Ce que n'a pas dit Yellow Media

Publié le 29/09/2011 à 21:51, mis à jour le 30/09/2011 à 07:32

Ce que n'a pas dit Yellow Media

Publié le 29/09/2011 à 21:51, mis à jour le 30/09/2011 à 07:32

Marc Tellier, président et chef de la direction de Yellow Média. Photo : LesAffaires.com

Yellow Media, sa direction et son conseil d'administration ont-ils commis une faute et engagé leur responsabilité en ne divulguant pas plus tôt au marché qu'ils étaient en défaut technique sur leur convention de crédit?

C'est la question qui se pose au lendemain de nouvelles pertes boursières principalement attribuables à l'annonce d'un pacte de crédit plus contraignant qu'auparavant.

Dans son communiqué, émis mercredi, la société indique:

"Par suite de la révision à la baisse de ses cotes de crédit annoncée le 4 août 2011, Yellow Média est devenue assujettie à une restriction contenue dans sa convention de crédit qui limite le montant total des excédents de trésorerie qui peuvent être versés à titre de dividendes et affectés au rachat de titres au cours de toute période des 12 derniers mois. Dans le cadre des modifications, Yellow Média obtient une renonciation à cette restriction sur les distributions pour la période des 12 derniers mois antérieure."

Questions:

1- Yellow Media savait-elle dès le 4 août qu'elle était en défaut sur sa convention de crédit, ce qui permettait au syndicat bancaire de rappeler ses prêts?

2- Pourquoi ce défaut n'a-t-il pas été divulgué avant le 28 septembre?

La réponse à ces questions n'est pas sans conséquences financières pour les actionnaires, particulièrement pour ceux qui ont acheté depuis le 4 août, jour de la décote des débentures au rang de junk bonds. À cette date, le titre était à 1,05$. Il a clôturé mercredi, jour du dévoilement de la situation, à 0,28$, une baisse de plus de 70%.

Le principe légal est le suivant. Une société a l'obligation de diffuser un communiqué de presse dès que survient dans ses affaires un changement important, encore inconnu du public, et susceptible d'exercer une influence appréciable sur la valeur ou le cours de ses titres. Il y a cependant quelques échappatoires possibles, notamment si l'on croit que l'information pourrait causer un préjudice grave à ses intérêts.

Ce qui s'est passé le 4 août

En étant décoté par Standard & Poor's, la société est devenue sujette à une disposition prévoyant un ratio sous lequel il lui devenait interdit de payer son dividende et racheter de ses actions.

La société nous a expliqué qu'aucune allusion n'a été faite le 4 août à la nécessité de couper le dividende parce qu'elle n'avait pas encore réalisé qu'elle était en porte-à-faux avec sa convention de crédit.

Elle considérait qu'avec un dividende de 0,15$ par action, elle était toujours en conformité avec le ratio financier prévu à ses conditions. Malheureusement, ce calcul ne devait pas être fait sur une base de dividende actuel en continue, mais plutôt en tenant compte des dividendes versés dans les douze derniers mois. Or, le dividende des derniers mois était à 0,65$. En l'incorporant dans le calcul, la société devenait donc en contravention de sa convention.

Ce n'est que plus tard, à une date non précisée, que Yellow prit apparemment conscience du problème. La société avait déjà déclaré son dividende pour le trimestre et souhaitait être en mesure de le verser pour les deux prochains mois.

C'est à ce moment que les banquiers auraient indiqué qu'étant donné le défaut de Yellow, les lignes de crédit allaient être en partie rappelées. Et que les négociations vers l'entente annoncée le 28 septembre s'ouvrirent. (On notera que le prêt était non garanti et que les banques semblent avoir profité d'une faute technique pour diminuer leur risque).

Quand peut-on présumer que Yellow a su?

Le 6 septembre, la société annonçait que son chef de la direction financière, Christian Paupe, quittait l'entreprise. Monsieur Paupe a apparemment été remercié par le conseil d'administration.

Aucune explication n'est fournie dans le communiqué sur les raisons de son départ. Il y a cependant une forte présomption qu'à compter de ce moment le conseil d'administration est au courant que la société a de graves problèmes avec sa convention de crédit.

Pourquoi le défaut n'est-il pas communiqué à ce moment?

Justification de l'entreprise: "Nous n'étions pas en défaut. Nous l'aurions été le 30 septembre si nous n'avions pas renégocié l'entente de crédit. Nous faisons nos rapports aux banques de façon trimestrielle."

En d'autres mots, l'entreprise savait qu'elle était en situation de défaut, mais celui-ci n'avait pas encore été juridiquement constaté.

L'argument est-il valable?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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