Entrevue: Duff McDonald, auteur - The firm : the story of McKinsey

Publié le 05/10/2013 à 00:00

Entrevue: Duff McDonald, auteur - The firm : the story of McKinsey

Publié le 05/10/2013 à 00:00

Par Diane Bérard

Duff McDonald, auteur - The firm : the story of McKinsey

C'est le cabinet-conseil le plus prestigieux du monde. McKinsey a travaillé avec toutes les icônes du Fortune 500. Il a survécu à toutes les récessions et les modes pour demeurer le premier employeur que les jeunes diplômés veulent inscrire sur leur CV. Comment McKinsey est-elle devenue si puissante ? Le journaliste indépendant Duff MacDonald répond dans le livre The firm.

Diane Bérard - Comment McKinsey est-elle devenue McKinsey ?

Duff McDonald - En ne laissant rien au hasard. La direction a décidé ce que serait McKinsey, et le nécessaire fut fait pour atteindre cet objectif. On allait créer une nouvelle profession, le consultant professionnel. À l'époque, ce métier grouillait de fumistes. McKinsey changerait la donne en lançant un cabinet-conseil aussi respectable que les grands bureaux d'avocats. Tout a été normé, de la façon dont les consultants seraient vêtus jusqu'à leur manière d'interagir avec les clients, en passant par leurs méthodes de travail.

D.B. - James McKinsey était un grand innovateur. Expliquez-nous en quoi ?

D.M. - Il a fait passer les entreprises de la tenue de livres à la planification stratégique. «Ces chiffres racontent une histoire, disait-il. Pourquoi ne pas les utiliser pour contrôler l'avenir plutôt que raconter le passé ?» C'est ainsi qu'il a convaincu ses clients de se mettre à la planification stratégique.

D.B. - McKinsey a fait fortune en appliquant le taylorisme au management, dites-vous. Expliquez-nous.

D.M. - Le taylorisme visait à rendre les employés les plus efficaces possibles. À en faire de véritables machines à produire. McKinsey a estimé qu'il y avait tout autant de productivité à récupérer au sommet de la pyramide, en augmentant le rendement des gestionnaires.

D.B. - Ce cabinet est lié à tous les événements charnières du capitalisme américain. Comment ses dirigeants successifs ont-ils réussi ce coup ?

D.M. - En se concentrant sur le problème du moment. Ce qui leur a permis de décrocher des contrats chez toutes les grandes entreprises américaines. Après tout, les organisations ont toutes affronté les mêmes difficultés en même temps. Le mantra de McKinsey pourrait se décliner ainsi : «peu importe l'aide dont vous avez besoin, nous vous la donnerons».

D.B. - On embauche McKinsey autant pour son influence que pour ses compétences...

D.M. - La marque McKinsey est immense. Son influence aussi. Les pdg y font appel pour qu'elle les aide à décider. Les consultants de McKinsey n'ont pas nécessairement la meilleure réponse, mais ils ont toujours une réponse. On les embauche aussi pour convaincre le CA. «Si McKinsey l'a dit, ce doit être vrai.» Se débarrasser d'un cadre encombrant qui mine notre pouvoir. Une réorganisation et hop ! le poste disparaît. Leur passage est bien pratique pour faire passer un message aux employés, comme la nécessité de réduire les coûts. Sans compter qu'ils connaissent tant d'entreprises que faire appel à leurs services devient une forme d'espionnage industriel.

D.B. - Ces consultants valent-ils les honoraires qu'ils réclament ?

D.M. - Les services de McKinsey sont des biens de luxe. La valeur d'un bien de luxe tient d'abord à la valeur qu'il nous confère. Recruter McKinsey, c'est démontrer que notre entreprise en a les moyens, donc qu'elle se porte bien. J'ajouterais que 85 % des contrats de cette firme proviennent de clients qui reviennent. Ce qui laisse croire que ceux-ci ont donc obtenu satisfaction.

D.B. - Lorsqu'il recrute, McKinsey préfère la jeunesse à l'expérience. Pourquoi ?

D.M. - Parce qu'il est plus facile de modeler un jeune diplômé qu'un gestionnaire d'expérience qui a choisi la consultation comme seconde carrière.

D.B. - Ses employés sont-ils des clones les uns des autres ?

D.M. - Oui et non. Ce sont de jeunes gens brillants remplis d'initiative. Mais cette boîte refuse le star-system. Vous achetez McKinsey, pas un consultant en particulier. Chaque année, la firme perd les 20 % plus doués, parce qu'ils deviennent plus gros que la boîte. Le cas le plus célèbre est Tom Peters. De l'autre côté, on encourage les 20 % moins doués à quitter l'entreprise. Reste les très performants qui acceptent de se conformer au modèle établi.

D.B. - Le leadership de McKinsey a-t-il déjà été menacé ?

D.M. - Oui. D'abord par le Boston Consulting Group dans les années 1960. BCG a reproduit le modèle commercial de McKinsey, qui consiste à revendre à répétition les stratégies de ses clients en les présentant comme des modèles. Puis IBM, Accenture, Deloitte et toutes les boîtes-conseils ont aussi attaqué le marché de McKinsey. Le vétéran a réagi en maintenant le cap. McKinsey laisse ces firmes travailler sur des mégaprojets et se concentre sur les enjeux de stratégies que le pdg a à coeur.

D.B. - Travailler chez McKinsey est-il encore le job de rêve des diplômés en gestion ?

D.M. - Les temps changent. Pour ce qui est du job de rêve, McKinsey ne fait pas le poids à côté de Facebook, Google ou la start-up du moment. Les jeunes veulent être là où ça se passe. Cela étant dit, McKinsey reçoit tout de même 225 000 demandes d'emploi par année. Les diplômés sont conscients de l'impact du nom de cette boîte sur un CV. Un passage chez McKinsey produit encore son effet.

D.B. - McKinsey recrute ses clients dans le Fortune 500. Peut-on l'imaginer travailler avec les start-ups ?

D.M. - Sa structure de coûts et son organigramme ne le permettent pas vraiment. Mais je suis convaincu que la direction se demande quelle place elle peut occuper dans cet univers qui prend de plus en plus de poids. Gagnerait-elle à travailler avec ces jeunes pousses ? Ont-elles besoin d'elle ?

D.B. - À quoi sert la firme ?

D.M. - Je poserais la question autrement : à qui sert-elle ? Aux pdg ? Certainement. Aux actionnaires ? Pas toujours. Aux employés ? Pas vraiment. McKinsey travaille pour le management. À la société ? D'un côté, nous pourrions dire que McKinsey a contribué, et contribue toujours, à rendre le monde des entreprises plus ordonné et plus efficace. De l'autre, nous pourrions avancer que ces consultants poussent ce concept d'efficacité à l'extrême. Est-ce le genre de société que l'on souhaite ? Un monde où les décisions des entreprises ne sont guidées que par le profit ? Quelle importance accordons-nous au bonheur des gens ? Améliorer la productivité est-il notre ultime préoccupation ?

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