Que diriez-vous d'un rendement annuel composé de 19% pendant 28 ans?

Publié le 13/05/2016 à 15:17

Que diriez-vous d'un rendement annuel composé de 19% pendant 28 ans?

Publié le 13/05/2016 à 15:17

Il y a 30 ans, en 1986, était mise sur pied une petite société de Toronto dont l'objectif était d' «occuper des créneaux rentables dans l'industrie des services financiers qui étaient ignorés ou délaissés par les grandes institutions canadiennes».

Le premier créneau ciblé par les dirigeants de cette entreprise a été celui des hypothèques «non standard», soit celui des consommateurs canadiens désirant s'acheter une maison, mais ne pouvant pas obtenir de prêt hypothécaire des grandes banques canadiennes.

D'ailleurs, il faudrait que quelqu'un m'explique pourquoi les grandes banques canadiennes ont toujours évité le marché hypothécaire non standard. Certains disent que c'est parce que le profil de risque y est trop élevé. Les banques ne sont-elles pas très présentes dans des créneaux qui me paraissent sensiblement plus risqués tels que les prêts par cartes de crédit, les prêts autos ou les prêts commerciaux?

D'autres diront que c'est parce que la façon d'évaluer le risque n’est pas la même pour un emprunteur non standard et pour un emprunteur traditionnel. Car il faut dire que les emprunteurs non standard sortent du cadre traditionnel des banques, qui sont habituées à se fier à des systèmes d'évaluation du crédit basés sur le bilan du client, ses revenus, son historique de crédit, etc.

Comment fait-on pour évaluer la cote de crédit d'un travailleur autonome, d'une personne qui a déjà fait faillite ou d'un nouvel arrivant au Canada? Les systèmes traditionnels des banques ne sont pas faits pour de tels emprunteurs, ce qui fait qu’elles rejettent nombre d'entre eux et que ces derniers n’ont d’autre choix que d’avoir recours à des prêteurs non standard. Encore aujourd'hui, les banques canadiennes préfèrent ignorer ce marché pourtant très important (en 2012, la direction de Home Capital Group estimait que le marché non-standard était évalué à 240 G$, soit 20% du marché hypothécaire canadien).

Je crois que la raison principale pour laquelle les grandes banques ont historiquement délaissé le marché hypothécaire non standard est qu'il leur faudrait pour l’exploiter changer leurs façons de faire et que, de toute manière, leurs activités traditionnelles sont amplement lucratives.

La petite société dont je veux vous parler est depuis restée fidèle à sa stratégie des premiers jours et a continué d'exploiter le créneau ciblé au départ. Et quel filon! La société a terminé sa première année complète (1986) avec des prêts hypothécaires de 50 M$, près de 12 employés et une perte nette de 373 000 $. Trente ans plus tard, active essentiellement dans le même créneau qu'à ses débuts (certains produits financiers connexes ont été ajoutés à son offre au fil des ans), la société compte plus de 18 G$ de prêts à son bilan et elle affiche des profits de plus de 287 M$.

À ce stade-ci, vous aurez peut-être reconnu cette société: il s'agit bien sûr de Home Capital Group. Gerald Soloway, l'entrepreneur qui a fondé l'entreprise en 1986 et l'a dirigée au cours de ces trente dernières années fort lucratives pour ses actionnaires, a officiellement pris sa retraite à titre de PDG le 11 mai dernier, lors de l'assemblée annuelle des actionnaires, mais il demeurera présent à titre d’administrateur.

Je profite de l'occasion pour le féliciter pour une carrière exceptionnelle et pour le remercier, au nom des actionnaires de Home Capital. En effet, de 1988, année de son entrée en Bourse, à 2015, le titre de Home Capital Group a généré un rendement annuel composé de 19%. L'investisseur qui aurait acheté pour 10 000 $ d’actions de la société au moment de son entrée en Bourse et qui aurait conservé ces actions pendant ces 28 dernières années, aurait aujourd'hui accumulé un pécule de 1,3 M$. La qualité de la direction est pour nous un critère essentiel à l’investissement à long terme et Home Capital et M. Soloway nous en procurent un exemple concret.

Nous sommes nous-mêmes actionnaires de Home Capital Group depuis décembre 2001. Lorsque nous avons acheté nos premières actions, le titre s'échangeait à un multiple de près de 8 fois ses profits. À l'époque, les investisseurs semblaient avoir des doutes sur les perspectives de croissance de la société et surtout sur le risque de son modèle d'affaires. Quinze ans plus tard, le titre s'est apprécié de près de 1 350% (sans tenir compte des dividendes). Pourtant, nous revivons semble-t-il la même situation aujourd’hui que lors de notre premier investissement, alors que le titre s'échange à 7,5 fois les profits prévus de 2016.

Quant aux banques canadiennes, elles pourraient toujours décider de pénétrer le marché hypothécaire non standard, même si Home Capital Group y est aujourd'hui bien enracinée. Il me semble toutefois que la façon la plus simple de le faire serait d'acquérir l'entreprise, obtenant d’un coup une position de leadership et une expertise unique.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et chef des placements gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de portefeuille. Il est également éditeur de la Lettre financière par COTE 100, publiée mensuellement depuis 1988.

 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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