Les plateformes d'emplois ne signent pas la fin des inégalités


Édition du 08 Juillet 2017

Les plateformes d'emplois ne signent pas la fin des inégalités


Édition du 08 Juillet 2017

Par Diane Bérard

[Photo : 123RF]

La montée du travail numérique ouvre le marché de l'emploi à des travailleurs jusque-là marginalisés. En parallèle, on assiste à l'apparition d'une nouvelle forme d'inégalités : les inégalités numériques. «Les progrès technologiques ont toujours été synonymes de réduction des inégalités et d'inclusion. Ce n'est plus vrai pour tout le monde», a souligné Henry Siu, professeur associé à la Vancouver School of Economics de la University of British Columbia. C'est un des constats tirés du panel de discussion auquel il prenait part sur le thème «L'ère numérique et l'avenir du travail», dans le cadre de la Conférence de Montréal qui s'est tenue en juin.

Constat 1 : les plateformes compensent la pénurie d'emplois traditionnels

Dans les pays émergents, la création d'emplois ne suit pas nécessairement la croissance de la population. Les plateformes d'emplois contrent les déséquilibres géographiques en donnant accès à un bassin d'emplois mondial plutôt que local.

Constat 2 : les plateformes d'emplois permettent à plusieurs d'accéder au marché du travail ou d'y maintenir un lien

«Les plateformes d'emplois comblent un besoin pour de nombreux travailleurs, dont les femmes», affirme Amanda Schneider, fondatrice du Contract Consulting Group, une plateforme qui offre des services stratégiques à l'industrie de l'ameublement. «Ce type d'emplois n'est pas pour tous, reconnaît Benita Matofska, fondatrice du collectif The People Who Share. Toutefois, ceux qui démonisent ces plateformes ne comprennent pas que nous vivons un changement systémique. Cela exige du temps, de l'adaptation. Il faut bâtir le nouveau système. Comme dans toute transition, il y aura des victimes.» Helena Barnard, directrice de la recherche au Gordon Institute of Business Science à l'université de Pretoria, en Afrique du Sud, craint que cette transition marque un recul pour les femmes. «Les contrats de l'économie de plateformes sont l'équivalent moderne du travail et de la rémunération à la pièce que l'on a connus avant l'implantation du travail salarié», avance-t-elle.

Constat 3 : le monde numérique amplifie la discrimination

«Contrairement à l'affirmation de l'économiste Thomas Friedman, le monde ne s'aplatit pas, estime Hernan Galperin, directeur du Regional Dialogue on the Information Society (DIRSI). Il est faux de conclure que le numérique donne désormais accès aux mêmes occasions d'emplois à tous les travailleurs. Nos recherches indiquent plutôt que le marché du travail numérique tend à accentuer les biais. Les donneurs d'ouvrage font leurs choix en fonction de renseignements très limités. Ces choix sont donc orientés par les stéréotypes du monde du travail réel.»

De nombreux travailleurs de cette plateforme contournent ce biais en s'inventant une persona numérique, a découvert Helena Barnard. Dans son étude Risks and Rewards of Online Gig Work at the Global Margin, elle cite le cas de Moses, un jeune traducteur qui réside dans un bidonville de Nairobi et qui réussit à décrocher des contrats en prétendant qu'il est diplômé et qu'il est australien. «Les gens comme moi doivent s'inventer une identité. C'est la seule façon de survivre dans le marché du travail numérique.» Ce qui fait dire à Mme Barnard que la nationalité du pigiste ne devrait pas apparaître sur le profil qu'il affiche.

Constat 4 : pour plusieurs, les plateformes d'emplois sont des zones de transition

«Je me soucie de ceux qui comptent sur ces plateformes pour leur revenu à temps plein, soulève Juliet Schor, professeure de sociologie et spécialiste de l'avenir du travail à l'université de Boston. Est-ce vraiment ce qu'ils souhaitent ? Plusieurs reçoivent un revenu en dessous du salaire minimum.» Helena Barnard renchérit : «Évitons de simplifier cette réalité. Oui, les plateformes d'emplois offrent un vent de liberté à plusieurs travailleurs spécialisés. Oui, elles constituent un filet de sécurité qui rattrape de nombreux travailleurs marginalisés. Cependant, pour ces derniers, elles sont l'équivalent numérique de McDonald's. Nous n'avons aucune donnée concluante signalant la proportion d'usagers de plateformes d'emplois qui considèrent celles-ci comme une vraie solution des rechange au marché du travail traditionnel.»

Constat 5 : la mutualisation peut résoudre une partie des enjeux

Les usagers des plateformes, considérés comme des travailleurs indépendants, n'ont pas d'avantages sociaux. «Les premiers bénéficiaires des plateformes d'emplois sont les propriétaires de celles-ci. Pour les fournisseurs, le bénéfice dépend de la place qu'ils occupent dans la chaîne», dit Juliet Schor. Les plateformes coopératives corrigent cette situation. «Pour employer une image tirée du monde de la technologie, disons qu'afin de vraiment tirer profit des percées numériques il faut y ajouter des compléments analogiques comme la réglementation, la formation et l'encadrement», conclut Naser Faruqui, directeur technologie et innovation au Centre de recherches pour le développement international (CRDI).

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