seulement en recherche fondamentale comme c'est le cas aujourd'hui, mais aussi en création d'entreprises et d'emplois, de même qu'en augmentation de la contribution au PIB de la province». 

Le mandat du comité en 4 points:

1- Voir à la mise en place de l'Institut québécois en intelligence artificielle;

2- Élaborer pour le gouvernement une stratégie quinquennale qui partira de Montréal, mais qui sera pan-québécoise;

3- Représenter et jouer un rôle de leader au niveau de l'initiative canadienne des «supergrappes» pour que le Québec tire son épingle du jeu s'il y a des fonds additionnels qui sont octroyés par le gouvernement fédéral;

4- Se pencher sur les impacts sociaux qui découleront de l'avancement de l'intelligence artificielle.

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