Bombardier: le film de Série C

Publié le 21/01/2014 à 18:50, mis à jour le 22/01/2014 à 11:09

Bombardier: le film de Série C

Publié le 21/01/2014 à 18:50, mis à jour le 22/01/2014 à 11:09

BLOGUE. Bombardier licencie 1700 salariés, dont 1100 à Montréal. Lorsque le collègue Martin Jolicoeur a lu à haute voix le titre de la manchette, on a d'abord cru à une erreur de la Presse Canadienne.

Mais non... Aux images de réussite imprimées sur la pellicule lors du premier vol d'essai à l'automne, succèdent depuis deux semaines des images d'un film de Série C.

C'est un dur coup pour la collectivité. Avec l'économie québécoise qui traîne de la patte, le dernier développement ne va sûrement pas aider au moral.

Bien peu avaient vu venir un pareil effort de compression (on dirait même personne). Avec le report d'un an du CSeries, on s'attendait à des ajustements d'effectif, mais pas de cette ampleur.

Pourquoi ces coupes?

Elles suivent de près les 300 temporaires annoncées en début d'année à l'usine américaine de Wichita. Ces premières mises à pied survenaient en raison du ralentissement de la demande pour les appareils Learjet.

Bombardier n'explique pas clairement les dernières coupes. Il y a probablement une volonté de redresser les marges, qui déçoivent les analystes depuis un certain temps. Mais il y a surtout la question du report d'un an de la mise en service du nouvel appareil CSeries (désormais prévue pour la deuxième moitié de 2015).

Deux questions principales flottent actuellement sur les marchés financiers.

La première touche l'impact qu'aura à court terme le report sur les niveaux de liquidités de l'entreprise. Les évaluations de l'ampleur du dépassement de coûts vont dans toutes les directions et se situent entre 200M $ US et plus de 1 G$ US. Les analystes dont les prévisions se situent dans la basse fourchette ne voient pas de problème de liquidités se développer, mais ceux avec des prévisions plus pessimistes signalent que la situation pourrait être serrée en fin d'année si d'autres ennuis surviennent. Ils précisent que Bombardier pourrait devoir parler à ses banquiers, parce qu'en violation de ses conventions de crédit.

La deuxième question qui flotte concerne l'impact des dépassements sur la rentabilité future. Le coût de développement du CSeries devait initialement se situer à 3,4 G$ US. Dépendamment des scénarios envisagés, il pourrait maintenant bondir jusqu'à près de 4,5 G$. Plus les coûts grimpent, moins la rentabilité sera importante lorsque les appareils arriveront sur le marché puisque, après avoir été capitalisés, ceux-ci devront être amortis sur chacun des avions.

Les nouvelles coupes semblent donc principalement arriver afin de tenter d'améliorer les liquidités de Bombardier, de même que de réduire les dépassements de coûts du CSeries.

Par quelle ampleur améliorent-elles la situation?

Bombardier n'était pas en mesure de donner cette information mardi. On en est donc réduit à une règle du pouce. En supposant un salaire moyen de 90 000$ à 100 000$ (incluant les avantages sociaux), l'économie pourrait se situer entre 150 et 170 M$.

C'est significatif si les dépassements sont dans la basse fourchette. C'est toujours ça de gagné, mais ça l'est beaucoup moins s'ils sont dans la haute fourchette des évaluations.

La soudaineté du délestage, son ampleur, et le fait qu'il survienne principalement à Montréal, fief de l'entreprise, donnent à penser que les dépassements de coûts présumés ne se situent pas dans la basse fourchette des analystes.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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