L'industrie du luxe déroule le tapis rouge pour survivre à la crise

Publié le 02/05/2009 à 00:00

L'industrie du luxe déroule le tapis rouge pour survivre à la crise

Publié le 02/05/2009 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Geneviève Grandbois ne s'attendait pas à réaliser d'aussi bonnes ventes, étant donné la conjoncture. Mais son bar à chocolat ouvert récemment au centre commercial DIX30, en banlieue sud de Montréal, remporte un franc succès, dit-elle. Comme quoi les marchands de luxe - ou à tout le moins haut de gamme - peuvent sauver leur peau durant la récession.

Tout le monde ne peut pas s'offrir les chocolats fins fabriqués par Geneviève Grandbois. Mais par son nouveau concept de boutique, la chocolatière déploie une excellente stratégie anti-crise. Elle vend une gamme de produits plus abordables, comme des gâteaux, des glaces, des boissons et de plus petites boîtes de chocolats. Vous ne pouvez pas vous payer le coffret à 50 $ ? Vous avez quand même les moyens d'une glace à 3 $, non ? Ou encore d'un coffret-cadeau à 10 $ ? C'est le même emballage que celui du coffret à 20 $, mais il renferme moins de chocolats. Même qualité, même signature, bref, même expérience, mais en plus petite quantité et à plus petit prix.

Cette stratégie de réduction du prix d'entrée de gamme gagne en popularité dans l'industrie du luxe. Récemment, Viktor & Rolf a lancé un parfum en flacon de 35 ml, alors que le format habituel est de 50 ml. Chez XO, le restaurant du très chic hôtel Saint-James, dans le Vieux-Montréal, le chef a conçu une table d'hôte à 26 $ le midi. Comptant seulement trois plats, elle est moins chère que la formule qu'offrait le restaurant avant la récession. "En raison de la somptuosité des lieux, le Saint-James projetait une image d'inaccessibilité. Les gens pensaient qu'il fallait s'appeler Madonna pour venir chez nous", relate son directeur général, Olivier Bottois.

Réduire le prix d'entrée est une chose, qui suppose de créer de nouvelles offres. Mais s'il y a une stratégie anti-crise à laquelle plusieurs refusent de céder, c'est celle de la guerre des prix. C'est en tout cas ce que cinq acteurs québécois du marché haut de gamme nous ont confié. Pour eux, abaisser le prix d'un produit pour concurrencer son voisin est impensable.

Une question d'image

"Si je baisse mes prix, je sacrifie l'image de l'hôtel à long terme", explique M. Bottois. Premièrement, il est très difficile de les remonter lorsque vient la reprise. Deuxièmement, en baissant les prix, on est souvent obligé de réduire le service ou la qualité du produit, deux facteurs liés à l'idée de luxe.

"Je ne peux pas rogner sur la qualité de ma matière première, s'exclame Geneviève Grandbois. C'est pour cela qu'on achète mon chocolat !" Olivier Bottois, lui, serait obligé réduire son personnel. "Je pénaliserais mon client et je risquerais de le perdre", fait-il valoir.

Et pour certains artisans du haut de gamme, qui ne font pas dans le volume, les marges de profit sont trop minces pour jouer à ce jeu. "On ne peut tout simplement pas aller plus bas", dit Diane Commerford, directrice de la maison Tendances et Concept qui fabrique et installe des meubles de cuisine. Baisser les prix est donc une voie dangereuse.

En revanche, faire des cadeaux est un bon compromis. Récemment, Olivier Bottois a pris une réservation pour 25 chambres pendant trois jours pour une vedette et son équipe. "L'agente me disait que son budget de logement venait d'être réduit de 30 % et elle menaçait d'aller ailleurs" relate-t-il. Solution : il a facturé le tarif habituel à l'équipe, mais il a offert gratuitement sa suite royale à la star, qui était ravie.

M. Bottois exploite à fond l'expérience et la valeur ajoutée qu'offre le Saint-James à ses clients : il met une limousine à la disposition de ceux qui veulent aller magasiner ou se faire dorloter au spa de luxe Ishi - avec qui il a conclu une alliance.

Tiens, voilà une autre stratégie anti-crise : s'associer à d'autres marchands de luxe ou haut de gamme pour élargir l'expérience offerte à ses clients. C'est ce que fait Geneviève Grandbois avec le fabricant de glaces Bilboquet, et Tendances et Concept avec le distributeur d'électroménagers haut de gamme AG International, qui partagent un kiosque au Salon international du design intérieur de Montréal (SIDIM).

Visibilité accrue

Tendances et Concept a aussi entrepris d'augmenter sa visibilité. L'entreprise organise plus de cocktails pour ses clients, elle les tient informés des nouveautés plus souvent et elle participe à plus de foires. "Nous activons notre réseau de référencement", résume Mme Commerford.

Le Saint-James renforce aussi sa visibilité, ce qui lui permet de conquérir des marchés. À l'étranger, il vient de s'inscrire à de nouveaux clubs prestigieux, dont le Virtuoso, à travers lequel il recrute une nouvelle clientèle.

Au salon de coiffure Pure, au centre-ville de Montréal, le propriétaire, Daniel Benoît, observe que ses clients viennent moins régulièrement faire colorer leurs mèches. La fréquentation a nettement baissé. Aussi M. Benoît s'assure que ses coiffeurs offriront aux clients une expérience hors du commun, "un effet wow", et qu'ils joueront davantage leur rôle de conseiller.

La stratégie de M. Benoît, membre du conseil d'administration de L'Oréal Canada et propriétaire de quatre autres salons, consiste à former davantage ses employés à l'utilisation des produits coiffants. "Si on prend le temps de convaincre le client que le produit utilisé est plus efficace en moins grande quantité, il achètera ce produit, même s'il est plus cher", fait-il valoir.

Des produits uniques

Pour Ursula B/Giorgio Femme, une boutique indépendante qui vend des vêtements haut de gamme, la partie est féroce. Les grandes marques de luxe comme Cavalli ou Dolce & Gabbana sont soldées sur Internet et dans les grands magasins. "Je ne peux pas me battre sur ce terrain ou j'y laisserai ma peau", dit la propriétaire, Ursula Barbiaz.

Que fait-elle ? Elle redouble d'efforts pour dénicher de nouvelles griffes, moins connues, mais d'aussi bonne qualité, voire meilleure, qui offrent originalité et un meilleur rapport qualité-prix à ses clientes. Mme Barbiaz vient d'obtenir l'exclusivité de la griffe du designer Jason Wu sur le marché montréalais.

Qui est Jason Wu ? Michelle Obama porte ses vêtements.

"Le marché est saturé de grandes marques, auquelles la récession va faire très mal, estime Mme Barbiaz. C'est le meilleur moment pour offrir de nouvelles griffes remarquables, authentiques, à un prix encore élevé, bien sûr, mais raisonnable", dit-elle.

Selon Olivier Bottois, le consommateur du luxe change d'attitude avec cette récession. "Il sait que tout le monde négocie et il regarde ce qu'il paie. Tout le monde court après son argent. Il est encore prêt à dépenser, mais il veut ni se sentir coupable, ni se faire berner. Plus que jamais, il recherche une valeur exceptionnelle, une expérience unique, authentique, et sincère. À un juste prix".

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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