Harvey est notre avenir

Publié le 02/09/2017 à 08:34, mis à jour le 02/09/2017 à 22:08

Harvey est notre avenir

Publié le 02/09/2017 à 08:34, mis à jour le 02/09/2017 à 22:08

Houston après le passage de l'ouragan Harvey. Photo: Getty

ANALYSE GÉOPOLITIQUE– La quantité de pluie que l’ouragan Harvey a déversée sur le Texas et Houston dépasse l’entendement. En 5 jours, il est tombé l’équivalent d’un sixième du volume du lac Érié. Si ce type de catastrophe est une première aux États-Unis, elle ne sera certainement pas la dernière, car Harvey est notre avenir.

Ceux qui croient que les inondations à Houston sortent de l’ordinaire devront déchanter. Bien au contraire, elles sont déjà fréquentes.

En fait, Houston vit son troisième événement extrême en trois ans (de la pluie et des inondations se produisant en moyenne tous les 500 ans), rapporte le Washington Post. Il y a eu de tels événements en 2015, 2016 et cette année, avec Harvey.

Certes, de tout temps, il y a eu des ouragans dans le golfe du Mexique, bien avant le dérèglement climatique causé par l’activité humaine à compter du 19e siècle (selon le consensus scientifique mondial).

Sauf qu’avec les changements climatiques, les ouragans sont de plus en plus puissants.

Dans un rapport publié en 2014, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) soulignait que les modèles prévoyaient une augmentation des températures qui provoqueraient des événements extrêmes, soient des sécheresses et des inondations majeures, voire catastrophiques.

Nous entrons dans cette zone de turbulences.

Des efforts insuffisants

Bien entendu, aux quatre coins de la planète, des citoyens, des villes, des entreprises et des gouvernements font des efforts pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES).

Des progrès ont été faits, même aux États-Unis, où des villes comme New York et des États comme la Californie sont des leaders.

Par contre, les progrès sont trop lents, affirment les spécialistes.

L’exploitation des énergies fossiles se poursuit, notamment au Canada, malgré le développement rapide des énergies vertes dans le monde.

La population mondiale continue d’augmenter; elle pourrait atteindre 9,9 milliards en 2050 (11,2 milliards en 2100), selon l’Organisation des Nations Unies (ONU).

Et, dans les pays développés, la plupart des citoyens ne sont pas prêts à changer drastiquement leur mode de vie (renoncer à la voiture par exemple) pour réduire leurs GES afin de permettre aux pauvres des pays émergents d’augmenter les leurs.

Aussi, à moins d’un changement de cap spectaculaire, nous n’arriverons probablement pas à réduire suffisamment nos émissions pour contenir le réchauffement climatique.

La limite à ne pas dépasser pour éviter un emballement du climat est de 2 degrés Celcius par rapport à la période préindustrielle. Les leaders mondiaux ont fixé cette limite en 2010, lors des négociations sur les changements climatiques.

Depuis 1880, la température moyenne de la Terre a augmenté de 0,85 degré. Il nous reste donc collectivement un coussin de 1,2 degré avant d’atteindre le seuil d’emballement.


« Il y a donc toujours de l’espoir en théorie. Mais en pratique, il est probable que l’humanité gruge ce coussin d’ici la fin du siècle, estiment plusieurs scientifiques. »

Nous devrons nous adapter de manière intelligente

Nous devons donc nous adapter aux changements climatiques, sans toutefois cesser de réduire nos GES. Mais cette adaptation doit être réfléchie, sans répéter les erreurs du passé.

Plusieurs constats s’imposent dans ce contexte.

1. La plupart des grandes villes dans le monde sont des villes côtières ou situées près de la mer. Quand elles ont été construites, le climat était plus stable et personne n’imaginait les futurs changements climatiques et l’augmentation du niveau des océans.

2. Au fil des siècles, la plupart des villes ont détruit les milieux naturels qui les entouraient et les protégeaient (milieux humides, boisés, etc.) pour se développer, sans parler du pavage tous azimuts qui imperméabilise le sol et freine l’évacuation des eaux.

3. Enfin, de par le monde, les villes ont permis la construction d’habitations dans des zones inondables.

Que devons-nous faire?

Nous devons désormais construire et rénover nos villes dans un contexte de changements climatiques. Bref, nous devons (vraiment) révolutionner l’urbanisme.

Les autorités doivent aussi cesser de détruire les milieux naturels. Ce sont des systèmes de régulation et de protection contre les catastrophes naturelles. Il faudrait même les restaurer, voire en aménager de nouveaux. Ce sont nos alliés.

Enfin, il faut se faire à l’idée qu’avec la hausse du niveau des océans et de la fréquence/force des ouragans, des centaines de milliers de personnes dans le monde devront graduellement quitter les zones côtières.

Une prévision est éloquente.

D’ici 2050, plus de 450 millions de personnes seront exposées à des inondations qui seront deux fois plus fréquentes, rapporte le magazine Politico, en citant une récente étude à ce sujet.

Certes, nous pouvons construire davantage de digues ou renforcer celles qui existent. Les Pays-Bas peuvent être une source d’inspiration. Une partie importante de leur territoire est déjà sous le niveau de la mer, grâce aux fameux polders (des digues géantes).

Toutefois, la technologie et les infrastructures ne seront pas une panacée, préviennent les spécialistes.

Aussi, nous devons mieux comprendre l’environnement dans lequel nous vivons et nous adapter en conséquence. Cela inclut d’avoir une empreinte écologique qui réduise les GES et respecte le rythme de renouvellement des ressources de la Terre.

Nous pourrons ainsi mieux gérer le risque climatique.

C’est notre nouvelle réalité.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand