Réputation solide, bureaucratie perfectible


Édition du 06 Février 2016

Réputation solide, bureaucratie perfectible


Édition du 06 Février 2016

Par Matthieu Charest

[Photo : Shutterstock]

Michael Denham veut étendre l'influence et le portefeuille de l'institution qu'il dirige. Il pourra s'appuyer sur une réputation solide, si l'on en juge par les témoignages que nous avons recueillis auprès de quelques clients.

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«La BDC, c'est essentiel, c'est sûr», lance d'entrée de jeu Éric Bolduc, vice-président, finances, chez Vizimax, une entreprise de Longueuil spécialisée dans les réseaux électriques. «Elle nous a offert du financement "traditionnel" et du capital de risque, pour un total de 3 à 4 millions de dollars. Ce n'était pas nécessairement l'investisseur le plus important, mais la BDC nous a ouvert des portes.»

Quant à la performance générale de la BDC dans le capital de risque, qui représente environ 1 milliard de dollars de ses actifs, elle est limitée. Pour l'exercice 2014, l'institution a perdu 12 M$ ; en 2015, elle a dégagé un bénéfice de 23,3 M$.

«Vingt-trois millions de dollars de profits sur 1 G$, c'est break-even [atteindre le point mort], constate Brian King, professeur adjoint au Département d'entrepreneuriat et innovation à HEC Montréal. Pour un fonds privé, ce ne serait vraiment pas une bonne performance, ce serait impossible de lever un autre fonds. Cela dit, l'objectif de la BDC dépasse celui de faire de l'argent : elle veut soutenir l'économie, l'entrepreneuriat. Ses considérations sont multiples.»

Selon Chris Arsenault, associé principal d'iNovia Capital, un fonds de capital de risque qui totalise 450 M$, «la BDC ne veut pas compétitionner avec les fonds privés. C'est sûr qu'il y a toujours une perception avec laquelle elle doit composer, que ce n'est pas le rôle du gouvernement de financer les entreprises de technologie. Même chose lorsqu'elle fait du financement "traditionnel". Mais sans la BDC, le Canada technologique et innovateur ne serait pas ce qu'il est. Elle a été la première à nous financer en 2007. Sans elle, qui serait là pour un fonds émergent ?»

Quant à savoir si la BDC est perfectible, «il peut toujours y avoir de l'amélioration, dit Éric Bolduc, de Vizimax. Comme entrepreneurs, nous visons toujours un minimum de bureaucratie. Mais elle n'est pas pire que les autres. C'est sûr que, comme investisseur, elle doit effectuer des vérifications. Mais je pense que la BDC est plus tolérante au risque».

Pourtant, ce n'est pas l'avis de tous. Notamment un entrepreneur en agroalimentaire, qui a préféré garder l'anonymat puisqu'il a déposé une demande de financement auprès de la BDC. «On croyait que c'était une banque différente des autres, qu'elle n'avait pas les mêmes critères de sélection pour octroyer du financement, mais elle est comme les autres. Je n'entre pas dans son "moule". Pourtant, j'ai un chiffre d'affaires de plusieurs centaines de milliers de dollars. De plus, deux institutions financières nous ont déjà accordé un prêt. C'est un peu étrange...»

André Levasseur, d'Agrisoma, une entreprise de Gatineau qui produit des matières premières pour biocarburants, se montre plus enthousiaste. «S'il y avait un point à améliorer, ce serait de diminuer la bureaucratie. Mais sans la BDC, c'est clair que nous ne serions pas là où nous sommes aujourd'hui. Elle a commencé à nous soutenir même quand l'environnement n'était pas un sujet à la mode», affirme le directeur des finances. L'institution soutient l'entreprise depuis 10 ans et a investi plus de 30 % du capital de risque, qui totalise environ 14 M$.

«Ce ne sont pas seulement des investisseurs, dit M. Levasseur. La BDC travaille avec la direction pour élaborer un plan stratégique et elle apporte beaucoup de valeur au sein d'un CA. Elle nous encourage à exporter. Nous pouvons utiliser son réseau comme levier. Elle peut nous aider à rencontrer Exportation et développement Canada, par exemple.»

Briser les silos

Parmi les ambitions de Michael Denham, aider les entreprises sur les marchés d'exportation occupe une grande place.

«Le fédéral veut aussi que tous les ordres de gouvernement, les agences et les ministères travaillent davantage ensemble. Ça, c'est quelque chose que nous faisons beaucoup, avec Exportation et développement Canada [EDC], par exemple. Nous devons soutenir nos clients dans leurs stratégies d'exportation.»

Une intention qui trouve un écho très favorable du côté du principal intéressé. «Nous avons énormément d'appétit pour travailler ensemble, nous confie Benoit Daignault, président et chef de la direction d'EDC. Depuis 2011, nous avons une entente [avec la BDC], afin de nous recommander mutuellement des occasions. Nous sommes très complémentaires. En outre, avec l'environnement économique actuel qui est, disons-le, au ralenti, ça nous pousse encore plus à collaborer. Travailler en silos, ça ne sert à rien.»

Si M. Daignault ne connaissait pas Michael Denham avant son entrée en poste, «nous avons pris contact très rapidement. J'ai vraiment l'image d'un homme très pragmatique, doté d'une vision très pratique. On a besoin de ça».

Travailler avec une «équipe forte»

Quant à Claude McMaster, président et chef de la direction de Technologies D-Box, il siégeait au conseil de la BDC au moment de l'arrivée de M. Denham. «La transition s'est très bien déroulée, dit-il. Je n'étais pas dans le comité de sélection, mais je suis très satisfait. C'est un gars qui a une grande expérience, canadienne et internationale. Il a une très bonne écoute. Il prend le temps d'analyser, de réfléchir, puis il passe à l'action. Ça prend du monde fort pour gérer une équipe aussi forte.»

Pour ce qui est des visées expansionnistes de M. Denham, l'homme fort de D-Box est totalement derrière lui. «Je crois qu'il faut s'activer à mieux faire connaître la BDC, elle est encore méconnue. Et c'est essentiel que la BDC puisse croître pour servir le plus d'entreprises possible.»

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