Des maires ont donné près de 100 000$ à la caisse électorale de la CAQ depuis 2021

Publié le 29/01/2024 à 13:36, mis à jour le 29/01/2024 à 18:34

Des maires ont donné près de 100 000$ à la caisse électorale de la CAQ depuis 2021

Publié le 29/01/2024 à 13:36, mis à jour le 29/01/2024 à 18:34

Par La Presse Canadienne

Près de la moitié des maires et préfets du Québec, soit 503 sur 1138, ont contribué au financement de la CAQ depuis les dernières élections municipales en 2021. (Photo: 123RF)

Québec — Des maires du Québec ont donné près de 100 000$ à la caisse électorale de la Coalition avenir Québec (CAQ) entre 2021 et 2023.

C’est ce que révèle une compilation obtenue par La Presse Canadienne de source sûre, alors que la CAQ est embourbée dans des controverses sur ses méthodes de financement.

Au total, près de la moitié des maires et préfets du Québec, soit 503 sur 1138, ont contribué au financement de la CAQ depuis les dernières élections municipales en 2021.

La CAQ a assuré qu’elle ne cible pas les élus municipaux dans un stratagème de financement, mais «les faits démontrent le contraire, ce n’est pas un hasard si autant de maires donnent le maximum, il y a une opération qui vise les élus municipaux», rétorque le député Vincent Marissal, de Québec solidaire.

En 2021, les maires ont versé 20 535$ dans la cagnotte caquiste, 40 155$ en 2022 et 38 190$ en 2023, donc au total 98 880$. La compilation n’inclut pas les dons des milliers de conseillers municipaux.

À titre de comparaison, la CAQ a encaissé près de 779 000$ en dons individuels en 2021, et 1,35 million $ en 2022, année électorale où les citoyens sont autorisés à verser 100$ supplémentaires en plus du don maximal autorisé par année de 100$.

Si on fait l’exercice de remonter jusqu’à 2018, l’année de l’accession de la CAQ au pouvoir, on arrive à un total qui frise 150 000$ versés par les maires et préfets en poste en 2024: 8025$ en 2018, 23 140$ en 2019, et 19 440$ en 2020.

Ainsi 540 maires sur 1138 en poste en date de janvier 2024 ont donné au moins une fois à la CAQ depuis 2018, mais il est difficile de recenser un par un qui, parmi les 37 élus supplémentaires donateurs, étaient ou non élus avant le scrutin municipal de 2021.

Le don le plus fréquemment versé par les maires est de 100$, soit le maximum autorisé par année. Rappelons que les maires au même titre que tous les autres citoyens ont le droit de contribuer au financement des partis.

«Pourquoi près de la moitié des maires du Québec ont décidé spontanément de devenir des militants de la CAQ et de payer 100$ de leur poche?» a demandé le député péquiste Pascal Bérubé lundi, en entrevue avec La Presse Canadienne.

«Est-ce que ces maires auraient participé à un cocktail de la CAQ s’il n’y avait pas eu de ministres, si ce n’était uniquement pour la promotion des idées de la CAQ? J’en doute pas beaucoup. (…) Est-ce que ce sont des militants de la CAQ? Bien sûr que non!»

Il a ajouté que «plusieurs maires nous disent qu’ils ont été approchés par texto de la part de députés et de ministres. Si les maires veulent avoir un accès privilégié, on leur offre cette occasion».

Et selon lui, l’enjeu dépasse le cas des élus municipaux et touche d’autres personnes qu’on invite à ces activités de financement caquistes.

«Que dire des entrepreneurs qui veulent présenter des plans d’affaires, des organisations qui sont en relation avec l’État? Moi, j’ai des cas concrets en tête.»

La Presse Canadienne a validé par échantillonnage aléatoire les données recueillies dans la compilation en effectuant des recherches sur les donateurs à même le site d’Élections Québec.

La semaine dernière, François Legault avait assuré que son parti ne ciblait pas particulièrement les élus municipaux dans ses stratégies de financement.

«Le dossier est clos», avait-il tranché dans une conférence de presse à l’issue d’une réunion de deux jours de son caucus à Sherbrooke jeudi dernier.

«Il devrait commencer par ne pas se cacher la tête dans le sable et ne pas regarder ailleurs, a répliqué M. Marissal, en entrevue avec La Presse Canadienne lundi. Je n’accepte pas sa conclusion, selon laquelle le dossier est clos et on passe à un autre appel.»

Selon lui, il y a un «système» qui cible les maires et «si on cible, c’est du financement sectoriel», a-t-il poursuivi.

La CAQ réagit

La directrice générale de la CAQ, Brigitte Legault, a répété lundi qu’il n’y a «absolument pas de stratagème», selon ses mots.

«Tous ces gens sont invités à des activités qui sont ouvertes à tous nos membres et nos anciens donateurs de l’année précédente», a tenu à préciser Mme Legault dans une entrevue téléphonique.

«On s’entend que souvent, entre deux et cinq maires ou conseillers participent, et ils sont parmi un groupe de 50, 100 ou 200 personnes. Il n’y a pas vraiment d’échanges (avec le ministre invité). Si on lui parle, c’est saupoudré.»

Le cas Thouin

La Presse Canadienne avait obtenu mardi dernier un message du député caquiste Louis-Charles Thouin, qui invitait une dizaine de maires de sa circonscription de Rousseau à un cocktail pour garnir la caisse électorale à coups de 100$, en échange de quoi les élus pourraient rencontrer la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, le 8 février à Saint-Jacques.

M. Legault a laissé entendre que sa formation allait réviser ses messages, mais a répété que les maires n’avaient pas à payer la CAQ pour rencontrer un ministre.

La semaine dernière, M. Marissal a demandé à la commissaire à l’éthique, Ariane Mignolet, d’enquêter sur M. Thouin, en évoquant un «stratagème de financement» de la CAQ, qui pourrait faire miroiter un entretien avec un ou une ministre en échange d’un don de 100$. Selon le député de QS, cela contrevient à plusieurs articles du code d’éthique.

La commissaire a confirmé lundi qu’elle ouvrait une enquête.

Dans un reportage de Radio-Canada diffusé en décembre, des maires de l’Abitibi exprimaient leur malaise et disaient se sentir obligés de contribuer à la CAQ pour rencontrer un ministre et ainsi faire avancer leurs dossiers.

Des précisions d’Élections Québec

La loi électorale stipule que le donateur à un parti politique doit attester que sa «contribution est faite à même ses propres biens, volontairement, sans compensation ni contrepartie, et qu’elle n’a fait ni ne fera l’objet d’un quelconque remboursement».

La Presse Canadienne a demandé des précisions à Élections Québec concernant la question de la contribution qui doit être versée sans contrepartie.

«L’esprit de la Loi électorale au regard du fait que la contribution doit être faite “sans compensation ni contrepartie” est d’éviter qu’un parti ou qu’un candidat se trouve dans une situation où il se sentirait redevable face à la contribution versée par un donateur et de s’assurer que chaque donateur agit volontairement pour verser sa contribution, de son propre chef et à même ses propres fonds, sans subir de pression ou de promesse d’une tierce personne», a précisé un porte-parole d’Élections Québec dans un courriel.

Le Parti québécois entend d’ailleurs déposer une motion bientôt qui réclamerait la mise en œuvre d’une recommandation de la commission Charbonneau: que tous les noms de personnes qui participent à une activité de financement en présence d’un ministre soient rendus publics.

«Évidemment, on aimerait que les ministres soient exclus des activités de financement et que les gens financent les partis uniquement pour leurs idées», a poursuivi M. Bérubé, en ajoutant que des ministres lui ont exprimé leur malaise à prendre part à ces rencontres.

Le message de M. Thouin

Dans son message de sollicitation, M. Thouin indiquait, pour justifier sa démarche, que «chaque député doit, chaque année, amasser des fonds en vue des prochaines élections, toutefois cette année j’ai décidé de vous proposer une nouvelle formule».

Il disait qu’il veut ainsi «joindre l’utile à l’agréable» en invitant les élus à un «cocktail privé» au coût de 100$, formule 5 à 7, en présence de Mme Guilbault.

«Geneviève et moi serons ravis de vous accueillir et de pouvoir échanger avec vous sur divers sujets qui vous préoccupent dont les enjeux de transports routiers et collectifs», écrivait-il.

Rappelons que le ministère des Transports et sa ministre sont en contact constant avec les municipalités sur des enjeux de financement des infrastructures routières, de transport en commun, d’entretien des routes, de nouveaux tronçons, de sécurité, etc.

Rencontrer la ministre peut ainsi permettre à un élu municipal de faire avancer un dossier, mais un élu qui sollicite un rendez-vous avec un ministre ne doit pas avoir à payer pour obtenir sa rencontre.

La CAQ a fourni lundi des messages supplémentaires de M. Thouin qui avait tenu dans un échange à préciser sa démarche auprès d’un élu.

Il assurait alors que la participation à une activité de financement «ne donne accès à aucun privilège», peut-on lire.

Il ajoutait aussi: «votre contribution ne vous donnera absolument rien de plus qu’une belle soirée».

Le cas Lévesque

Il y a deux semaines, Radio-Canada avait révélé une autre controverse sur le financement de la CAQ qui touchait le député de Chauveau, Sylvain Lévesque.

Une citoyenne qui souhaitait que son député fasse progresser son dossier s’est fait offrir de rencontrer le ministre des Finances, Eric Girard, en échange d’une contribution de 100$ à la caisse du parti.

La commissaire Mignolet a annoncé la semaine dernière qu’elle entreprenait une enquête sur le cas de M. Lévesque.

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne

 

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