Voyage au coeur d'une salle des marchés

Publié le 29/04/2010 à 10:00

Voyage au coeur d'une salle des marchés

Publié le 29/04/2010 à 10:00

Par Marie-Claude Morin

Qu'ils soient dans votre compte de courtage, dans vos fonds communs ou dans votre fonds de pension, il y a de bonnes chances que vos produits financiers passent un petit moment virtuel dans une salle des marchés. Les probabilités que vous puissiez y mettre vous-mêmes les pieds ? Assez faibles.

PLUS : Salle des marchés : la vie intense de ceux qui placent votre argent

Pour satisfaire votre curiosité, la Banque CIBC nous a laissés arpenter sa salle des marchés de Bay Street, à Toronto, où nous avons pu discuter avec une quinzaine des 400 spécialistes qui y travaillent. Entrez dans cet univers mythique et découvrez qui sont les experts qui négocient vos produits sur les marchés financiers.

Comme dans une fourmilière

La salle des marchés, une aire ouverte qui occupe tout un étage, compte plusieurs sections. Dans le coin des actions se côtoient, face à face, les vendeurs et les négociateurs.

VIDÉO : Voyage au coeur d'une salle des marchés

À première vue, ils semblent tous faire la même chose : ils parlent au téléphone, discutent en gesticulant et consultent trois écrans simultanément. Détrompez-vous, chaque équipe joue un rôle bien différent.

Les vendeurs soumettent des idées d'investissement à leurs clients - des gestionnaires de portefeuilles et analystes qui oeuvrent pour des fonds communs ou des fonds de pension. Pour viser juste, les vendeurs doivent connaître le style de gestion de leurs interlocuteurs, la composition de leur portefeuille et leurs dernières transactions. Facile ? Pas tant que cela, puisqu'ils doivent discuter avec au moins une vingtaine de personnes chaque jour.

Si la suggestion du vendeur leur plaît, les gestionnaires et analystes demandent aux négociateurs de leur organisation de passer une commande auprès des négociateurs de la salle des marchés (dans ce cas-ci, chez CIBC). " Mon équipe s'apparente aux vendeurs d'un magasin de vêtements, alors que les négociateurs sont comme les employés à la caisse ", illustre Mark Ernst, responsable des vendeurs d'actions.

En plus d'exécuter les commandes des clients institutionnels, les négociateurs répondent aussi aux demandes de CIBC Wood Gundy, la division qui distribue les produits d'investissement de la Banque et qui regroupe ses conseillers en placement. Environ la moitié des commandes viennent de Wood Gundy.

Une fois la commande en main, les négociateurs cherchent à l'exécuter le plus efficacement possible. Ils essaient d'abord de dénicher une contrepartie parmi leurs clients. " C'est habituellement la méthode qui offre le meilleur prix aux deux parties, puisque la transaction s'effectue entre le cours acheteur et le cours vendeur (donc au milieu de la fourchette, ou spread) ", explique James Beattie, directeur principal et chef, négociation d'actions institutionnelles.

En l'absence d'une contrepartie parmi les clients, les négociateurs se tournent vers le marché, souvent en divisant leur commande en petites tranches pour éviter d'influer sur les cours. Lorsque les volumes ou les cours ne permettent pas de satisfaire le client, la banque assume parfois elle-même la contrepartie en utilisant des fonds réservés à cette fin. Cette pratique, qui est courante dans toutes les grandes banques, est en général réservée aux très bons clients.

À côté des vendeurs et des négociateurs, l'équipe de recherche analyse les titres et les marchés boursiers. Objectif : repérer les titres les plus intéressants dans chacun de leurs secteurs et offrir un argumentaire aux vendeurs et aux négociateurs. Ces derniers soumettent d'ailleurs des sujets ou des titres pour lesquels ils souhaiteraient obtenir plus de détails.

Une émission d'actions excitante

Près d'eux, enfermés dans un local vitré et verrouillé en tout temps, les banquiers d'affaires planchent pour obtenir et préparer des émissions d'actions.

Le matin de notre visite, le 24 mars, l'excitation est palpable : la CIBC dirige une émission à l'ouverture des marchés ! Secret complet jusqu'à ce que les transactions sur le titre soient suspendues, à 9 heures. À cet instant, un banquier détaille, au lutrin, les conditions de l'émission de 7,5 millions d'unités de Bonavista Energy. Deux minutes plus tard, vendeurs et négociateurs s'emparent du téléphone. Comme la demande des clients dépasse le nombre d'unités dont dispose la CIBC, petite réunion au sommet vers 9 h 45 pour décider de l'allocation.

" En allouant le volume disponible, nous essayons d'équilibrer le marché au détail [Wood Gundy] et le marché institutionnel, et de satisfaire les clients au prorata de ce qu'ils ont demandé ", précise M. Beattie.

Les transactions informatisées occupent l'espace voisin. Rivés à leurs écrans, docteurs en mathématiques et en physique mettent au point et améliorent les programmes et les algorithmes utilisés pour les transactions réalisées automatiquement.

Plus loin, les spécialistes des obligations s'affairent. Ce groupe fonctionne sensiblement de la même façon que l'équipe des actions. Susan Rimmer, responsable des émissions obligataires de sociétés, souligne l'esprit d'équipe qui règne sur l'étage : " Avec les marchés qui s'accélèrent et des écarts de prix qui s'amincissent, les institutions cherchent à accroître la coordination entre les secteurs et les lignes de produits ", dit Mme Rimmer, qui s'est jointe à la CIBC il y a sept mois, après 15 ans de service chez Merrill Lynch.

Au service des clients

Ailleurs, dans un immense espace, 200 personnes s'affairent face à trois, parfois quatre écrans d'ordinateurs. Au dessus d'eux, des rangées de télévisions branchées sur les canaux spécialisés BNN et CNN.

Différentes équipes l'occupent, comme nous le fait découvrir Éric Bélanger, directeur principal et chef du groupe des institutions financières.

S'étendant sur quelques rangées, son équipe offre des produits de revenu fixe, des produits dérivés et d'autres outils de gestion des liquidités aux sociétés financières et aux investisseurs institutionnels, entre autres clients.

Quelques mètres plus loin, une autre équipe offre elle aussi des produits dérivés, cette fois-ci aux entreprises et aux gouvernements désireux de couvrir leurs risques de change, de taux d'intérêt et autres.

Toutefois, il ne suffit pas de vouloir offrir des solutions et des produits, il faut encore que le client accepte de parler de ses problèmes ou ses projets. D'où l'importance d'une relation de confiance. Pour la développer, M. Bélanger et ses collègues misent sur la valeur ajoutée : " Nous devons interpréter ce qui se passe sur les marchés, trouver des explications, répondre aux interrogations des clients. "

Peu de repos pour les cambistes

Dans une autre partie de la salle s'agitent les cambistes, les négociateurs de devises.

Duncan Rule, leur directeur principal, s'empresse de nous rappeler que les devises " sont de loin la part la plus importante des marchés financiers " et que le dollar canadien y joue un rôle clé. Et que ce marché ne ferme jamais, sauf le jour de l'An.

Les cambistes de Toronto arrivent d'ailleurs à 6 heures du matin et ne quittent qu'après 18 heures, moment où ils peuvent passer le relais à leurs collègues de Hong-Kong.

Ennuyeuses, les devises ? Vraiment pas, selon M. Rule. " Il faut garder une vue d'ensemble sur tout ce qui se passe : les interventions gouvernementales, les taux d'intérêt, les prix des denrées, la performance des entreprises, les fusions et acquisitions, les achats ou ventes massives de devises, tout ! "

À 16h30, la pression chute d'un cran. Les marchés boursiers sont fermés depuis 30 minutes, et tout le monde, dans la section des actions, reprend son souffle. Certains négociateurs discutent entre eux, d'autres lisent leurs courriels. Certains quitteront bientôt pour retravailler encore un peu plus tard en soirée, d'autres s'apprêtent à rencontrer des clients.

" Honnêtement, je ne sais pas quand finit la journée ! " conclut Mark Ernst, responsable des vendeurs d'actions, en riant.

 

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