Entrevue n°169: Vivek Kundra, ancien directeur des TI, Gouvernement des États-Unis

Publié le 31/08/2013 à 00:00

Entrevue n°169: Vivek Kundra, ancien directeur des TI, Gouvernement des États-Unis

Publié le 31/08/2013 à 00:00

Par Diane Bérard

Vivek Kundra, ancien directeur des TI, Gouvernement des États-Unis

Vivek Kundra est surnommé «la rock star des CIO». Il a été le directeur principal des technologies de l'information du gouvernement des États-Unis, de 2009 à 2011, après avoir occupé un poste similaire à la Ville de Washington. Au sein de l'administration Obama, sa chasse aux dépassements de coûts et à la simplicité l'a poussé à «mettre la hache» dans de nombreux projets. L'homme de 38 ans est aujourd'hui directeur des TI de Salesforce, un leader des applications de gestion mobiles et infonuagiques.

Diane Bérard - Barack Obama vous a choisi comme directeur principal des TI des États-Unis. Tout un honneur...

Vivek Kundra - Et toute une leçon d'humilité ! Bien sûr, il y a la fierté. Obama a créé le poste de chief information officer (CIO) du gouvernement et m'a offert d'être le premier à l'occuper. Mais dès les premiers jours, j'ai pris conscience de l'ampleur de mes responsabilités et du bien petit nombre d'alliés sur lesquels je pouvais compter.

D.B. - Comment le gouvernement américain gérait-il ses TI avant votre nomination ?

V.K. - Tout était décentralisé. Le service des TI s'apparentait à une fédération de petites agences qui géraient chacune une partie du budget total de 80 milliards de dollars américains. Vous imaginez le choc lorsque Barack Obama a migré vers un service unifié.

D.B. - Comment les directeurs de la technologie des différentes agences gouvernementales vous ont-ils accueilli ?

V.K. - Au début, ils n'ont pas réagi. La plupart d'entre eux se sont dit : «Attendons un peu, il partira et un autre prendra sa place». Je me suis assis avec chacun d'eux et j'ai épluché leurs projets et leurs choix technologiques. Plusieurs travaillaient avec des solutions dépassées, par habitude. Ils ont résisté. J'ai persisté. Je n'étais pas venu à Washington pour me faire des amis. Ma loyauté allait aux contribuables américains.

D.B. - Comment avez-vous géré la résistance au changement ?

V.K. - J'ai jugé préférable d'agir rapidement. Je le répète, je travaillais pour les citoyens. Je voulais des résultats. Je ne me suis pas vraiment demandé si tel ou tel employé se sentait bousculé parce que nous allions trop vite. Bien sûr, nous avons travaillé en collaboration. J'ai dirigé le CIO Council regroupant les 56 principaux directeurs des TI du gouvernement. Nous avons discuté des enjeux et des méthodes ensemble. Mais il fallait avancer. Ceux qui résistaient avaient deux possibilités : se comporter en fonctionnaires responsables et agir dans l'intérêt des citoyens américains, ou se trouver un autre emploi.

D.B. - On répète que tout directeur des TI doit arrimer ses actions à la mission de l'entreprise. Quelle est la mission du gouvernement des États-Unis ?

V.K. - Le gouvernement est au service de ses citoyens. Le directeur des TI, lui, veille à ce que la technologie contribue à faciliter pour les Américains l'accès aux services gouvernementaux. Ce mandat se décline différemment dans chaque agence gouvernementale. En éducation, par exemple, la technologie contribue à l'apprentissage en classe, mais elle doit aussi permettre aux étudiants d'accéder aux prêts et bourses en ligne grâce à des formulaires simples. En santé, la technologie contribue au diagnostic et au traitement du patient.

D.B. - Selon vous, la technologie ne doit pas être la priorité des directeurs des TI à l'emploi du gouvernement. Expliquez-nous.

V.K. - Le directeur des TI qui croit que son mandat se résume à des choix technologiques n'est pas à sa place. Il est là pour changer la vie des gens grâce à la technologie. Nous avons de nombreuses relations avec le gouvernement : permis de conduire, achat d'une maison, impôts, etc. Le directeur des TI doit contribuer à rendre ces interactions les plus agréables et efficaces possibles. Mais surtout, les plus simples possibles. Le gouvernement doit s'inspirer de l'entreprise privée. Obtenir un rendez-vous avec un fonctionnaire doit être aussi simple que de réserver une table au restaurant sur le site Opentable ou d'acheter un billet d'avion sur le site Expedia. Et que dire du lancement d'une entreprise ? La technologie est un moyen, jamais une fin.

D.B. - Les projets de technologie ont la fâcheuse manie de déraper. Quelle était la situation au moment de votre arrivée ?

V.K. - Le tiers des 80 G$ US alloués aux TI était consacré à des projets qui avaient dépassé leur budget ou leur date de livraison. J'ai recensé 38 projets prioritaires : 11 allaient bon train, 12 devaient accélérer la cadence, 11 n'avaient donné aucun résultat - nous en avons réduit l'ampleur - et 4 étaient irrécupérables - nous les avons arrêtés. Une économie de 3 G$ US, qui m'a valu le surnom de «Dr. No» auprès de certains employés.

D.B. - La politique américaine est très polarisée. Vous êtes-vous trouvé au coeur de chicanes partisanes ?

V.K. - J'ai beaucoup travaillé avec les 435 membres du Congrès et les 100 sénateurs. Mais heureusement, la technologie est apolitique. Il n'y a pas une façon démocrate et une façon républicaine d'employer la technologie.

D.B. - De quelle réalisation êtes-vous le plus fier ?

V.K. - Nous avons apporté des améliorations dans les quatre secteurs d'intervention. Et, surtout, ces améliorations ont changé la vie des gens. Par exemple, une mère monoparentale, en Ohio, a trouvé du travail grâce à notre partenariat avec le secteur privé pour afficher les emplois disponibles à l'échelle nationale. Ou encore, des étudiants ont trouvé du financement pour leurs études parce que nous avons simplifié l'inscription en ligne.

D.B. - Avez-vous des regrets ?

V.K. - J'aurais dû travailler avec le Congrès dès mon arrivée pour m'assurer que les changements soient durables, qu'ils soient enchâssés dans la loi. J'ai trop attendu, j'ai manqué de temps.

D.B. - On vous surnomme la «rock star» des CIO. Vous auriez pu travailler n'importe où après la Maison-Blanche. Pourquoi Salesforce ?

V.K. - Pour le leadership du président Mark Benioff et sa capacité à voir loin, pour la fidélité des clients à l'égard de l'entreprise et parce que Salesforce incarne ma vision de l'avenir de la technologie : sociale, mobile, infonuagique.

D.B. - Est-il plus facile de travailler dans le secteur privé qu'au gouvernement ?

V.K. - Au gouvernement, vous composez avec de nombreuses contraintes légales et réglementaires, mais votre impact sur la société est phénoménal. Dans le secteur privé, vous bougez rapidement, mais votre pouvoir se limite à votre industrie.

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