Le projet de commission unique est mort

Publié le 22/12/2011 à 09:48, mis à jour le 22/12/2011 à 14:23

Le projet de commission unique est mort

Publié le 22/12/2011 à 09:48, mis à jour le 22/12/2011 à 14:23

Le projet de commission unique est enterré. La Cour suprême du Canada a rendu sa décision : le projet fédéral de commission unique n'est pas constitutionnel.

Selon la Cour suprême, la Loi sur les valeurs mobilières proposée, dans sa version actuelle, n'est pas valide, « car elle ne relève pas du pouvoir général de réglementation en matière de trafic et de commerce conféré au Parlement par le paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 ».

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Après la décision de la Cour suprême, Jim Flaherty, ministre des Finances du Canada, a décidé d’abandonner son projet de commission pancanadienne des valeurs mobilières.

« Nous avons vu la décision et nous la respecterons, a-t-il expliqué par voie de communiqué. Il est clair que nous ne pouvons pas aller de l’avant avec cette législation. »

Le ministre des Finances avait demandé à la Cour suprême de statuer sur la constitutionnalité du projet de commission unique en soutenant que l’absence de régulateur pancanadien était une faiblesse importante dans le système financier canadien.

Le débat portait sur la question suivante : la loi proposée est-elle valide comme relevant du volet général du pouvoir fédéral de réglementation en matière de trafic et de commerce? La Cour suprême a jugé que non tout en soulignant que rien n'interdisait une « une démarche coopérative qui, tout en reconnaissant la nature essentiellement provinciale de la réglementation des valeurs mobilières, habiliterait le Parlement à traiter des enjeux véritablement nationaux ».

Selon la Cour, le pouvoir fédéral de réglementation en matière de trafic et de commerce, bien qu'à première vue large, est nécessairement circonscrit. En effet, il ne peut pas priver les législatures provinciales de leurs capacités à réglementer les affaires de nature locale et l'industrie à l'intérieur de leurs frontières

« Pas plus que le pouvoir des législatures de réglementer la propriété et les droits civils dans la province ne peut priver le Parlement du pouvoir que lui confère le paragraphe 91(2) de légiférer sur des questions d'importance et de portée véritablement nationales qui transcendent la nature locale et concernent tout le pays », souligne la Cour dans son jugement.

Selon la Cour, l'importance économique et l'omniprésence du marché des valeurs mobilières pourraient, en principe, justifier une intervention fédérale différente de celle des provinces. Par contre, elles ne justifient pas la supplantation intégrale de la réglementation du secteur des valeurs mobilières. 

La Cour qualifie la loi proposée « d'intrusion massive » du gouvernement fédéral dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières. Selon le plus haut tribunal du pays, accepter l'interprétation que propose le fédéral romprait l'équilibre qui permet tant au Parlement qu'aux provinces d'agir efficacement dans leurs sphères de compétence respectives.

« Le Parlement ne peut pas réglementer l'ensemble du système des valeurs mobilières du seul fait que certains aspects de ce domaine ont une dimension nationale », peut-on lire dans le jugement. 

Un peu d'histoire

Six provinces, dont le Québec, se sont prononcées contre le projet fédéral de création d'une commission unique. L'Alberta a toutefois récemment indiqué que si Ottawa gagnait sa cause devant la Cour suprême, la province se rallierait au projet. Seule l'Ontario a signalé son appui au gouvernement conservateur.

Les provinces opposées au projet soutenaient que le projet fédéral empiétait sur leurs compétences telles que définies par la constitution canadienne. En effet, si l'on se fie à la constitution, le commerce des valeurs mobilières tomberait dans le giron des provinces puisqu'il s'agit d'affaires locales.

Pour sa part, le gouvernement fédéral plaidait qu'il était d'intérêt national qu'une commission pancandienne soit crée et qu'il avait donc le droit d'aller de l'avant avec ce projet. Selon le gouvernement du Canada, une commission unique renforcerait la stabilité financière du pays et protégerait mieux les investisseurs canadiens contre les fraudes.

 Les deux autres tribunaux qui se s'étaient penchés sur la question jusqu'ici, soit les Cours d'appel du Québec et de l'Alberta, avaient donné tort à Ottawa. De plus, plusieurs grandes entreprises, comme la Caisse de dépôt et placement du Québec, l'Industrielle Alliance, Quebecor, le Groupe Jean Coutu et Cascades, se sont tour à tour opposées au projet.

 L'industrie financière québécoise craignait surtout la création d'une commission pancanadienne des valeurs mobilières centrée sur Toronto qui négligerait les intérêts des provinces ainsi que leurs particularités. De plus, plusieurs observateurs ont souligné que des systèmes très centralisés comme celui des États-Unis avaient démontrés leurs faiblesses à prévenir des fraudes à grande échelle.

 « Le premier devoir d'une commission est de protéger les intérêts du public, avait déclaré Luc Labelle président et chef de la direction de la Chambre de la sécurité financière à Finance et Investissement en 2008. Le public est dans chaque ville et chaque village, il n'habite pas uniquement à Toronto. En éliminant les plus petits joueurs, on réduira la concurrence et invariablement les prix seront plus élevés. Le public n'est pas servi là-dedans. »

Cette décision de la Cour suprême n'est que la dernière étape d'un long débat. Si les politiciens canadiens parlent d'une commission unique depuis des lustres, c'est en mars 2007 que le gouvernement Harper l'inscrit officiellement dans son budget à travers le plan intitulé Créer un avantage canadien sur les marchés de capitaux mondiaux. Ce souhait sera réitéré dans le budget de 2009.

La même année, le ministre fédéral de la Justice, Rob Nicholson, déclarait que la question de la constitutionnalité de la commission unique serait soumise à la Cour suprême. Avant que la Cour n'ait eu le temps de se prononcer, en 2010, le ministre des Finances, Jim Flaherty annonçait la mise sur pied d'un bureau de transition qui devait se pencher sur l'implantation d'une commission unique.

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