Entrevue n°207: Roya Mahboob, fondatrice de Citadel Software


Édition du 07 Juin 2014

Entrevue n°207: Roya Mahboob, fondatrice de Citadel Software


Édition du 07 Juin 2014

Par Diane Bérard

D.B. - Votre modèle d'entreprise repose sur la route de la soie numérique. De quoi s'agit-il ?

R.M. - La route de la soie numérique est une adaptation virtuelle de la route de la soie de Marco Polo. Cette voie numérique permet, elle aussi, la circulation des biens, par le commerce électronique. Mais on n'a pas à sortir de chez soi pour y faire du commerce. Elle convient donc à mon modèle d'entreprise, puisqu'elle devient une source d'émancipation pour les femmes afghanes. La plupart de mes collaboratrices travaillent de chez elles. Cela leur permet de gagner un revenu sans mettre leur sécurité en péril. La route de la soie numérique est empruntée par 60 000 micro-entrepreneures en Afghanistan, au Népal, au Pakistan, en Égypte... C'est le chemin de leur indépendance. Elles sont connectées entre elles et sur le monde.

D.B. - Comment l'Occident peut-il contribuer à construire cette route de la soie numérique ?

R.M. - Nous avons besoin de formation pour pouvoir y circuler. Vous pouvez, par exemple commanditer des étudiants. Développer des programmes de littératie numérique en ligne.

D.B. - Qu'en est-il des infrastructures numériques ?

R.M. - Elles sont plutôt bonnes, près de 65 % du pays est connecté par fibre optique. Plus de 20 millions de citoyens sont branchés à un appareil mobile, soit 68 % de la population. Mais nous avons besoin de formation pour apprendre à exploiter cette technologie afin d'en tirer profit.

D.B. - Pour créer des emplois pour les Afghanes, il faut d'abord les former...

R.M. - Je travaille aussi en amont en offrant des cours d'introduction à l'informatique à l'école. Nous avons développé des laboratoires d'informatique dans 11 écoles d'Herat. Cela nous permet de rejoindre une population de 35 000 étudiantes. Je vise 40 laboratoires, dans tout le pays. Cette fois, 160 000 étudiantes auront accès à ces laboratoires. Même celles qui n'ont pas d'ordinateur chez elles pourront tout de même apprendre l'informatique et pratiquer ce qu'elles apprennent.

D.B. - Parlons d'argent, votre entreprise est-elle profitable ?

R.M. - L'argent est un souci constant. Nous avons démarré sans un sou, avec les cafés et les restaurants comme bureau. J'ai pu compter sur le soutien de mes proches [love money]. Je les rembourse chaque fois que Citadel décroche un contrat ; le reste, je le réinvestis dans l'entreprise. J'ai quelques commanditaires étrangers, comme Craig Newman [Craig's List]. Mais cela ne suffit pas. Pour réaliser mes projets, je dois trouver 500 000 $ d'ici la fin de 2014. Je vais utiliser mon réseau et tous les canaux possibles : la commandite, les dons à notre fondation et l'investissement direct.

D.B. - Vous avez figuré sur la liste des 100 personnes les plus influentes du Times. Cela aide vos affaires, non ?

R.M. - Oui et non. J'y gagne de la visibilité à l'extérieur de l'Afghanistan, mais cela complique ma vie au pays. Toute cette attention est jugée non appropriée pour une femme. Je dois me montrer très discrète lorsque je suis chez moi.

D.B. - Au-delà des emplois que vous créez, directement et indirectement, quelles sont les retombées de votre entrepreneuriat ?

R.M. - Certains représentants gouvernementaux commencent à reconnaître l'importance d'enseigner les technologies aux jeunes filles. Désormais, toutes les étudiantes de 14 à 18 ans doivent suivre un cours d'informatique. Il faut dire que le chef de l'éducation de la ville d'Herat appartient à la jeune génération et fait donc preuve d'ouverture.

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