La légèreté, c'est du sérieux !

Publié le 02/09/2010 à 13:48, mis à jour le 29/11/2010 à 15:32

La légèreté, c'est du sérieux !

Publié le 02/09/2010 à 13:48, mis à jour le 29/11/2010 à 15:32

Par Premium

Une atmosphère de travail où règnent joie et légèreté suscite un bien meilleur engagement qu’un lieu sous tension. Il est temps de desserrer les dents!

The Levity Effect: Why it Pays to Lighten Up, Adrian Gostick et Scott Christopher, Wiley, mars 2008

Imaginez deux individus: l’un sourit et rit facilement, l’autre est atteint de sinistrose aiguë. Lequel seriez-vous le plus enclin à suivre? Le premier, de toute évidence.

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Pour Adrian Gostick et Scott Christopher, la même logique s’applique en entreprise: avec un gestionnaire sachant cultiver le plaisir, les collaborateurs travaillent plus dur, maintiennent leur engagement en période de crise et s’investissent davantage dans le succès de leur organisation. Mais, alors, pourquoi y a-t-il si peu de légèreté parmi les gestionnaires? Parce que la pression de la performance, le désir d’exceller et la peur d’échouer finissent par saper la part enfantine de chacun d’entre nous. Même les plus drôles en privé endossent une nouvelle identité au travail. Et c’est toute l’entreprise qui paie le prix de cette austérité collective… qui n’est pas synonyme de performance pour autant.

Je t’aime, donc je te suis

En octobre 2006, l’institut de sondage Ipsos a réalisé, à la demande des auteurs de cet essai, une enquête nationale auprès de 1 000 employés états-uniens pour évaluer l’impact du sens de l’humour des gestionnaires sur la fidélité de leurs équipes. Ces employés devaient d’abord noter l’humour de leur gestionnaire de 1 à 10, puis dire s’ils s’imaginaient travailler encore pour leur employeur un an plus tard. Les résultats sont significatifs: 90 % des employés qui attribuent à leur responsable un sens de l’humour supérieur à la moyenne envisagent de rester dans l’entreprise. Ce chiffre chute à 77 % quand les employés jugent le potentiel de légèreté de leur gestionnaire inférieur à la moyenne.

Le plaisir, c’est de l’argent!

Difficile de croire que le fait de travailler dans un environnement qui valorise l’agrément puisse avoir un impact sur l’engagement des collaborateurs et, finalement, la performance de l’entreprise? C’est pourtant ce que montre chaque année le Great Place to Work® Institute, qui interroge 10 000 employés pour réaliser son classement des entreprises où il fait bon travailler. En effet, 81 % des collaborateurs des entreprises qui tiennent le haut du classement répondent positivement à la question «Travaillez-vous dans un environnement amusant?».

Mais quel est le lien entre légèreté et performance? Amy Lyman, cofondatrice de l’institut, répond que le plaisir est étroitement lié à la confiance et crée une culture forte et positive. Elle ajoute que «les personnes qui ont confiance n’ont pas peur de se ridiculiser et prennent davantage de risques».

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Adrian Gostick est diplômé en communication stratégique et leadership de la Seton Hall University, où il enseigne aujourd’hui la culture organisationnelle. Il est notamment l’auteur des best-sellers The Carrot Principle (Free Press, 2007 [traduction française: Le principe de la carotte, Éditions Transcontinental, 2008]) et The Invisible Employee (Wiley, 2009).

Scott Christopher est acteur pour le cinéma et la télévision. Il est également conférencier et a publié Lighten Up: Managing with Mirth Ain’t Rocket Surgery (AuthorHouse, 2006). Il signe une chronique régulière pour le magazine Workplace HR.

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FAIRE SOURIRE POUR CAPTER L’ATTENTION

Qu’est-ce qui différencie M. Grognon, votre président, de Steve Jobs, le PDG d’Apple? Ce dernier sait qu’un peu d’humour renforce la pertinence du message à livrer et permet de capter l’attention du public. Qu’il s’agisse de présenter ses résultats aux actionnaires, d’annoncer un virage stratégique à ses collaborateurs ou de faire la promotion de ses nouveaux produits, il sait que la légèreté est vitale en matière de communication.

Danser et mieux décider

Pour les auteurs, la légèreté est «l’huile dans les rouages des affaires; elle facilite les interactions». Dans l’entreprise, où les divergences entre collaborateurs sont nombreuses (manière de penser, différences culturelles ou sociales…), elle transforme les tensions et la défiance en sentiments de sécurité et d’enjouement – dès lors bien sûr que l’humour en jeu transcende les différences culturelles. Pourquoi ne pas suivre l’exemple de Enterprise Rent-A-Car USA? Nina McVey, vice-présidente adjointe aux ressources humaines de la société de location de voitures, raconte: «Quand les choses deviennent vraiment pesantes, certains de mes collaborateurs exécutent une petite danse qui nous fait rire. Ça nous permet de décompresser, pour ensuite nous concentrer à nouveau.» Perte de temps? Non, répondent les auteurs qui observent que la légèreté née de ce type d’exercices renforce la rapidité et l’efficacité des processus de décision.

Courir en tricycle pour renforcer les liens

L’équation semble simple: créer ensemble une bonne raison de s’amuser permet de développer un sentiment d’appartenance qui se traduit par une meilleure productivité collective. C’est notamment la conclusion d’une étude réalisée en 1996 par la Penn State University, montrant que la meilleure performance individuelle et collective est le fait de gestionnaires sachant faire usage de l’humour. Julie Cookson, vice-présidente à la direction des ressources humaines de Scripps Networks (un réseau états-unien de chaînes de télévision sur le câble qui compte 1 400 salariés) témoigne «qu’injecter l’humour là où c’est approprié» est un excellent moyen de renforcer les liens entre gestionnaires et employés. D’ailleurs, chez Scripps Networks, l’humour n’est pas un vœu pieux, et les dirigeants n’hésitent pas à donner l’exemple: séances de karaoké, courses de tricycles et autres activités ludiques.

Rebondir aux 6 minutes

«Si vous avez l’intention de dire la vérité aux gens, vous avez intérêt à les faire rire, sans quoi ils vous tueront», disait George Bernard Shaw. «Ou bien, dans le meilleur des cas, ils vous ignoreront», ajoute Linda Kaplan Thaler, PDG et directrice des services de création de la prestigieuse agence de communication Kaplan Thaler Group. Car – c’est à retenir une bonne fois pour toutes – la majeure partie des présentations ou autres conférences ennuie profondément l’auditoire! En effet, l’attention d’un adulte ne dépasse pas six minutes, en moyenne. Pour cette raison, pendant vos discours, pensez dorénavant à prévoir des rebondissements à intervalles réguliers. Et pour démarrer sur les chapeaux de roues, Adrian Gostick et Scott Christopher recommandent d’oser l’histoire drôle. À condition qu’elle soit adaptée au contexte et au message à faire passer et, bien sûr, qu’elle prenne bien en compte la diversité culturelle en présence.

S’AMUSER POUR INNOVER

S’amuser pour innover, et, ah oui, accessoirement, faire du profit. «Nous avons toujours dit à nos employés “si vous ne vous amusez pas, venez nous le dire. Nous essayerons de faire quelque chose”.» Quelle entreprise peut bien se cacher derrière ces propos? Disney? Virgin? Toys“R”Us? Vous êtes loin du compte! Il s’agit de Boeing-SVS, une division de l’avionneur qui fournit notamment à l’armée de l’air américaine des systèmes de visée optique de haute technologie. Cela n’a rien d’étonnant si vous interrogez Lee Gutheinz, directeur du site de Boeing-SVS, convaincu que «le plaisir nourrit la créativité».

Augmentez le facteur plaisir

Bien que le revenu annuel de son entreprise soit supérieur à un milliard de dollars, Linda Kaplan Thaler la dirige comme une petite équipe sympathique qui écrirait des comédies de situation. Voilà un excellent moyen de surmonter l’une des entraves majeures à la créativité, c’est-à-dire la peur du ridicule. Les bonnes idées des uns, selon elle, naissent souvent des mauvaises idées des autres. Or, si les individus ne sont pas suffisamment en confiance pour s’exprimer, aucune idée ne peut émerger! David Vik, coach chez Zappos.com (société de ventes en ligne qui, en moins de 9 ans, a vu son chiffre d’affaires passer de 0 à 600 millions de dollars), en est convaincu: «Les employés ne sont pas au maximum de leur créativité quand leur patron fait de la microgestion ou si leur environnement est trop structuré. Les gens font un meilleur travail quand ils sont plus détendus.»

Recrutez des gens créatifs

Pour favoriser un environnement innovant, il n’y a pas de miracle: vous devez prendre soin de recruter des individus créatifs. Mais comment vous assurer que le candidat que vous avez en face de vous a la légèreté suffisante pour développer son potentiel créatif et celui de votre organisation? Posez-lui 8 questions; ses réponses vous en diront plus sur sa personnalité que la majeure partie des entretiens classiques.

1. Racontez une situation dans laquelle vous avez utilisé l’humour pour résoudre un conflit.

2. Avez-vous déjà fait preuve d’humour pour toucher un auditoire?

3. Si je demandais à votre ancien gestionnaire de me parler de vous, dirait-il que vous êtes quelqu’un de drôle? Pourquoi?

4. Expliquez comment vous voyez le plaisir au travail.

5. Quel est l’événement le plus amusant auquel vous avez participé au travail?

6. Si vous pouviez créer votre environnement de travail idéal, à quoi ressemblerait-il?

7. Votre gestionnaire vous demande de trouver une solution créative à un problème. Quelle est votre démarche?

8. Expliquez-moi comment vous insufflerez du plaisir et de l’énergie à notre entreprise.

Vous êtes parvenu à rendre votre environnement de travail plus léger? Bravo! Vivez-vous un même état de détente une fois rentré chez vous? Car la performance au travail suppose un équilibre réel entre vie professionnelle et vie privée. Craig Kerkove, vice-président directeur du conseil d’administration et directeur général d’une division d’Hitachi High Technologies, explique: «J’aime les défis professionnels que mon emploi me procure. J’ai du plaisir à travailler avec mes collègues. Mais quand le travail est fait, je suis impatient de rentrer à la maison et de passer du temps avec ma famille.» Avant tout, la légèreté est un état d’esprit.

 

Cette synthèse ne couvre que certains aspects de l’ouvrage The Levity Effect: Why it Pays to Lighten Up. Pour approfondir votre réflexion, PREMIUM et Business Digest en recommandent la lecture en entier.

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Fiche pratique

Créer un environnement de travail agréable

D’après The Levity Effect: Why it Pays to Lighten Up, d'Adrian Gostick et Scott Christopher (Wiley, mars 2008)

Comment savoir si votre entreprise souffre de sinistrose passagère ou si, au contraire, elle offre un climat de travail où règnent plaisir et légèreté au quotidien? Pour Adrian Gostick et Scott Christopher, certains signes s’avèrent d’excellents indicateurs, qu’il importe de prendre en compte, avant que la sinistrose ne s’installe pour de bon. Ce test vous aidera à évaluer où se situe votre entreprise sur l’échelle du plaisir au boulot.

Lisez les propositions suivantes et notez-lez de 1 à 5 les propositions (5 étant la note la plus élevée).

> Mon entreprise aide les nouvelles recrues à se sentir les bienvenues.

> Nos réunions se déroulent dans une ambiance positive et agréable.

> Nous organisons des activités plaisantes au moins une fois par mois.

> Il est fréquent d’entendre des gens rigoler autour de moi.

> Je peux être pleinement moi-même au travail.

> Nous organisons beaucoup de fêtes pour souligner des événements spéciaux.

> Les séances de brainstorming sont plutôt décontractées et agréables.

> Mon patron est habituellement optimiste et souriant.

> Selon nos clients, il est plutôt sympathique de faire affaire avec nous.

> J’ai un collègue au bureau qui me fait rire.

> Mes collègues et moi avons du plaisir à travailler ensemble.

Vos résultats:

> Plus de 40: Chanceux! Votre environnement de travail est parmi les meilleurs.

> De 30 à 40: Ce n’est pas acquis. Votre entreprise doit viser plus de légèreté pour augmenter l’engagement, la créativité et la loyauté de ses collaborateurs.

> Moins de 30: Votre cas est critique. Appelez des consultants spécialisés dans l’humour au travail!

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Témoignage

Victor Da Silva Angelo

Sourire au cœur de l’enfer

D’après une entrevue de VICTOR DA SILVA ANGELO, réalisée en juillet 2009, alors qu’il était Représentant spécial du Secrétaire général auprès de la Mission de l’ONU en République centrafricaine et au Tchad.

Cultiver l’humour et l’agrément au milieu des catastrophes humanitaires? Victor Da Silva Angelo, qui compte plus de 30 années d’expérience à l’ONU, jure qu’il n’y a pas mieux pour soutenir le moral de ses équipes et renforcer leur engagement.

Ayant occupé plusieurs postes à responsabilité au sein de bureaux et de programmes de l’ONU, Victor Angelo reste convaincu que la légèreté est essentielle pour motiver les individus. «[Dans les missions de maintien de la paix], nous évoluons souvent dans des environnements très exigeants et très stressants; les gens viennent de partout dans le monde et sont habitués à des conditions de travail très différentes. Ces facteurs peuvent être à l’origine de grandes frictions. Les dirigeants doivent donc être en mesure de les gérer et de faire en sorte que le personnel reste engagé. Or, la meilleure façon de motiver ce dernier est de s’assurer que l’environnement de travail est aussi détendu que possible et que les membres du personnel se considèrent comme des compagnons, et pas uniquement comme des collègues. Pour cela, il faut aller au-delà des consignes de travail classiques et tenter d’établir des liens entre les individus, ce qui peut se faire en organisant des activités de détente.»

Comment Victor Angelo a-t-il découvert les bienfaits de la légèreté au travail? «Quand j’étais au Programme des Nations Unies pour le développement, au début des années 1990, j’ai participé à plusieurs programmes de formation des cadres à court terme organisés par les universités Yale et Harvard. Durant ces cours, j’ai appris des techniques d’encadrement très utiles. Mais j’ai vite réalisé que face à des situations complexes, ces méthodes de motivation traditionnelles ne suffiraient pas. La seule façon de motiver les gens est de créer des liens entre eux.»

Du Zimbabwe au Tchad en passant par la Sierra Leone

Victor Angelo a commencé à recourir à la légèreté quand il est arrivé au Zimbabwe, en 2000. «Nous avions des difficultés à réunir les individus à cause du contexte politique compliqué. Nous avons donc organisé une série de week-ends pour améliorer la cohésion de l’équipe. L’objectif n’était pas seulement d’améliorer les conditions de travail mais de créer un esprit de mission», expliquait-il. Par la suite, Victor Angelo a été nommé Représentant exécutif du Bureau intégré de l’ONU en Sierra Leone et a fait de la légèreté et de l’humour un élément clé du quotidien. En plus des retraites de deux jours, il a organisé diverses activités pour rendre l’environnement de travail plus agréable et supprimer les barrières sociales entre les employés (notamment entre le personnel local et le personnel international).

«La discrimination vient naturellement. Si vous ne la combattez pas, elle peut détruire une organisation. Il est très important d’aider les gens [à prendre conscience de leurs éventuels préjugés] grâce à des histoires, en prenant garde d’éviter toute lecture ethnique ou religieuse.» En poste en République centrafricaine et au Tchad jusqu’à sa retraite en mars 2010, Victor Angelo soulignait que la complexité sans précédent de la situation pose de nouvelles difficultés en matière d’engagement du personnel.

Des barbecues qui font tomber les barrières

«Aujourd’hui, la situation est encore plus compliquée étant donné l’importance du personnel militaire dans notre travail. En tout, nous avons 300 policiers, 5 200 militaires et 1 800 civils. Les troupes sont stationnées dans différents camps et vivent côte à côte avec nos civils. Ce sont deux cultures de travail très différentes, d’où la difficulté est de créer des liens entre elles. Pour cela, nous organisons des barbecues après le travail, où militaires et civils peuvent se changer les idées et faire connaissance.

«Plus que jamais, ce genre d’activités est important; mais ce n’est pas toujours facile, car nous avons affaire à des gens dans des situations très difficiles. Néanmoins, plus l’environnement est dur, plus il est compétitif (si on parle d’une entreprise), plus il faut miser sur ce type d’activités.» Pour contribuer à réduire le stress, Victor Angelo a aussi organisé des «vols détente» vers des destinations locales (par exemple, à Entebbe, en Ouganda) environ une fois par mois.

Selon Victor Angelo, ces activités ont deux résultats immédiats: primo, elles renforcent l’esprit d’équipe et deuzio, le personnel comprend mieux le contexte de la mission et ses objectifs immédiats. «À la suite de ces activités, le personnel est beaucoup plus motivé et informé sur la mission du groupe. Et quand les individus sont motivés, ils peuvent être de très bons ambassadeurs, ce qui est essentiel pour augmenter les chances de succès d’une mission; quand ils vont quelque part, ils peuvent expliquer [à une tierce partie] ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et ils se sentent plus en confiance dans un environnement hostile.» En matière de bienfaits à long terme, la légèreté contribue, selon Victor Angelo, à diminuer la rotation des effectifs et à renforcer la productivité.

Si Victor Angelo est un ardent défenseur de la légèreté au travail, il soulignait que ce n’est pas toujours le moment de s’amuser. «À ce stade, il serait difficile d’organiser des activités de détente au quotidien. Nous sommes dans la phase de lancement d’une très grande opération et certaines personnes ont pris du retard sur l’échéancier. Il y a donc moins de temps pour des activités ludiques comme regarder la télévision ou des films. Notre principal souci est de nous assurer que nous avons un déploiement complet dans notre zone d’opération.» La clé de la légèreté est donc de savoir quand et où elle est appropriée, ce qui vaut aussi bien pour les missions internationales de maintien de la paix que pour les entreprises!

 

La Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad a été créée le 25 septembre 2007 par la résolution 1778 du Conseil de sécurité de l’ONU dans le cadre d’une opération multidimensionnelle destinée à restaurer les conditions de sécurité nécessaires au retour volontaire et durable des réfugiés et personnes déplacées par les conflits dans cette région. Le mandat de la Mission expirait le 15 mars 2010.

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Un numéro pour aller aux toilettes!

Des ateliers ou des retraites de deux jours entre civils et militaires sont organisés assez régulièrement. Conçus pour former le personnel sur des questions liées au maintien de la paix (par exemple la sécurité des réfugiés et l’aide humanitaire) et pour créer des liens entre eux, ils sont dirigés par des intervenants externes (généralement de Genève). Victor Angelo indiquait: «On a tendance à voir les choses à travers le prisme de son organisation. En apportant le point de vue de personnes extérieures, on élargit la perspective des gens, et en leur racontant ce qui se fait ailleurs, ils n’ont pas l’impression qu’ils doivent réinventer la roue.»

Selon Victor Angelo, «amener l’extérieur à l’intérieur» est aussi important pour les entreprises; quand le personnel est focalisé sur ce qui se passe au sein de l’organisation et ne regarde pas ce qui se passe dehors, il manque souvent des opportunités.

Lors d’un de ses ateliers, Victor Angelo a emmené une quarantaine de personnes dans un endroit très éloigné, à deux heures de la frontière avec le Soudan, situé près de deux camps de réfugiés (avec respectivement 20 000 et 32 000 réfugiés). «Les gens ont pris leur repas ensemble, puis sont allés voir les réfugiés, racontait-il. C’était un moyen de se rapprocher, une façon informelle de renforcer leur compréhension des défis auxquels ils sont censés faire face.» Pour s’assurer que tout le monde était à l’aise, Victor Angelo a encouragé les participants à s’exprimer dans leur langue maternelle, ce qui a donné lieu à toute sorte de malentendus linguistiques! «Vu la difficulté de la situation (nous n’avions même pas de vraies toilettes!), il fallait prendre les choses avec humour, comme donner un numéro pour aller aux toilettes.»

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Victor Da Silva Angelo a été nommé représentant spécial du Secrétaire général auprès de la Mission de l’ONU en République centrafricaine et au Tchad le 31 janvier 2008. Durant sa carrière de 31 ans aux Nations Unies, il a occupé plusieurs postes importants, dont celui de Représentant exécutif du Bureau intégré de l’ONU en Sierra Leone et celui de Coordonnateur résident du système des Nations Unies à Freetown de 2005 à 2007. Il est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Instituto Superior Economico e Social de l’université d’Evora, au Portugal, et a obtenu un doctorat en sociologie à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), en Belgique.

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Témoignage

Boston Pizza

«S’amuser est une priorité permanente»

D’après une interview réalisée en juillet 2009 avec Caroline Schein, vice-présidente aux ressources humaines, Boston Pizza International (Canada).

Chez Boston Pizza, il n’y a pas que la croûte qui soit légère. Des réunions aux séances de formation en passant par les présentations anti-PowerPoint, les cadres infusent de la légèreté partout. La bonne humeur porte fruit: avec ses 340 restaurants, Boston Pizza est numéro un des chaînes de restaurants décontractés au Canada et est membre du Club Platine 2009 des 50 sociétés les mieux gérées au pays.

Selon Caroline Schein, vice-présidente aux ressources humaines, le plaisir au travail ne signifie pas faire le clown au bureau. Il s’agit plutôt de créer un environnement de travail positif et de faire en sorte que les collaborateurs restent motivés. «De multiples facteurs contribuent à une performance élevée, notamment une bonne communication et un sentiment d’appartenance, soulignait-elle. La capacité de s’amuser est simplement un de ces facteurs.» S’amuser doit être une priorité permanente de l’entreprise, et non quelque chose de ponctuel —comme une fois l’an, au party de Noël de l’entreprise!

De la fantaisie tous azimuts

D’après Caroline Schein, la légèreté est arrivée chez Boston Pizza tout naturellement. «Le slogan de notre entreprise est “vous êtes entre amis”. Nous essayons de le vivre au quotidien: c’est un état d’esprit. Nous organisons donc toutes sortes d’activités, que ce soit avec tous les collaborateurs du groupe ou avec des groupes spécifiques. Par exemple, mon équipe a une mascotte qui s’appelle Marcel. Il assiste à nos réunions et nous accompagne même en vacances. Nous avons pris tellement de photos de lui dans le monde entier que nous lui avons créé une page Facebook. Nous pensons à lui créer une page Twitter pour que mon équipe le suive.» Quant aux activités légères organisées à l’échelle de l’entreprise, il s’agit par exemple d’un party de Noël et d’une activité estivale annuelle qui a lieu en plein air (comme du rafting ou un rallye de voitures). Boston Pizza a organisé une fois une soirée Casino James Bond, avec des cocktails qui portaient les noms des dirigeants.

L’entreprise essaie également de rendre les présentations plus vivantes. Ainsi, lors du colloque des franchisés de l’entreprise de 2007, plutôt que de présenter la stratégie de l’entreprise à l’aide d’un PowerPoint ennuyeux, l’équipe dirigeante a décidé d’adopter une approche plus créative. Le président, le vice-président directeur des services institutionnels et le vice-président au marketing ont organisé une parodie pour présenter le nouveau menu et le nouveau design des restaurants. Malgré – ou peut-être en raison de – leur manque d’expérience en jeu théâtral, le public a beaucoup ri et est resté totalement captivé. Pour la prochaine présentation de l’entreprise, qui doit se tenir à Montréal, Caroline Schein prévoit intégrer de la fantaisie «en s’inspirant de la culture locale, comme le Cirque du Soleil, la comédie et le Festival international de jazz».

Redonner à la communauté

Chez Boston Pizza, s’amuser ne signifie pas seulement rigoler. Cela signifie aussi donner de son temps à la communauté. «Pour ma dernière activité de consolidation d’équipe, j’ai emmené mon groupe dans une garderie située dans un quartier défavorisé, raconte Caroline Schein. Les gangs de rue avaient inscrit des symboles d’appel au meurtre sur les murs, et nous avons passé la fin de semaine à peindre par-dessus. Pour notre prochaine activité, qui a lieu ce mois-ci, nous irons dans un ranch pour jouer avec des enfants handicapés.»

Des comités des fêtes pour propager la légèreté

Toutes les activités de légèreté à l’échelle de l’entreprise sont organisées par des «groupes de plaisir», ou comités des fêtes. Les équipes sont généralement composées de six à huit employés issus de divers services et elles se consacrent à un événement précis. Les membres de ces groupes changent régulièrement pour qu’un maximum d’employés puisse y participer. Selon Caroline Schein, cette structure démocratisée permet à tous les employés d’avoir leur mot à dire dans la conception de l’événement. «En réunissant divers membres du personnel pour décider du programme, vous tenez compte du point de vue de chacun, ce qui est important, car tout le monde n’a pas la même notion du plaisir.»

Garantir une expérience mémorable

Pour s’assurer que tous les gestionnaires de restaurant (et les employés) savent ce que signifie s’amuser au travail, Boston Pizza propose des formations intensives dans toutes ses nouvelles franchises. «La formation, qui dure généralement un mois, est vraiment tournée vers le plaisir et vise à développer l’esprit d’équipe, soulignait Caroline Schein. Si l’équipe [du restaurant] ne s’amuse pas, la rentabilité et l’image de marque du groupe s’en ressentent: les clients viennent chez nous pour se détendre, être entre amis.»

Savoir s’amuser: un critère de recrutement payant

Détenir les bonnes compétences ne suffit pas pour être embauché chez Boston Pizza. Les candidats doivent prouver qu’ils peuvent s’amuser et, en fin de compte, accroître la performance de l’équipe. Caroline Schein expliquait: «La culture est tellement importante que nous passons beaucoup de temps à déterminer si le candidat conviendra à notre environnement de travail. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne recrutons que des clones. Notre principal objectif est d’embaucher pour combler les lacunes de l’équipe.» Afin d’évaluer le «facteur plaisir» des candidats, Caroline Schein leur demande, par exemple, de décrire leur milieu de travail idéal et un événement amusant auquel ils ont participé dans leur ancien emploi. La procédure de recrutement du groupe semble donner les résultats attendus: la rotation des effectifs est assez faible, et quand les collaborateurs quittent leur poste, c’est souvent en raison d’une promotion interne. «Nous aimons donner aux employés la possibilité d’occuper d’autres fonctions, indiquait Caroline Schein. C’est également vrai pour nos restaurants. Nous avons de nombreux exemples d’employés qui ont commencé comme cuisiniers ou serveurs et qui sont maintenant copropriétaires ou propriétaires d’une franchise.»

Conseil aux dirigeants: faites participer votre équipe

«Si un dirigeant souhaite apporter la notion de plaisir au travail, la plus grande erreur qu’il puisse commettre est de dicter aux collaborateurs comment s’amuser, concluait Caroline Schein. Toute l’équipe doit soumettre des idées. Ainsi, la solution retenue appartient à tous, ce qui fonctionne beaucoup mieux à long terme que de simplement imposer son programme.» Et cela vaut pour toutes les activités de l’entreprise, des programmes de changement aux virages stratégiques.

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Cette synthèse du livre The Levity Effect: Why it Pays to Lighten Up a été préparée par Business Digest, une firme qui aide les gestionnaires et les dirigeants à mieux comprendre leur environnement d'affaires et son évolution. Pour plus d’info: http://www.business-digest.fr.

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Caroline Schein est vice-présidente aux ressources humaines de Boston Pizza International. Elle a auparavant été directrice du programme d’apprentissage en milieu de travail chez Best Buy Canada. Elle est titulaire d’un MBA en leadership de la Royal Roads University, à Victoria, en Colombie-Britannique, et rédige présentement une thèse sur les systèmes humains et organisationnels à la Fielding Graduate University, à Santa Barbara, en Californie.

 

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