La question
Je suis amoureux de mon employé ou de mon patron ; comment dois-je me comporter ?
La réponse de notre experte, Janie Duval, CRHA, Témiscouata-sur-le-lac.
" Cette question est très délicate, parce qu'elle mélange pouvoir et sentiments. Un cocktail explosif, s'il est mal géré. Cela dit, on ne peut pas empêcher un coeur d'aimer... même au travail !
Parlons d'abord du cas d'un cadre amoureux d'un subalterne (nous utiliserons le masculin pour simplifier). Le cadre doit être bien conscient du risque de harcèlement, s'il insiste. La première chose à faire pour lui est d'en discuter avec un supérieur ou une personne du service des ressources humaines (RH), si un tel service existe. Comme on le verra plus loin, cette tierce personne constituera une " assurance " au cas où les choses se gâteraient.
Le cadre peut toujours décider de garder ses sentiments pour lui, mais cela peut créer un autre problème, comme de la frustration. Ce n'est pas nécessairement la meilleure solution. Supposons que le cadre déclare son amour à son employé et que ses sentiments ne soient pas partagés. L'employé pourrait craindre que son refus lui vaille des représailles : se voir confier des tâches ennuyeuses, se faire refuser une promotion, etc. C'est là que la personne du service des RH ou le patron du cadre est important ; il doit se porter garant auprès du subalterne que son refus n'entraînera aucun effet négatif.
Supposons maintenant que l'amour soit partagé. Dans les grandes entreprises, il peut être possible de muter le cadre ou l'employé dans un autre service pour éviter les conflits d'intérêt. Mais c'est rarement envisageable dans une PME. Dans une telle situation, le problème, c'est les autres employés. Il est très difficile en effet de les convaincre qu'ils ne seront pas victimes d'iniquité ou d'injustice, que le subalterne amoureux ne jouira pas de privilèges. Même s'il est un employé très brillant, il y aura des soupçons de favoritisme s'il reçoit une promotion en étant l'amoureux de son patron. Mieux vaut avoir des règles écrites sur l'octroi des promotions. Évidemment, le couple doit éviter les familiarités au bureau.
Certaines situations peuvent être particulièrement difficiles à gérer. Imaginons un directeur d'usine entretenant une relation amoureuse avec la directrice des ressources humaines. Il est certain que les employés de l'usine n'iront pas se confier à elle. Dans un tel cas, l'un des deux devra quitter l'entreprise.
L'autre cas de figure
Prenons maintenant le cas d'un employé amoureux de son supérieur. En principe, la situation est moins problématique, parce que le pouvoir et l'amour ne sont pas dirigés vers la même personne. Si le patron ne partage pas les mêmes sentiments, il ne peut être vexé. Il n'aura aucune raison de prendre des mesures contre son employé.
Dans ce cas aussi, cependant, l'employé devrait confier à une collègue de travail de confiance son idylle avec le cadre. Il s'agit d'une protection au cas où la relation serait un jour rompue et où le patron congédierait la personne subalterne pour se venger. Si aucun collègue n'avait connaissance de la relation, l'employé congédié aurait peu de recours.
Les patrons qui nouent une relation amoureuse avec un membre de leur équipe doivent par ailleurs être conscients du risque. On a déjà vu des secrétaires larguées par leur amoureux de patron se venger en portant la cause devant un tribunal sous prétexte qu'elles avaient accepté sa proposition parce qu'elles avaient peur de perdre leur emploi en refusant. Les patrons, même s'ils croyaient vraiment que leur employée était consentante, ont rarement eu le beau rôle devant le tribunal en pareille situation.
Ici encore, si, au début de la relation, une personne en position d'autorité fait clairement savoir à l'employé qu'il peut refuser ses avances en toute liberté, ce dernier aura une prise de moins contre elle si la relation tourne mal. "
Propos recueillis par Dominique Froment
