Les fonds indiciels canadiens comportent des lacunes importantes

Publié le 20/05/2016 à 08:56

Les fonds indiciels canadiens comportent des lacunes importantes

Publié le 20/05/2016 à 08:56

Je dois reconnaître d'entrée de jeu que mon analyse des fonds indiciels canadiens est incontestablement biaisée. Notre firme de gestion n'offre pas de fonds indiciels; au contraire, nous croyons fermement à la gestion active des portefeuilles.

Cela dit, je suis généralement favorable aux fonds indiciels et j’estime qu'ils sont une excellente option pour de nombreux investisseurs. Ils offrent la possibilité d'investir de petites sommes dans un produit très bien diversifié, à des coûts très bas. Lorsque l'on sait que la majorité des gestionnaires de portefeuille ne réussissent pas à obtenir des rendements supérieurs aux indices, on est en droit de se demander pourquoi un investisseur devrait leur verser des frais de gestion.

Mon principal problème concerne le marché et les indices canadiens. J'ai toujours trouvé par exemple que le S&P/TSX, plus important indice canadien et donc les plus susceptible d'attirer les investisseurs indiciels, est très mal diversifié. Il faut souligner que le poids d’un titre dans l’indice canadien est fonction de sa valeur boursière par rapport à la valeur totale des titres de l’indice. Voyez par vous-même: en date du 13 mai dernier, l'indice était constitué de 37,3% de titres financiers, les grandes banques canadiennes en accaparant à elles-seules 22,2%, alors qu'un autre 31,9% était représenté par les secteurs des ressources naturelles, soit ceux de l'énergie (19,3%) et des métaux de base (12,6%). Trouvez-vous qu’il est sage de placer 69,2% de votre portefeuille dans ces trois secteurs? Pas moi.

Le marché canadien a très peu de profondeur. Comment peut-on expliquer qu’un titre comme Nortel ait pu représenter près de 35% de l'indice canadien en août 2000 (ce qui avait d’ailleurs mené à l’époque à la création d’indices où les poids des titres étaient plafonnés («capped» à 10%)), que des titres comme Potash et Blackberry aient eu un poids combiné de près de 10% de l’indice à leur sommet en juin 2008 ou encore que Valeant ait valu 5,85% de l'indice à la fin de juillet 2015 (il ne pèse plus que 0,74% présentement)?

Autre facteur qui m’indispose: examinez ce qui survient généralement lorsqu’un titre de petite ou moyenne taille est ajouté à un indice canadien. On sait que les fonds indiciels se voient alors obligés d'acheter ce titre afin d'imiter le nouvel indice. J'ai en tête l'exemple de Enghouse Systems. Le 11 septembre 2015, S&P/Dow Jones annonçait que le titre serait ajouté à son indice canadien de titres de petites capitalisations à partir du 18 septembre. Or, entre le 11 septembre et le 18 décembre 2015, le titre de Enghouse est passé de 51,04$ à 75,60$, ce qui représente une hausse de 48% en trois mois. Je ne comprenais pas pourquoi le titre avait tant grimpé pendant les derniers mois de l'année; aucune nouvelle de la société ne semblait justifier une telle hausse. Je crois avoir récemment trouvé la réponse: cette hausse est probablement attribuable aux achats massifs d'actions de cette société effectués par les fonds indiciels!

En même temps, le titre d’Autocanada était ajouté à l’indice canadien S&P/TSX SmallCap. Le 10 septembre, veille de l’annonce de son inclusion dans cet indice, le titre valait 27,67$. Le 23 octobre suivant, le titre avait bondi de 32%... pour finir l’année 2015 à 24,15$.

Acheter haut, vendre bas

C’est d’ailleurs ce qui se produit souvent. L’autorité qui décide quels titres seront ajoutés à un indice et lesquels en seront éliminés, dans ce cas-ci S&P/Dow Jones, a tendance à choisir les titres qui se sont bien appréciés et à éliminer ceux qui ont connu une moins bonne performance boursière. Si je me fie par exemple au communiqué de presse du 11 septembre annonçant les ajouts et les éliminations de l’indice S&P/TSX Smallcap, j’identifie deux titres que je connais parmi les titres éliminés de l’indice: 5N Plus et Industries Dorel. Le titre de 5N Plus valait 1,42$ le 11 septembre 2015, en baisse de 41% depuis le début de 2015 (il vaut aujourd’hui 2,05$). Pour sa part, Dorel valait 32,74$ au 11 septembre et était en baisse de 18,2% depuis le début de l’année.

Lorsque le titre de Enghouse a été ajouté à l’indice S&P/TSX Smallcap, il s’était déjà apprécié de 23% depuis le début de 2015.

Les fonds indiciels gagnent sans cesse en popularité auprès des investisseurs. Pour ma part, je dis oui, mais pas n'importe quel indice! Je crois que le marché canadien se prête peu à l'investissement indiciel en raison de son manque de profondeur et de son faible niveau de liquidité. Vous voulez un indice attrayant à long terme: le S&P 500 américain se prête merveilleusement bien à l'investissement indiciel.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et chef des placements gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de portefeuille. Il est également éditeur de la Lettre financière par COTE 100, publiée mensuellement depuis 1988. 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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