Investir dans une entreprise qui paie trop ses patrons?

Publié le 03/06/2016 à 14:10

Investir dans une entreprise qui paie trop ses patrons?

Publié le 03/06/2016 à 14:10

Tous les mois, j’étudie la liste de sociétés que nous dresse le Système COTE 100 dans le but de repérer des aubaines parmi les titres nord-américains. Depuis quelque temps, le titre qui vient en tête de liste (comme à la petite école, une cote de 100 est la note parfaite) est celui de Linamar, avec une cote de 91,5. La société fabrique principalement des pièces automobiles.

Pour recevoir une telle cote, le titre de Linamar doit obtenir un excellent score dans les trois catégories évaluées par le Système COTE 100 :

1-     La santé financière. Par exemple, bien que la société ait récemment réalisé une grosse acquisition en Europe, son bilan demeure relativement sain avec un ratio dette nette/avoir de 0,60 au 31 mars 2016.

2-     La performance financière. L’entreprise est à la fois rentable et en croissance. Par exemple, en 2015, elle a obtenu un rendement moyen de l’avoir de 22,2 %. En outre, au cours des 5 dernières années, ses revenus ont progressé à un rythme annuel composé de 18,3 % alors que ses profits par action sont passés de 1,40 $ à 6,71 $.

3-     L'évaluation du titre. À cet égard, le titre de Linamar est décidément bien moins cher que le reste du marché. Il s'échange à 7,7 fois les profits réalisés au cours des 12 derniers mois et à seulement 7,0 fois les profits par action prévus pour 2016.

Lorsqu'un titre obtient une telle cote, une des premières choses que je fais est de jeter un coup d'oeil à la plus récente circulaire de sollicitation de procurations de la société, document dans lequel on peut rapidement se faire une idée de la rémunération des dirigeants de la société, de la qualité de son conseil d'administration et du niveau d'actionnariat de ses dirigeants et administrateurs.

Or, ce que j'y ai vu m'a rapidement fait déchanter... Le point qui m'irrite particulièrement est que M. Frank Hasenfratz, fondateur de la société et président de son conseil d'administration, ait touché une rémunération globale de 10,2 M$ en 2015. Ce n'était pas non plus vraiment exceptionnel puisque sa rémunération avait totalisé 8,6 M$ et 6,4 M$ en 2014 et 2013, respectivement. Il faut savoir deux choses qui, à mon avis, rendent une telle rémunération excessive. En premier lieu, M. Hasenfratz, en tant que fondateur de la société, est aussi son plus important actionnaire, détenant près de 23,5 % des actions en circulation. Celles-ci valent au bas mot 800 M$... Le dividende actuel de la société lui procure à lui seul plus de 6,0 M$ de revenu par année.

Je n'ai rien contre les dirigeants qui sont grassement payés pour un travail exceptionnel. Mais je me demande si M. Hasenfratz a vraiment besoin de recevoir, en plus de son salaire annuel de base de près de 445 000 $, des bonis basés sur la performance de l'entreprise ainsi que des options d’achat d’actions de la société. Règle générale, lorsqu'un dirigeant est le plus important actionnaire d'une entreprise, il n'exige pas d'options d'achat sur actions. Et, à 82 ans et détenteur d'une fortune de plus de 800 M$, on peut aussi se demander s'il a réellement besoin de bonis pour se motiver...

Je ne peux m’empêcher de comparer cette situation à celle assez similaire de Saputo. Comme M. Hasenfratz, M. Lino Saputo est président du conseil de la société qu’il a fondée dans les années 1950. Son fils, Lino Saputo Jr., est président de l’entreprise et la fille de M. Hasenfratz, Linda Hasenfratz, est présidente de Linamar. Comme M. Hasenfratz, M. Saputo (père) possède beaucoup d’actions (133,6 M ou 34 %). Mais les similitudes s’arrêtent là puisque sa rémunération a totalisé 500 000 $ à titre de président du conseil de Saputo.

Bref, lorsque j'ai pris connaissance des chiffres concernant Linamar et de la performance financière de la société, ma première réaction a été de me dire que le titre était peut-être une belle aubaine. La lecture de la circulaire m'a fait voir une des raisons pourquoi le titre est si peu cher.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et chef des placements gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de portefeuille. Il est également éditeur de la Lettre financière par COTE 100, publiée mensuellement depuis 1988.

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