Halte à la zizanie !

Publié le 29/11/2010 à 15:32, mis à jour le 29/11/2010 à 15:41

Halte à la zizanie !

Publié le 29/11/2010 à 15:32, mis à jour le 29/11/2010 à 15:41

Par Premium

Rumeurs, reproches, flatterie… La liste des manœuvres nuisibles en entreprise est longue. Aucune organisation, si transparente soit-elle, n’est totalement à l’abri de ces jeux dangereux, encore moins dans les périodes d’ambiguïté et d’incertitude, par exemple au moment d’une fusion ou d’un changement de direction. Pour s’en prémunir, il convient de mettre en lumière leurs effets néfastes et de colmater les failles dans la culture de l’entreprise.

Games at Work: How to Recognize & Reduce Office Politics, Mauricio Goldstein et Philip Read, Jossey-Bass, avril 2009.

Les bruits de couloir, rumeurs et autres opérations de dissimulation représentent une perte de temps et d’énergie pour l’entreprise. Le hic, c’est qu’aucune organisation n’est épargnée par ce phénomène.

Mauricio Goldstein et Philip Read considèrent dans Games at Work qu’il faut combattre les effets nocifs de ces jeux dangereux en repérant ceux qui en sont à l’origine et en contrecarrant leurs plans. L’important est ensuite de changer la culture de l’entreprise en faisant preuve de davantage de transparence. Les manipulateurs, en effet, détestent la pleine lumière.

Les manigances sont vieilles comme le monde. Il est humain de recourir à divers procédés plus ou moins corrects, de manière consciente ou non, pour servir ses propres intérêts (obtenir une promotion, échapper à ses responsabilités, etc.). On a parfois des circonstances atténuantes : plus on souffre de stress ou d’anxiété, plus on est tenté d’agir de la sorte, surtout si l’on travaille dans une organisation fortement hiérarchisée, où le calcul et la stratégie comptent beaucoup dans tout avancement.###

Nombre d’ouvrages de gestion incitent de nos jours à « manœuvrer » pour tirer son épingle du jeu sur le plan professionnel. Mauricio Goldstein et Philip Read prennent pour leur part le contre-pied de cette tendance en insistant sur la nécessité de se libérer de cet état d’esprit pernicieux : non seulement les combines peuvent nuire à ceux qui y recourent, mais elles sont également nocives pour l’ensemble de l’organisation et constituent, en fait, un très mauvais investissement en temps et en énergie.

Une forte tentation

La rivalité n’a rien, en elle-même, de mauvais : les joueurs d’échecs sont des rivaux, les équipes de soccer sont des rivales… Mais, en entreprise, le problème est que les règles du jeu n’ont rien de clair. Quand par exemple deux employés sont en lice pour le même poste, la tentation du gain personnel peut amener l’un d’eux à « tricher » en s’attribuant un succès dû à d’autres ou en embellissant son CV, ou, pire encore, à mettre la pagaille en répandant de rumeurs mensongères sur l’autre.

Comme chacun de nous est susceptible, un jour ou l’autre, d’user de telles méthodes, il est complexe pour les gestionnaires de détecter à temps les manœuvres sournoises qui nuiront à l’entreprise : on peut imaginer que le candidat perdant, victime des machinations de son rival, risque de partir, dégoûté, et même de rejoindre la concurrence. Il est toutefois possible de parvenir à contrer ce type d’agissements. Pour commencer, il faut savoir en quoi consiste une manœuvre nuisible. C’est :

-une manipulation néfaste (l’utilisation de comportements malhonnêtes pour atteindre ses objectifs) ;

-des conséquences paradoxales (à court terme un gain pour celui qui manœuvre, à long terme des pertes pour l’entreprise) ;

-une accoutumance (l’art de la manœuvre infiltrant progressivement les normes organisationnelles et devenant au fil du temps un réflexe comportemental) ;

-une contagion (une division ou un service affecté annonçant la contamination de toute l’entreprise).

La manœuvre nuisible a le potentiel de toucher trois dimensions de l’entreprise :

-les relations interpersonnelles ;

-le leadership ;

-le budget.

Notons que les chevauchements entre catégories sont possibles : ainsi, un employé peut utiliser son statut de leader pour manigancer au niveau budgétaire.

Des effets dévastateurs

Les manœuvres nuisibles « compromettent spectaculairement l’efficacité de n’importe quel groupe » en créant un climat de méfiance et de suspicion où plus personne n’ose poser de question par peur de révéler une faiblesse et où un vrai dialogue constructif a peu de chances de voir le jour. Un tel climat pousse à donner au groupe un ordre de priorités contreproductif, à focaliser son attention sur les manœuvres internes plutôt que sur des impératifs réels (le marché, le client et la concurrence), ou encore à détourner son énergie des vraies missions à accomplir.

À cela s’ajoute le fait que l’innovation risque d’être enrayée au sein du groupe, l’initiative et la prise de risques étant davantage pénalisées que récompensées. La zizanie, si elle se développe, peut même déclencher une résistance viscérale au changement chez les personnes atteintes, au point de modifier leurs comportements habituels et de perturber l’efficacité globale de l’organisation.

Les facteurs qui font d’un milieu de travail un terrain favorable aux manœuvres nuisibles sont multiples. Les gestionnaires doivent en être conscients et être capables d’en détecter les symptômes tant au niveau individuel que collectif. Parmi ces facteurs, soulignons :

-Une pression importante sur les résultats à court terme. L’exigence de résultats sans cesse meilleurs accroît la tentation de dissimuler une performance moyenne, voire insuffisante.

-La technologie. Comme le rappellent les auteurs, « la communication électronique est un terrain propice » à la zizanie, surtout quand la méfiance règne. De fait, il est plus facile d’exprimer par courriel ce que personne n’oserait dire de vive voix.

-L’ambiance de travail. Quand le fossé se creuse de plus en plus entre le gestionnaire et son équipe, la tendance à manœuvrer peut alors répondre au besoin de satisfaire un sentiment d’appartenance.

-Le mauvais exemple. Un nombre grandissant de PDG sont poursuivis en justice, si bien que les employés sont de plus en plus incités à être méfiants envers le leur, et parfois même à avoir des pensées du genre « Si lui peut se le permettre, pourquoi pas moi ? ».

Les yeux fermés

Pourquoi ferme-t-on souvent les yeux sur les basses manœuvres ? C’est que certaines d’entre elles peuvent sembler inhérentes à l’existence du groupe et tomber dans l’inévitable catégorie des « intrigues de bureau ». D’autres encore sont perçues comme de légitimes techniques de gestion et de motivation — un chef d’équipe peut ainsi entretenir un flou intentionnel sur la distribution des rôles en pensant créer l’émulation.

En conséquence, nous sommes tous de potentiels semeurs de zizanie, parfois à notre insu. Il importe donc de modifier notre propre approche du phénomène. Mauricio Goldstein et Philip Read proposent pour cela un processus en trois étapes, baptisé ACE (Awakening, Choice, Execution ; ou l’éveil, le choix et la mise en pratique) : d’abord définir les manœuvres que nous employons et leur influence (Awakening), puis prendre la décision de modifier son approche (Choice) et enfin tester et mettre en pratique de nouveaux comportements (Execution).

Les étapes semblent évidentes sur papier, mais la réalité est plus complexe et les obstacles sont non négligeables. En premier lieu, les manœuvres deviennent au fil du temps des réflexes collectifs, et ce conditionnement les rend difficiles à détecter. Ensuite, y renoncer signifie abandonner les gains personnels que l’on visait. Enfin, adopter de nouveaux comportements consiste parfois à aller à contre-courant des normes du groupe, ce qui exige une bonne dose de courage.

Appliquer ce processus requiert de la part des leaders une vraie compréhension du terrain sur lequel se développe la zizanie ainsi que la volonté réelle de modifier la culture de l’entreprise.

Notre partenaire

Cette synthèse du livre Games at Work : How to Recognize & Reduce Office Politics a été préparée par Business Digest, une firme qui aide les gestionnaires et les dirigeants à mieux comprendre leur environnement d’affaires et son évolution. Pour plus d’info : www.business-digest.fr.

À la une

Bourse: les gains du S&P 500 en 2024 restent fragiles

BALADO. Plus de la moitié du gain du S&P 500 lors des quatre premiers mois de 2024 est attribuable à... Nvidia.

Les leaders de l'équité de genre sont encore peu nombreux

Mis à jour il y a 32 minutes | Catherine Charron

RHÉVEIL-MATIN. Deloitte appelle les entreprises à en faire plus en matière d'équité des genres.

Bourse: ce qui bouge sur les marchés avant l'ouverture vendredi 3 mai

Mis à jour il y a 42 minutes | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. Les indices tentent de repartir de l'avant en attendant l'emploi américain.