Les philanthropreneurs, nouveaux superhéros

Publié le 31/03/2015 à 14:10

Les philanthropreneurs, nouveaux superhéros

Publié le 31/03/2015 à 14:10

Par Diane Bérard

BLOGUE. Connaissez-vous les « philanthropreneurs »? Ce sont les Bill Gates et Richard Branson de ce monde. Ces entrepreneurs qui sont convaincus que les compétences et les talents qui ont fait d’eux des entrepreneurs à succès peuvent s’appliquer au monde de la philanthropie. Ces entrepreneurs estiment qu’ils peuvent résoudre avec succès des problèmes sociaux et environnementaux, comme ils l’ont fait pour des problèmes techniques et commerciaux. Ils ne veulent pas signer des chèques, ils veulent s’attaquer eux-mêmes aux problèmes pour lesquels on les sollicite.

La montée des philantropreneurs s’explique par trois phénomènes

1- le vieillissement de baby-boomers : à mesure que cette génération amorce une nouvelle phase de sa vie, elle cherche à laisser un héritage, faire une différence, laisser une trace ;

2- l’arrivée des générations Y et Z : les jeunes veulent un emploi qui a un sens. Ils cherchent à arrimer leurs valeurs à leur vie professionnelle, refusant de séparer vie privée et vie au travail ;

3- les gouvernements se désengagent de la sphère sociale.


« Prenons garde de ne pas faire des philanthropreneurs nos nouveaux superhéros pour oublier que nos gouvernements nous laissent tomber. »

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Les philanthropreneurs ont chacun leurs cibles en fonction de leurs intérêts. Certains s’intéressent à l’environnement, d’autres à l’égalité des sexes, d’autres à la sécurité alimentaire, à l’éducation ou à l’inclusion financière, etc. Bref, il y en a pour tous les goûts et tous les défis.

La communauté des philanthropreneurs prend de l’ampleur, à mesure que se répandent des concepts comme « quête de sens » et « quête d’impact ».

En fait, le mouvement va tellement loin que Paul Polman, pdg d’Unilever et chantre de la RSE a affirmé récemment au Philanthropreneurship Forum à la London Business School, qu’Unilever est la plus grande ONG au monde car l’usage de son produit, le savon, permet de sauver des milliers de vies.

Bon. Je sens ici un début de dérive. Pendant des décennies, on a transformé les dirigeants et les entrepreneurs en superhéros. Puis, on a appris à développer un regard critique sur leurs actions et leurs contributions. En même temps, on a perdu confiance en nos gouvernements. On a laissé tombé nos élus parce qu’ils nous ont laissé tomber. Ou vice versa, on ne sait plus qui a lancé le bal.

Mais la nature a horreur du vide et les humains ont besoin de superhéros. Et ces nouveaux héros sont les philanthropreneurs. Ils ont du cœur… et de l’argent ! Et ils vont résoudre les grands maux de notre siècle.

Vouloir redonner et contribuer, c’est bien. Mettre ses talents au service de la communauté aussi. Mais j’ai des réserves. Il n’est pas souhaitable que les philanthropreneurs remplacent l’État dans la résolution des problèmes sociaux et environnementaux. L'État a une vision holitisque et il doit viser le bien commun. Le philanthropreneur a sa cause, son défi, son problème. Son intervention n'est donc pas une solution de rechange, c’est un complément. Un complément souhaitable, certes, mais un complément. Et il doit en rester ainsi. Certaines causes, certains problèmes sociaux et environnementaux ne sont pas « financiarisables ». Ils doivent être pris en charge par l’État - un État soucieux du bien commun - tout simplement.

Je salue l’implication des entrepreneurs. Et je crois que certains problèmes sociaux et environnementaux peuvent résolus par les mécanismes du marché. Mais prenons garde de ne pas faire des philanthropreneurs nos nouveaux superhéros pour oublier que nos gouvernements nous laissent tomber. Selon la nouvelle logique d'un nombre croissant d'État - dont le Québec et le Canada -  l'important c'est que les services soient rendus à la population, peu importe qui les rend. Ce n'est pas toujours vrai. C'est trop simpliste. Chacun son rôle, chacun sa contribution. Surinvestir les phianthropreneurs nous amène à désinvestir l'État. Or, ne dit-on pas qu'il faut diversifier pour réduire ses risques?

 

 

 

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