Encourager et non restreindre la venue des étudiants étrangers


Édition du 06 Septembre 2023

Encourager et non restreindre la venue des étudiants étrangers


Édition du 06 Septembre 2023

Puisque nous avons les compétences pour bien les intégrer et que les avantages de cette immigration sont manifestes, il ne manque que la volonté et la détermination du gouvernement pour en accepter davantage. (Photo: Javier Trueba pour Unsplash)

CHRONIQUE. Face à la crise du logement qui fait mal paraître son gouvernement, le ministre canadien du Logement, Sean Fraser, a suggéré que la réduction du nombre d’étudiants étrangers au Canada pourrait être une solution à cette pénurie.

Cette mauvaise idée n’a rien de surprenant, les politiciens ayant la fâcheuse habitude de blâmer les autres pour leur incurie. Au Québec, on a récemment imputé aux immigrants le recul du français. Maintenant que l’élection est passée, François Legault a toutefois suggéré d’accueillir plus d’étudiants étrangers pour faire passer de 50 000 à 60 000 le seuil annuel des immigrants permanents.

Pour montrer son sérieux, le gouvernement de François Legault a aussi annoncé que, dès l’automne 2023, les étudiants internationaux des universités et des cégeps en dehors de la Communauté métropolitaine de Montréal seront exemptés des frais excédentaires de scolarité. Cette mesure, qui devrait à bénéficier à 2850 élèves, vise cinq programmes (TI, génie, santé et service sociaux, éducation, services de garde), sept universités, 31 cégeps (sur 48) et sept collèges privés subventionnés. Elle aidera les établissements en région et atténuera la pénurie de main-d’œuvre dans des secteurs jugés prioritaires. Seulement le quart des étudiants étrangers s’inscrivent dans un établissement situé à l’extérieur de l’île de Montréal.

 

Une manne

Les étudiants étrangers sont une manne pour plusieurs pays qui offrent des programmes d’enseignement supérieur de bonne qualité. Environ 6,5 millions d’étudiants étudiaient à l’étranger en 2019 et c’est certainement beaucoup plus aujourd’hui. Au Québec, la proportion de ces étudiants dans le système postsecondaire était de seulement 11%, comparativement à 16% pour l’ensemble du Canada, à 10% pour la moyenne des pays de l’OCDE, mais à 28% pour l’Australie et à 21% pour la Nouvelle-Zélande. Manifestement, les universités et les collèges de langue anglaise sont plus attrayants, ce qui est le cas aussi au Québec. Mais ce n’est pas une raison pour délaisser le marché des étudiants internationaux francophones. 

En 2018, selon Affaires mondiales Canada, les retombées économiques directes et indirectes des 686 855 étudiants étrangers au Canada étaient estimées à 29 milliards de dollars (G$), et celles des 80 436 étudiants internationaux du Québec, à 3,6G$. Ces dernières auraient permis de soutenir plus de 27 000 emplois, selon l’Institut du Québec.

À l’exception de ceux qui sont exemptés de frais (comme il est mentionné au troisième paragraphe), les étudiants étrangers paient des droits de scolarité plus élevés, lesquels sont encaissés par l’État. Les cégeps qui accueillent des étudiants étrangers reçoivent 10% de la somme versée par le gouvernement pour la scolarité des étudiants réguliers. Ce montant aide à absorber les dépenses supplémentaires occasionnées pour l’accueil et l’encadrement des étudiants venus de l’étranger. 

Toutefois, les droits exigés sur les programmes non subventionnés offerts par certaines universités, dont McGill et HEC Montréal, et par les collèges privés non subventionnés, restent dans les coffres des établissements.

Pour certains d’entre eux, les étudiants étrangers font une véritable différence. L’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) reçoit plus de 2000 étudiants étrangers sur un effectif étudiant total de plus de 15 000. L’Université du Québec à Rouyn-Noranda comptait l’an dernier près de 600 étrangers parmi ses 7000 étudiants. En 2019, les universités québécoises ont accueilli 48 400 étudiants étrangers (15% des inscriptions).

Les cégeps accueillent cette année 8100 étudiants sur un effectif étudiant total de 175 000. Pour certains cégeps situés en région, dont la capacité est sous-utilisée, l’inscription de ces étudiants est vitale pour le maintien de plusieurs programmes. Selon la Fédération des cégeps, 28 programmes seraient en péril dans certains cégeps si on retranchait la totalité des étudiants étrangers en raison des seuils minimaux imposés par l’État.

 

Travail et immigration

Autre effet de la présence de ces étudiants chez nous: 44% d’entre eux travaillaient à temps partiel en 2018. Près de 32 000 avaient un permis de travail en 2022, comparativement à près de 10 000 en 2015. 

De plus, beaucoup d’entre eux restent parmi nous à la fin de leurs études, comblant ainsi d’importants besoins de main-d’œuvre en cette période de pénurie. Ayant étudié au Québec, ils s’intègrent bien économiquement. Selon l’Institut du Québec, le taux de chômage des personnes immigrantes de 25 à 54 ans n’était que de 5,3% en 2022. 

Malheureusement, les critères imposés aux immigrants économiques par la loi sur le français pourraient nuire à l’attractivité du Québec dans le contexte de forte concurrence internationale pour les étudiants étrangers et pour les travailleurs qualifiés dans certains domaines de pointe. Espérons que la consultation à venir sur l’immigration permettra d’adoucir ces nouveaux obstacles. 

Avec l’objectif du gouvernement d’accueillir annuellement de 50 000 à 60 000 immigrants permanents, qui seraient essentiellement de langue française, ces nouveaux arrivants ne représenteraient qu’environ 0,7% de la population du Québec en 2027, comparativement à un ratio d’environ 1,4% en 2025 pour l’ensemble du Canada, une menace pour le poids démographique et économique du Québec au sein du Canada. 

Puisque nous avons les compétences pour bien les intégrer et que les avantages de cette immigration sont manifestes, il ne manque que la volonté et la détermination du gouvernement pour en accepter davantage. Allons-y!

***

J’aime

L’UQTR, quatre cégeps et huit centres de service scolaires se coordonnent pour créer une école des métiers de la batterie dans le parc industriel de Bécancour. Si elle voit le jour, cette école sera une avancée immense dans la concertation des trois niveaux d’éducation pour créer un établissement qui offrira sous un même toit des formations professionnelle, technique et universitaire. Cette initiative devrait contribuer à abattre les obstacles bureaucratiques qui empêchent l’établissement de passerelles dans l’enseignement et la reconnaissance des diplômes dans les secteurs professionnel et technique. La situation est différente en enseignement supérieur, qui permet de créer des programmes de DEC-BAC, qui permettent à un étudiant d’obtenir à la fois un DEC technique et un baccalauréat en cinq ans ou moins.

Je n’aime pas

Parce que Meta, la société mère de Facebook et d’Instagram, a coupé l’accès à des services de nouvelles, la sécurité et la vie de plusieurs Canadiens ont été mises en danger dans les régions touchées par des feux de forêt. Autre victime de Meta, la page #MortenSilence, que Michelle Bourassa anime sur l’aide aux personnes en fin de vie et à leur famille, est disparue. Meta fait ces coupures pour protester contre la Loi sur les nouvelles en ligne, qui obligera les géants du Web à payer des redevances sur les textes qu’ils subtilisent sur les médias traditionnels. Ceux-ci accaparent 80% des revenus de publicité en ligne au Canada tout en évitant l’impôt. Ils saccagent l’industrie des médias, qui survit de peine et de misère malgré les subventions.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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