Pouliot - Alcoa: monsieur Parizeau cède un peu trop rapidement

Publié le 12/11/2013 à 09:21, mis à jour le 12/11/2013 à 09:22

Pouliot - Alcoa: monsieur Parizeau cède un peu trop rapidement

Publié le 12/11/2013 à 09:21, mis à jour le 12/11/2013 à 09:22

BLOGUE. Le gouvernement du Québec doit céder aux demandes d'Alcoa, estime l'ancien premier ministre du Québec, Jacques Parizeau. Céder oui, mais pas si rapidement, et pas avant d'avoir obtenu certaines garanties.

La chronique de monsieur Parizeau dans les journaux Québecor est fort intéressante. Il est conscient qu'il y a une part de bluff dans la menace d'Alcoa de fermer ses alumineries si Québec maintient la hausse de tarif de 50% (prévue pour 2015), mais il estime aussi qu'il est "inutile pour le gouvernement de finasser pendant des mois" et qu'il doit céder.

Le portrait de l'industrie qu'il dresse est conforme à ce que voient la plupart des analystes. Une production chinoise qui s'est étonnamment accélérée dans les dernières années et qui est venue complètement déséquilibrer le marché. Barclays Capital estime notamment que la production chinoise a augmenté de 18% par année dans la dernière décennie.

SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT

On ajouterait un autre phénomène: l'entrée des grandes banques d'affaires. En profitant de taux d'intérêt faibles et de perspectives favorables pour l'aluminium (ce n'est pas pour rien qu'en 2008 Alcoa avait accepté de passer au tarif L sept ans plus tard), elles se sont mises à accumuler de l'aluminium, à le stocker dans des entrepôts qu'elles achetaient, et à le jouer sur les marchés à terme. Goldman Sachs n'a entre autres pas lésiné sur l'opération.

Vint la crise financière, et ce qui devait arriver, arriva. De 1 million de tonnes métriques qu'ils avaient en moyenne été ces dernières années, les stocks d'aluminium explosèrent à plus de 5 millions de tonnes. Et ils s'y maintiennent toujours, malgré la reprise.

Pourquoi s'y maintiennent-ils?

Première raison. Parce que, malgré la chute de prix du métal blanc, les Chinois ont continué à ajouter de la capacité. Ils bâtissent de nouvelles usines, performantes, mais ne ferment pas aussi rapidement leurs vieilles installations, régime communiste oblige.

Deuxième raison. Parce que, si le prix de l'aluminium a beaucoup reculé sur les marchés financiers (à 0,80$ US la livre actuellement), les producteurs d'aluminium n'ont pas souffert dans une mesure aussi extrême. Aussi curieux que cela puisse paraître, il y avait sur le marché une forme de pénurie d'aluminium physique. La faute justement aux grandes banques d'affaires, qui, après avoir accumulé des lingots, roulent maintenant leurs positions sur les marchés financiers (en achetant spot et vendant à terme), tout en conservant le métal pour garantir celles-ci.

Grâce à cette situation, les producteurs d'aluminium recevaient (et reçoivent toujours) une prime de près de 15% sur le prix au marché, ce qui a retardé une restructuration plus musclée du secteur.

Les restructurations s'en viennent

Les choses devraient cependant changer prochainement pour les alumineries. Et pas pour le mieux, du moins à court terme.

La London Metal Exchange vient d'émettre une nouvelle règle, qui entrera en vigueur le 1er avril 2014, exigeant que les entreprôts dont les délais de livraison dépassent 50 jours livrent plus de métal qu'ils n'en reçoivent.

Les primes pour l'obtention d'aluminium physique devraient donc prochainement se mettre à fondre, et il est probable que la rentabilité des producteurs souffrira encore plus.

C'est une bonne nouvelle à long terme pour les producteurs à faibles coûts. La Chine devrait enfin fermer ses plus vieilles usines, et les producteurs occidentaux faire de même avec celles qui sont les moins rentables.

À court terme, c'est cependant un bien mauvais moment à passer. Et on peut comprendre Alcoa de réagir fortement.

Faut-il céder à Alcoa?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

Blogues similaires

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?