On croit qu'un bon salaire motive C’est faux !

Publié le 21/09/2011 à 09:40, mis à jour le 20/09/2011 à 09:41

On croit qu'un bon salaire motive C’est faux !

Publié le 21/09/2011 à 09:40, mis à jour le 20/09/2011 à 09:41

Par Premium

— Jacques Forest, professeur au Département d’organisation et ressources humaines à l’ESG UQAM

Une entrevue réalisée par Steve Proulx

Depuis quand se préoccupe-t-on de la passion au travail ?

Tout d’abord, une passion est une activité qu’on aime pratiquer et qu’on estime importante ou significative. Elle comprend donc une dimension émotive (« J’aime mon travail ») et cognitive (« Mon travail est important pour moi, pour la société »). Cela dit, la passion est une préoccupation grandissante dans les sociétés comme la nôtre où la majorité de la population n’a plus à travailler strictement pour subvenir à ses besoins de base. Une fois qu’on gagne un salaire qui nous permet de manger, de nous loger, de jouir d’un certain confort, d’autres types de motivations apparaissent, comme la passion au travail et la légitimité de notre rôle sur cette planète. On veut être heureux, se sentir utile.

Sur quoi repose le bonheur au travail ?

Sur le plan psychologique, l’humain a trois besoins : l’autonomie, le sentiment de compétence et l’affiliation sociale. On veut donc être libre de réguler ses actions (autonomie), se sentir efficace, atteindre ses buts (compétence) et entretenir des relations sociales satisfaisantes (affiliation sociale). En milieu de travail, on constate qu’un employé se porte bien lorsque ces trois besoins sont comblés.###

Comment une organisation peut-elle répondre aux besoins psychologiques de chacun de ses employés ?

Dans une cafétéria, est-il possible de respecter les quatre groupes alimentaires ? C’est la même chose en psychologie ! Reprenons l’analogie de la cafétéria : tout le monde peut s’alimenter à même les quatre groupes alimentaires, mais une femme atteinte d’ostéoporose boira sans doute plus de lait... Plusieurs interventions organisationnelles ou individuelles peuvent être ainsi menées pour augmenter la satisfaction des employés.

Donnez-nous des exemples concrets…

Si un gestionnaire permet à son équipe de moduler son horaire, en lui demandant seulement d’être présente au bureau entre 10 heures et 15 heures par semaine, il adopte une stratégie qui agira sur le besoin d’autonomie. S’il fait confiance à ses employés, il accroît leur sentiment de compétence. Et lorsqu’un dirigeant s’attaque aux sources de frustrations qui créent des tensions entre deux employés, il s’intéresse à leurs besoins d’affiliation sociale. Bref, lorsqu’un leader dirige en gardant en tête cette grille d’analyse, les solutions pour améliorer le moral de ses troupes se multiplient. C’est ce qu’on appelle la théorie de l’autodétermination. Elle existe depuis 35 ans, mais jusqu’ici, elle a été utilisée dans toutes les sphères (sport, relations de couple, etc.) sauf dans celle du travail. Pourquoi ? Parce qu’on croit encore que le travail est un domaine totalement différent de la vie en général... et que l’argent mène le monde.

Est-ce à dire que l’argent ne fait pas le bonheur ?

Tout à fait. On croit encore qu’un bon salaire motive, que c’est pour cette raison que les gens travaillent. C’est faux. À la question : « Si vous aviez assez d’argent pour vivre confortablement pour le restant de vos jours, continueriez-vous à travailler ? », entre 55 % et 90 % des gens répondent oui.

Il n’y a tout de même pas de mal à stimuler les employés performants avec un boni…

En effet, mais plusieurs études démontrent qu’il n’existe aucun lien réel entre la motivation, l’intensité ou la persistance de l’effort au travail et l’argent. Le salaire compte parmi les motivations dites « extrinsèques », et la recherche montre que les récompenses comme l’argent ne contribuent pas au fonctionnement optimal de l’individu. Et, dès qu’un but extrinsèque est atteint (avoir un salaire satisfaisant), le dépasser (obtenir un boni) a peu d’effet à la satisfaction des trois besoins essentiels (autonomie, compétence, affiliation sociale). Fait intéressant, l’argent active les mêmes méca¬nismes neurologiques que la drogue ou les autres formes de récompense. Ce ne sont pas les mêmes structures neurales qui sont activées lorsqu’on accomplit une chose par simple plaisir ou par intérêt.

Enfin, des travailleurs heureux contribuent-ils vraiment à la profitabilité d’une entreprise ?

Thomas Wright, un chercheur américain, affirme que 25 % de la performance d’un individu est liée à son niveau de bonheur ! Lorsqu’on étudie les entreprises « en santé », on remarque souvent qu’il s’agit d’organisations au sein desquelles les employés sont bien « alimentés » sur le plan psychologique. En revanche, les entreprises qui s’en tirent moins bien sont souvent celles qui distribuent des bonis pour accroître la productivité. Ce genre de stratégie ne permet pas toujours aux individus de satisfaire les trois besoins dont nous parlions plus tôt, et qui sont le véritable moteur de la motivation et de la passion au travail.

Jacques Forest Psychologue organisationnel et CRHA, Jacques Forest est professeur au Département d’organisation et ressources humaines à l’ESG UQAM. Il étudie la motivation et le plaisir au travail.

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