Les banques menées vers la faillite par le dollar numérique

Publié le 30/05/2022 à 13:03, mis à jour le 30/05/2022 à 13:57

Les banques menées vers la faillite par le dollar numérique

Publié le 30/05/2022 à 13:03, mis à jour le 30/05/2022 à 13:57

Par François Remy

(Photo: 123RF)

LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.


(Illustration: Camille Charbonneau)

Foi de banquiers, le «FedCoin» constitue un dangereux projet. Comme toute bonne institution monétaire dans le monde, la Réserve fédérale américaine étudie les possibilités d’émettre prochainement sa monnaie numérique de banque centrale (MNBC). Un scénario catastrophe selon les acteurs de l’industrie bancaire.

«Contrairement à la croyance populaire, il n’est pas nécessaire de numériser le dollar américain, car le dollar est largement numérique aujourd’hui». C’est par ce trait d’esprit que Rob Morgan, vice-président sénior Innovation et Stratégie de l’Association des banquiers américains (ABA), entame sa longue lettre adressée au directoire de la Fed. Le document épais de 24 pages énumère et argumente les nombreux risques que poserait pour le système bancaire une devise digitale justement émise par la banque centrale.

Outre le fait que cela modifierait profondément la relation entre les consommateurs et l’institution monétaire, transformant l’argent privé en argent public, les banquiers prêchent avant tout pour leur chapelle. Car ils ont énormément à perdre dans cette éventuelle opération de change. Les décideurs de la Réserve fédérale ne sont pas dupes et devinent assez aisément les effets.

«Une MNBC pourrait poser une variété de risques et soulever d’importantes questions de politique, notamment comment elle pourrait affecter la structure du marché du secteur financier, le coût et la disponibilité du crédit, la sécurité et la stabilité du système financier et l’efficacité de la politique monétaire» épinglait il y a quelques jours le nouveau rapport de la Fed sur la stabilité financière.

Autrement formulé, disposer de dollar numérique officiel auprès de la banque centrale se substituerait assez mécaniquement aux dépôts des banques commerciales. Les clients, en abandonnant leurs comptes bancaires traditionnels, mettraient alors sous pression la disponibilité du crédit et augmenteraient le coût pour les ménages, les entreprises et… les gouvernements.

 

Banque contre banque

«Les dépôts sont parmi les sources les plus stables de financement des banques, pour lesquelles les banques se livrent une concurrence féroce», concède le VP de l’association bancaire américaine. «La perte de ces dépôts signifierait que les coûts de financement des banques de financement des banques augmenteraient.»

L’importance attribuable à ces dépôts a régulièrement augmenté au fil du temps. À la fin de l’année dernière 2021, les établissements bancaires détenaient 16 900 milliards de dollars US de dépôts de transaction et d’épargne dans leurs bilans, ce qui représente 71% du financement total de l’industrie bancaire.

Les banques de toutes tailles comptent sur ces dépôts pour financer leurs opérations. Mais voilà tout, dans le pire des cas, celui où tous les dépôts des comptes seraient convertis en monnaie numérique sur le wallet de la banque centrale, le secteur perdrait 71% de son financement. Il est évident que ce trou béant devrait être comblé par d’autres sources de revenus.

«Cela n’augmenterait pas seulement les coûts de financement des banques, mais modifierait complètement leur gestion actif/passif et, par conséquent, tout le modèle d’affaires bancaire ainsi que leur capacité à gérer les risques», insiste l’ABA.

Comment les banques commerciales pourraient concourir contre une institution gouvernementale qui «imprime» de l’argent sans compter ? À l’inverse, comment les banques centrales vont-elles aborder et maîtriser ces incertitudes et les impacts désordonnés sur l’économie réelle ? Comment prévoir la vitesse à laquelle les dépôts risquent de quitter les bilans ? Comment encourager dans ce cas des sources de financement en suffisance ?

 

Certains crypto-enthousiastes plaideront volontiers pour une saine monnaie alternative déjà existante, sans intermédiaire et à la masse monétaire programmée informatiquement. Mais, cela, c’est un autre sujet.

 


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