François Pouliot: l'opération Target-Zellers apparaît illégale

Publié le 18/01/2011 à 09:18, mis à jour le 21/01/2011 à 11:14

François Pouliot: l'opération Target-Zellers apparaît illégale

Publié le 18/01/2011 à 09:18, mis à jour le 21/01/2011 à 11:14

Photo : Bloomberg

Une entreprise peut-elle racheter à prime les baux commerciaux d'une autre, mettre tout le monde à pied, et ensuite poursuivre à peu près les mêmes activités en choisissant unilatéralement les employés qu'elle veut conserver? Un important bras de fer juridique se dessine au Québec alors que le plan de match de Target pour Zellers apparaît illégal.

Déjà les TUAC et la Commission des normes du travail se préparent (voir plus loin).

Il y a 279 Zellers au Canada, dont une soixantaine au Québec. Target peut acheter jusqu'à 220 baux de magasins pour 1,8 G$. Elle compte convertir entre 100 et 150 établissements d'ici 2013-2014. Target pourrait acheter certains baux et les revendre. Pendant un temps ses établissements continueront d'être opérés par Zellers (elle louera de Target).

En apparence, il s'agit d'une transaction qui ne touche que des baux de location. C'est ce qui permet à Target de dire que les employés de Zellers devront tous renvoyer des CV et qu'elle choisira ceux qu'elle conserve à son emploi.

Le plan pourrait bien cependant frapper un mur en droit québécois (vraisemblablement aussi en droit ontarien, mais on est plus familier avec celui du Québec).

L'article 97 de la Loi sur les normes du travail indique que "l'aliénation partielle d'une entreprise n'affecte pas la continuité de l'application des normes du travail". En d'autres mots, si on vend partiellement une entreprise, rien ne change dans celle-ci.

Cette disposition est à lire avec l'article 124 de la loi qui édicte qu'un salarié qui compte deux ans de service dans une compagnie ne peut être remercié "sans cause juste et suffisante".

Or, il est depuis longtemps établi en jurisprudence que la vente partielle d'une entreprise n'est pas une cause juste et suffisante pour remercier un salarié.

D'où l'illégalité potentielle du plan de licenciement collectif de Target-Zellers.

La même situation s'applique pour les établissements où sont présents des syndicats. L'article 45 du code du travail prévoit qu'en cas de cession partielle d'une entreprise, l'accréditation syndicale suit dans les établissements du nouvel employeur, et les syndiqués aussi. Il y a une demi-douzaine d'établissements Zellers syndiqués au Québec, selon les Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC).

Le débat

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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