Flou juridique autour du financement participatif

Publié le 31/03/2012 à 00:00

Flou juridique autour du financement participatif

Publié le 31/03/2012 à 00:00

Le financement participatif a le vent dans les voiles partout dans le monde, mais il ne peut toutefois pas aller plus vite que le cadre légal des pays où il prospère.

Aux États-Unis, un record a été battu le 13 mars dernier, lorsque le projet de jeu vidéo Double Fine Adventure a terminé sa campagne sur Kickstarter avec pas moins de 3 336 371 $ de contributions. Toutefois, aucun site américain du genre de Kickstarter ne peut permettre aux entreprises présentant leur projet de vendre des actions.

Aux États-Unis, le Jumpstart Our Business Startups Act, qui a été sanctionné par le Sénat le 22 mars, légalise la pratique. La législation permettra aux entreprises de solliciter des investisseurs sur Internet et d'aller chercher jusqu'à un million de dollars par année, sans être inscrites auprès de la Securities and Exchange Commission.

Le journaliste Nicolas Langelier a été un pionnier au Québec en soumettant son projet de magazine, Nouveau Projet, sur Kickstarter au printemps dernier. Il a réussi à récolter 25 776 $ en offrant notamment un exemplaire numérique en échange de contributions qui ont oscillé entre 10 et 400 $. Alors qu'une contribution de 40 $ permettait d'obtenir un abonnement d'un an au magazine, une contribution de 250 $ donnait droit à un souper avec les fondateurs du magazine.

Appel à l'épargne ou commerce électronique ?

Bien qu'aucune des récompenses offertes en échange des contributions n'ait pris la forme d'actions, l'Autorité des marchés financiers est intervenue : «On a reçu une lettre de l'AMF laissant entendre que des poursuites pourraient être intentées cet automne. Heureusement, cette lettre n'a pas eu de suite», évoque Nicolas Langelier.

Bien que l'AMF ait refusé de se prononcer sur le cas de Nouveau Projet, son porte- parole Sylvain Théberge a accepté de commenter le financement participatif (crowdfunding) : «Au Canada, toute opération de financement effectuée selon une approche de crowdfunding doit être conforme à notre cadre réglementaire en matière de placements de valeurs, d'encadrement des produits financiers et d'inscription des intermédiaires», a-t-il expliqué dans un premier temps.

Après avoir pris connaissance des grandes lignes du fonctionnement de Kickstarter, Sylvain Théberge a admis indirectement que les projets y recourant ne relevaient pas de l'AMF : «Pour qu'il y ait infraction, il faut qu'il y ait une notion d'équité dans l'entreprise, de gain, ou de dividende éventuel», a-t-il expliqué.

Gabriel Castiglio, associé chez Fasken Martineau, est plus catégorique : «Si la contrepartie d'une contribution, c'est d'obtenir un t-shirt ou de voir son nom apparaître au générique d'un film, c'est tout à fait permis. Dans le premier cas, on appelle ça une précommande et dans l'autre, une commandite.»

Néanmoins, son propos rejoint celui du porte-parole de l'AMF quant aux contreparties à éviter sur ces sites Internet : «Quand on commence à accorder des privilèges qui sont le lot des actionnaires, comme un partage des profits ou un droit de regard sur l'entreprise, on se rapproche de la zone interdite», explique l'avocat.

Vendre des actions sur une plateforme sociale

La vente d'actions d'entreprises à capital fermé par l'intermédiaire d'un site Internet social, toutefois, contreviendrait à coup sûr aux réglementations de l'AMF. Cette approche, qu'englobe aussi le financement participatif, vise à associer des investisseurs avec des entreprises, plutôt que des consommateurs ou des mécènes avec des projets. En Angleterre, Crowdcube permet aux entrepreneurs britanniques de vendre de l'équité à de petits investisseurs, qui peuvent participer au capital d'une entreprise avec un investissement minimum de 15,60 $. Le site Internet fondé en 2011 a distribué de cette manière des investissements totalisant près de quatre millions de dollars au courant de sa première année d'existence.

Aux États-Unis, ce n'est qu'une question de temps avant de voir apparaître des sites comme Crowdcube. Au moins deux entreprises en démarrage américaines se préparent à investir le créneau : CircleUp, qui visera uniquement les investisseurs qualifiés, et ProFounder, qui ne précise rien de tel.

UN MODÈLE, PLUSIEURS SOURCES DE FINANCEMENT

SITES INTERNET

kickstarter.com

PAYS

États-Unis

SOURCE DE CAPITAL RÉCOLTÉ

Consommateurs et mécènes

FRAIS

5 % du financement + entre 3 et 5 % de frais de transaction

DISPONIBILITÉ AU CANADA

Oui, à condition d'avoir un compte bancaire américain

SITES INTERNET

haricot.ca

PAYS

Canada

SOURCE DE CAPITAL RÉCOLTÉ

Consommateurs et mécènes

FRAIS

7 % du financement

DISPONIBILITÉ AU CANADA

Oui

SITES INTERNET

indiegogo.com

PAYS

États-Unis

SOURCE DE CAPITAL RÉCOLTÉ

Consommateurs et mécènes

FRAIS

4 % du financement si l'objectif est atteint, sinon 9 %

DISPONIBILITÉ AU CANADA

Oui

SITES INTERNET

crowdcube.com

PAYS

Royaume-Uni

SOURCE DE CAPITAL RÉCOLTÉ

Investisseurs

FRAIS

5 % du financement récolté + 2 750 $ de frais juridiques

DISPONIBILITÉ AU CANADA

Seules les entreprises britanniques peuvent y proposer des actions

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Au Canada, les autorités réglementaires en sont encore à l'étape de la recherche d'informations . «Il y a des zones grises et des choses qui ne sont pas toujours évidentes concernant le crowdfunding. D'ailleurs, c'est un sujet sur lequel les autorités des valeurs mobilières de tout le Canada vont se pencher», dit Sylvain Théberge, de l'AMF.

JULIEN.BRAULT@TC.TC

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