La prophétie 2012

Publié le 09/01/2012 à 09:16, mis à jour le 09/01/2012 à 09:37

La prophétie 2012

Publié le 09/01/2012 à 09:16, mis à jour le 09/01/2012 à 09:37

Pronostic pour 2011 : environ + 10 % à New York et stable à Toronto, écrivait-on au début de l’an dernier. Alors, de quoi a l’air le prophète ? Un an plus tard, New York a avancé de 0,5 % et Toronto a battu en retraite de plus de 11,9 %.

Il faut avouer que le prophète ne paraît pas très bien. On fera cependant observer qu’au printemps, le S&P 500 touchait les 1 363 points et le S&P/TSX, les 14 270 points. Bref, la prophétie 2011 s’accomplissait.

Quelques mois trop tôt, mais c’est après tout le propre du prophète d’être avant son temps…

Que s’est-il passé ?

Essentiellement, la cible est ratée en raison d’une erreur de multiple appliqué aux bénéfices des sociétés.

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Flashback en 1816. Oui, oui, en 1816 : la source de l’erreur ne date pas d’hier.

Dans une correspondance du 28 mai adressée au sénateur et philosophe John Taylor, Thomas Jefferson, qui sort de la présidence des États-Unis, écrit : « Je crois sincèrement, avec vous, que les établissements bancaires sont plus dangereux que les armées établies, et que le principe de dépenser de l’argent devant être remboursé par la descendance, sous le nom de financement, est une escroquerie à grande échelle. »

On avait appliqué au bénéfice attendu pour le S&P 500 et le S&P/TSX un multiple historique de 15. À cause de ce que décrit Jefferson, la confiance est cependant tombée, et le multiple a fondu sous la moyenne historique (13).

Ce fut d’abord l’Irlande, puis le Portugal et l’Espagne. Vint ensuite un retentissant coup de canon, avec la décote des États-Unis par Standard & Poor’s. Quelques semaines plus tard, l’Europe tremblait dans son entièreté.

Beaucoup de pays du monde n’ont aujourd’hui pratiquement plus de marge de manœuvre en raison de leur niveau d’endettement. Et, comble de malheur, c’est également le cas de beaucoup de leurs citoyens.

Qu’arrivera-t-il en 2012 ?

Si, l’an dernier, le brouillard ne faisait que menacer, cette année, il nous enveloppe complètement.

L’Europe semble vouloir s’organiser, mais le défi est de taille. Sur un horizon qui reste à préciser (l’année 2016 a été avancée par certains médias, mais la date ne semble pas officielle), tous les pays européens devront atteindre l’équilibre budgétaire, c’est-à-dire présenter un déficit inférieur à 0,5 % de leur PIB nominal.

Les dernières prévisions économiques de la Commission européenne, récemment relues, ne sont pas très roses.

L’Irlande, par exemple, dont on ne parle plus parce qu’elle a implanté avec succès certaines de ses réformes, a encore beaucoup de pain sur la planche. En 2011, son déficit devrait représenter 10,5 % de son PIB. En 2012, ce sera 8,8 %. Comme c’est « du PIB », et non « du budget », il faut bien mesurer l’ampleur du chemin à parcourir.

En Espagne, le déficit s’établit à 6,3 % du PIB et il devrait atteindre 5,3 % cette année. Au Portugal, il se situe à 5,9 % et sera de 4,5 % en 2012, selon les prévisions.

C’est un peu moins pire en Italie, où le déficit est de 4 % en 2011 et sera de 3,2 % en 2012. Toutefois, même dans les pays riches, la route ne s’annonce pas facile. Celui de la France est de 5,8 % et ne sera que de 5,3 % au 31 décembre prochain. En Grande-Bretagne, il est de 8,6 % et ne sera que de 7 % dans 12 mois.

De notre côté de l’Atlantique, les États-Unis n’échapperont pas non plus à l’obligation de remettre les finances publiques sur les rails. Le déficit de Washington devrait représenter 10,9 % du PIB en 2011 et 7 % en 2012.

Où iront donc les Bourses ? La réponse n’est pas simple.

En raison des élections américaines, il se fera sans doute peu de compressions budgétaires chez l’Oncle Sam en 2012.

Même chose en Europe. Le temps qu’on établisse les plans de rationalisation, une bonne partie de l’année se sera en effet écoulée et, bien qu’il s’amorcera en deuxième moitié d’année, le résultat ne se fera sans doute sentir que l’an prochain.

Ce qui veut dire que les bénéfices des indices nord-américains devraient encore continuer à progresser. Le consensus des analystes recensé par Thomson Reuters concernant le S&P 500 est autour de 103 $ US pour l’exercice en cours. C’est une progression qui devrait être supérieure à 6,2 %. Celui qui vise le S&P/TSX avoisine les 1 050 points, une progression de 14 % par rapport à 2011.

En présumant que le contexte difficile fera en sorte que les multiples resteront les mêmes (13 fois le bénéfice), le S&P 500 devrait alors toucher les 1 340 points (+ 6,1 %) et le S&P/TSX, les 13 650 points (+ 15 %).

Quelque chose nous dit cependant que les bénéfices attendus en 2013 (le repère sur lequel on s’appuiera en fin d’année) fondront au cours de l’année 2012.

Conséquence : on reviendra à des prévisions qui se situeront plutôt entre les bénéfices de 2010 et ceux de 2011 (disons 90 $ US pour le S&P 500 et 820 $ pour le TSX). Avec un multiple de 13, on arrive à des cibles respectives de 1 170 et 10 660. New York devrait reculer d’environ 7 % et Toronto, de 10 %.

Comme disait le prédécesseur Isaïe : « Mon peuple, entrez dans vos chambres, fermez vos portes, et tenez-vous cachés pour un moment jusqu’à ce que la colère du Seigneur soit passée. »

 

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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