Les qualités d'une bonne lettre annuelle du PDG aux actionnaires

Publié le 15/03/2024 à 10:32

Les qualités d'une bonne lettre annuelle du PDG aux actionnaires

Publié le 15/03/2024 à 10:32

Le président de Markel, Thomas Gayner (Photo: courtoisie)

EXPERT INVITÉ. Avouons-le, la majorité des lettres annuelles aux actionnaires d’entreprises cotées en Bourse ne valent pas grand-chose. Elles nous servent souvent du réchauffé, des formules concoctées par des sociétés de relations publiques qui visent à faire la promotion du titre de l’entreprise concernée à coups de grandes claques dans le dos.

Pour ma part, je veux lire des lettres qui m’en apprendront davantage sur l’entreprise que je possède ou que j’envisage pour mes investissements. Je veux non seulement savoir ce qui va bien, mais surtout, ce qui va moins bien, quels sont les défis à relever, les risques à considérer. En gros, je veux l’heure juste! N’est-ce pas ce que tout propriétaire d’entreprise exigerait de ses dirigeants?

C’est d’ailleurs ce qui fait de la lettre aux actionnaires de Warren Buffett une lecture à la fois divertissante et instructive.

Un autre rapport annuel que j’apprécie beaucoup est celui de Markel (MKL, 1509,81$US), une société d’assurance américaine dont nous sommes actionnaires depuis plusieurs années et qui est en quelque sorte un «petit jumeau» de Berkshire Hathaway (BRK.B, 405,17$US).

En me servant de la plus récente lettre aux actionnaires du président de Markel, Thomas Gayner, voici quelles sont selon moi les qualités requises d’une missive annuelle aux actionnaires d’une entreprise:

Transparence: donner l’heure juste. Dans le rapport annuel de 2014 de Berkshire Hathaway, Buffett écrit ceci dans sa lettre aux actionnaires: «Notre but est de vous fournir l’information que nous voudrions obtenir si nos positions étaient inversées, alors que vous seriez le dirigeant qui rapporte l’information et nous les actionnaires silencieux.»

C’est précisément ce que fait Thomas Gayner dans sa lettre aux actionnaires dans laquelle il écrit ceci, entre autres:

«Malheureusement, certains segments de nos activités Specialty ont aussi enregistré des résultats inacceptables. Une partie de la contreperformance résulte d’erreurs non forcées de notre part. Spécifiquement, notre incursion dans la souscription et l’assurance de la propriété intellectuelle ne s’est pas bien déroulée. Le produit initial n’avait pas été bien conçu. Le partage des risques entre nous, l’assureur, et les acheteurs de cette assurance n’était pas adéquat.»

«En 2023, nous avons mal anticipé l’ampleur et l’étendue de l’inflation sociale dans certains segments de nos activités d’assurance.»

Je vous avoue que c’est le genre d’aveu que j’ai rarement lu dans un rapport annuel. N’est-ce pas rafraîchissant?

Afficher ses résultats à long terme. Toutes les entreprises ne peuvent le faire, mais celles qui ont un historique de plusieurs années ne devraient pas hésiter à afficher leur performance à long terme (10 ou 20 ans). En tant qu’investisseur à long terme, c’est le genre d’information que j’apprécie dans un rapport annuel.

Honnêteté. Un rapport annuel ne devrait pas être un document promotionnel écrit par une équipe de relations publiques. Il devrait présenter clairement les résultats de l’exercice qui vient de se terminer et expliquer le contexte dans lequel la société a évolué. Il devrait surtout parler des bons coups comme des mauvais et des erreurs commises par les dirigeants.

Il ne suffit pas d’admettre ses erreurs, il importe aussi d’expliquer comment elles seront rectifiées. Un actionnaire qui lit un rapport annuel est en droit de bien comprendre la stratégie à long terme de l’équipe de direction, le plan de match, ainsi que les principaux risques qui guettent l’entreprise et son modèle d’affaires.

J’estime que M. Gayner fait un excellent travail sur ce plan: «Au cours des dernières décennies, nous avons conçu un système à « trois moteurs » pour faire avancer Markel. Nous sommes d’avis que ces trois moteurs créent un système supérieur, avec une résilience et une durabilité plus autorenforcées que ce qui serait possible avec un appareil disposant d’un seul moteur.»

Aider les investisseurs à prendre de bonnes décisions. Il n’est pas toujours facile pour un actionnaire d’estimer la valeur d’une entreprise qu’il possède. Je crois que le président d’une entreprise a la responsabilité de l’aider à arriver à une estimation plus juste de cette valeur en lui procurant toutes les données pertinentes. Il devrait aussi l’aider à calculer cette valeur. C’est d’ailleurs ce que fait Warren Buffett depuis de nombreuses années. Voici ce qu’écrit Gayner à ce sujet: «Nous savons que d’autres auront des méthodes d’évaluation différentes pour évaluer le groupe Markel. Nous ne prétendons pas que notre méthode est parfaite ou la seule manière de procéder. Nous croyons toutefois qu’en suivant cette méthode de façon disciplinée, année après année, elle procure un guide directionnel adéquat. Voici ce que nous faisons.»

Voilà quelques-unes des qualités qui font d’une lettre annuelle aux actionnaires une lecture essentielle. Je vous recommande la lecture du rapport annuel 2023 de Markel

À mon avis, tout dirigeant d’entreprise devrait s’en inspirer.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

Chef des placements chez COTE 100 et auteur du livre Avantage Bourse

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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