La culture n'a pas de prix!

Publié le 31/08/2012 à 12:54

La culture n'a pas de prix!

Publié le 31/08/2012 à 12:54

BLOGUE. Tout d’abord, je dois dire que je suis heureux de voir vos commentaires et réactions à mon blogue de la semaine dernière. Voilà la preuve que la question ne laisse pas indifférent. On remarque depuis quelques jours d’ailleurs que les médias ont parlé davantage des propositions culturelles des partis politiques. L’émission Cinq à Six de CBC Montréal recevra samedi les représentants des partis pour discuter de leurs engagements pour la culture. J’ai le plaisir de participer à cette émission pour dresser un portrait d’ensemble des programmes en matière de culture.

Deux commentaires à mon récent blogue dénoncent directement le fait que la culture reçoive des subventions financées directement par les contribuables. C’est vrai, mais je pense qu’il faut mettre les choses en perspectives. Des subventions sont versées à de nombreuses industries dans notre économie : c’est le cas de l’automobile, la foresterie, l’aéronautique et aussi pour des entrepreneurs qui se lancent en affaires. Ce qui est très bien d’ailleurs! Il faut soutenir les entrepreneurs. Aussi, je vous pose la question : n’avez-vous jamais apprécié gratuitement un concert, un spectacle d’humour, un festival quelque part au Québec? Si vous pouvez le faire gratuitement justement, c’est parce que ces présentations artistiques bénéficient de subventions de l’État. Tout cela, c’est aussi de sérieuses retombées économiques dans nos villes et villages.

La culture génère des revenus de 5 milliards de dollars, soit 5% du PIB du Québec, et emploie plus de 150 000 travailleurs. Dans un document sur l’industrie culturelle, produit à l’hiver 2011, François Dupuis, vice-président et économiste en chef de Desjardins, écrivait à propos de ces chiffres : « c’est loin d’être négligeable ».

Cette semaine, un autre sujet lié aux industries culturelles est revenu dans le débat : le prix unique du livre. Plusieurs acteurs-clés du secteur se sont d’ailleurs unis pour créer une très efficace plateforme internet nommée « Nos livres à juste prix ». On y retrouve des éditeurs, des distributeurs, des auteurs à succès, qui font notre fierté, comme Dany Laferrière, Marie Laberge et Yann Martel.

Réclamer un prix fixe pour chaque livre, qu’il soit vendu dans une librairie de quartier, chez Renaud-Bray ou chez Costco et Walmart, c’est : maintenir les commerces de proximité que sont les librairies indépendantes, soutenir notre littérature et la diversité culturelle, permettre que le prix des livres augmentent moins que les autres biens de consommation (l’exemple français le prouve). Surtout, en permettant aux petits de ne pas se faire écraser par les gros (qui ont du volume), on favorise la concurrence, la diversité économique, l’emploi et la croissance.

La France a adopté cette politique en 1981. Elle est en vigueur aussi en Allemagne, en Israël, au Mexique. Dans des pays comme les États-Unis où le prix du livre fluctue, on a vu le nombre de librairies diminuer et la chaîne Borders a fait faillite.

Cette politique a été rejetée par le premier ministre Lucien Bouchard en 1998. Aujourd’hui, le PLQ, la CAQ et le PQ disent qu’ils y réfléchiraient s’ils prenaient le pouvoir. Seul Québec Solidaire promet une réglementation pour que les nouveaux livres soient vendus à un prix fixe partout au Québec.

À ceux qui parleraient de subventions coûteuses pour les contribuables québécois, je réponds que soutenir le livre et la lecture ce n’est pas un luxe, ce n’est pas un coût, c’est un investissement. Près d’un québécois adulte sur deux a des difficultés de lecture et on compte un million d’analphabètes. Dans ces conditions, comment ces citoyens peuvent-ils prendre pleinement part à la société, vivre heureux et bien travailler? Notre productivité est faible. Notre niveau de dérochage est élevé. On parle sans cesse d’une société du savoir où les travailleurs instruits doivent être plus productifs et compétitifs. Investir en culture, c’est soutenir notre productivité et c’est créer de la richesse. Et la politique du livre à prix unique en serait une composante essentielle à mon avis.

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Sébastien Barangé, Directeur des communications et affaires publiques de CGI. (Twitter @SBarange)

 

Sébastien Barangé est activement engagé auprès de plusieurs organismes à but non lucratif:

président du comité exécutif d'artsScène Montréal (Business for the arts)

président du conseil d'administration d'Art Souterrain

membre du conseil d'administration de la Fondation Michaëlle Jean

membre du conseil d'administration de la Fondation Tolérance

 

Ancien journaliste à Radio-Canada et collaborateur du Devoir, diplômé en communication de l’Institut d’Études Politiques (Aix-en-Provence, France) et en gestion des arts de HEC Montréal, Sébastien Barangé est curieux de tout ce qui est créatif et invite à penser différemment. Ce blogue est un espace de dialogue autour des liens entre les arts et le monde des affaires.

 

 

 

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