Budget du Québec: mais pourquoi se met-on toujours à risque?

Publié le 22/11/2017 à 18:44

Budget du Québec: mais pourquoi se met-on toujours à risque?

Publié le 22/11/2017 à 18:44

«Mais pourquoi l'idéologie semble-t-elle toujours l'emporter sur le raisonnable et le mesuré?»

C'est avec un certain découragement que l'on s'est plongé, mardi soir, dans la lecture de la mise à jour économique du gouvernement du Québec, et celle des nombreux commentaires qui déferlaient sur les réseaux sociaux.

Dans le coin gauche, ceux qui réclament des réinvestissements dans les services publics; dans le coin droit, ceux qui en veulent plus dans leur poche.

Dans cette mise à jour, c'est le coin droit qui vient de l'emporter, avec des baisses d'impôt de plus de 1G$.

On nage dans les surplus, dit-on. C'est vrai, et ça ne l'est pas.

On surfe plutôt actuellement sur un cycle économique favorable. Après huit ans, le cycle économique nord-américain avance cependant en âge. La moyenne des neuf cycles économiques qu'ont connus les États-Unis depuis 1948 est de 5,6 ans (selon la Banque Scotia). Si l'on compte les années uniquement à partir de la phase d'expansion (en excluant la phase de récupération), le cycle actuel a six ans et est toujours plus vieux que la moyenne historique.

Ne devrait-on pas mettre de l'argent de côté pour se préparer à traverser de l'autre côté de la montagne, celui où ça descendra et où l'économie reculera?

Le gouvernement du Québec avait commencé à se constituer une réserve à cette fin. À la fin de l'exercice 2016-17, celle-ci atteignait 4,5 G$.

Mais, pour financer les baisses d'impôt et les réinvestissements, le gouvernement va retomber en déficit dans les prochaines années et compensera à même cette réserve. Il y puisera 250 M$ en 2017-18, 1,4 G$ en 2018-19, 751 M$ en 2019-20 et 344 M$ en 2020-21.

Au final, la réserve de stabilisation ne contiendra plus que 1,8 G$ en 2020-21, année où le cycle économique touchera à sa fin (s'il n'a pas déjà trépassé).

Combien a coûté la dernière récession au gouvernement du Québec?

Celle de 2008-2009 a entraîné la province dans six années consécutives de déficits entre 2009-2010 et 2014-2015. Ces déficits ont totalisé près de 15G $. Le ratio dette brute/PIB est alors remonté d'un peu plus de 48% à 55%, niveau jugé précaire, que l'on veut aujourd'hui ramener à 45% sur l'horizon 2026.

Vrai, la récession de 2008-2009 n'en était pas une ordinaire. Il se pourrait que la prochaine soit plus faible. Mais quand même: 15 G$ de déficit la dernière fois et l'on ne se constitue qu'une provision de 1,8 G$?

Difficile à raisonner. D'autant que l'objectif de ramener la dette à 45% du PIB en 2026 a lui aussi une très haute probabilité de ne pas être atteint. Nous sommes actuellement à 52% et le graphique illustrant l'atteinte de l'objectif dans les documents gouvernementaux fait voir une progression continue d'année en année (grâce aux versements au Fonds des générations et à l'avancement du PIB). Encore ici, le gouvernement ne prévoit pas de récession sur les 10 prochaines années. Pour que ce scénario se matérialise il faudrait que le cycle économique batte un record de tous les temps, et par toute une marge.

Pourquoi est-ce ainsi?

Pour la première fois en 40 ans, le Québec avait la possibilité de se constituer une fondation budgétaire solide sur laquelle construire. À quoi bon donner aujourd'hui, s'il faut demain recommencer à couper dans les services et remonter les impôts?

Aucun parti politique n'a intérêt à se retrouver dans cette situation.

Il ne s'agit pas de dire qu'il faut renoncer aux baisses d'impôts ou aux réinvestissements. Il s'agit simplement d'aller plus lentement, d'attendre quelques années, afin de les rendre durables.

Pourquoi les différentes formations ne vont elles pas dans cette direction?

En lisant les commentaires sur les réseaux sociaux, mardi et mercredi, une pensée s'imposait: parce que le public est de plus en plus idéologiquement polarisé, et pousse à ne pas le faire.

Le problème, c'est nous.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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