Procès Norbourg: l'avortement était prévisible

Publié le 26/01/2010 à 13:07

Procès Norbourg: l'avortement était prévisible

Publié le 26/01/2010 à 13:07

L’avortement du procès dans l’affaire Norbourg était prévisible dès le départ, selon l’avocat criminaliste et professeur associé de l’UQAM, Jean-Claude Hébert.

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Une situation qu’il attribue à deux éléments principaux, la décision de tenir un procès devant jury et de présenter un acte d’accusation beaucoup trop complexe. Voici ses réponses à nos questions:

La Couronne avait choisi un procès avec un jury. Pourquoi ?

Il a deux raison possibles derrière ce choix. Une première d’ordre d’économie de temps et de ressources, et une autre d’ordre stratégique.

En procédant de la sorte, devant jury, on saute l’étape de l’enquête préliminaire. On appelle cela un processus de mise en accusation directe. Ce n’est pas négligeable. Compte tenu de l’ampleur du dossier, qui compte 700 chefs d’accusation et cinq accusés, l’enquête préliminaire aurait pu durer plusieurs mois.

Deuxièmement, il y avait une raison stratégique. La couronne a dû se demander si douze citoyens ordinaires risquaient d’avoir un préjugé favorable à la cause de la couronne. Si la couronne a estimé que oui, elle s’assurait d’une oreille au moins attentive, voire favorable du jury. 

 

L’acte d’accusation faisait également problème, à votre avis. Pouvez-vous expliquer?

Effectivement. Peut-être que l’erreur de la Couronne a été d’avoir présenté un acte d’accusation trop considérable pour les besoins de la cause. Sans le vouloir, ce faisant, la couronne a multiplié les chances de confusions et les pommes de discordes entre les jurés.

 

Vous dites que l’acte était trop gros pour la cause. Que voulez-vous dire ?

Dans un procès pareil, on demande aux jurés de s’entendre. Ils doivent être 12 favorables à la culpabilité des accusés ou 12 favorables à la non culpabilité, pour chacun des 700 chefs d’accusations. En d’autres mots, pour chacun des accusés, les jurés doivent faire un examen minutieux et scrupuleux de l’énorme preuve qui a été présentée.

C’est là que la couronne s’est avancée sur un terrain minée... Les désaccords peuvent surgir en cours de route, s’accentuer et se multiplier, de façon croisée et multiple… À tel point qu’à la fin de l’exercice, vous pouvez vous retrouver avec beaucoup plus de désaccords que d’accords des jurés.

 

Était-ce possible d’éviter une telle situation ?

Oui. C’était possible. La couronne aurait dû, vu l’ampleur de la cause, essayer de donner au jury une grille d’analyse simple. Or, ce n’est pas ce qu’elle a fait.

Je m’explique. Quand vous parlez d’un chef d’accusation de fraude, c’est relativement simple à comprendre. La même chose pour des accusations de faux documents.

Par contre, quand vous tombez dans des accusations de recyclage des produits de la criminalité, là vous basculez dans un monde complexe et difficile à comprendre. Et encore plus lorsque vous ajoutez à tout cela des chefs d’accusation de conspiration et de complot, où les règles de preuve sont différentes des règles d’accusation en matière de fraude ou de faux documents.

Lorsque vous demandez aux douze jurés d’appliquer en plus une telle grille d’analyse pour chacun des accusés, et pour chacun des accusés, au regard de chacun de 700 chefs d’accusation, c’est encore pire.

 

La nature des chefs d’accusation faisait donc problème en raison de leur complexité. Mais leur nombre ne causait-il pas aussi problème?

Effectivement. Au lieu de prendre un acte d’accusation à 700 chefs, la couronne aurait pu présenté un acte d’accusation à seulement 4 ou 5 chefs d’accusation simples.

Par exemple, dire que «tel et tel accusés ont commis une fraude entre telle date et telle date à l’égard des victimes de Norbourg».

Dans un cas pareil, le travail des jurés est beaucoup plus simple. Ils ont à se demander si, hors de tout doutes raisonnables, des éléments permettent de croire qu’une personne ait agit de telle sorte qu’elle savait ce qu’elle faisait et que ses gestes ont contribué à aider M. Lacroix à frauder les investisseurs. Un point c’est tout.

Il n’a pas à entrer dans tous les détails, de quel investisseur a été fraudé, et de quel montant exactement? Ça aurait été au jugede départager la participation de chacun dans l’ensemble de toutes les transactions. (…) On aurait partagé le travail à faire entre le jury et le juge.

Ici, la couronne a choisi d’y aller avec un acte d’accusation digne des records Guiness. Si y a pas un minimum de compréhension sur des choses vitales, alors c’est l’incompréhension générale qui prend le dessus. Au bout de l’exercice, c’est quasi impossible pour une chatte de retrouver ses chatons.

 

Si je comprends bien, dès le début ce procès était parti pour mal finir ?

Vous avez raison. C’est une bonne façon de le dire. En fait, le menu était trop considérable pour l’appétit d’une personne raisonnable.

Vous savez, si vous prenez un plat massif et vous tentez de le rentrer de force dans la bouche de quelqu’un d’un trait, ça ne passera pas. La personne va régurgiter.

Par contre, si vous lui offrez le même plat, à petite dose, peut-être qu’elle mangera plus que son appétit, mais elle va finir par voir la fin du plat en question.

Dans le cas qui nous préoccupe, on a tenté de faire ingurgiter à douze citoyens un énorme spaghetti. Puis ensuite on lui a dit que telle branche de spaghetti commençait ici et finissait là. Comment comprendre ? C’est impossible parce que chaque nouille est perdue dans la masse. C’est dans ce genre de situation inextricable que le jury se retrouvait.

 

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