Faire rayonner Bell au-delà des frontières

Publié le 04/03/2010 à 18:46

Faire rayonner Bell au-delà des frontières

Publié le 04/03/2010 à 18:46

Par lesaffaires.com

C'est sous la présidence de Jean de Grandpré que Bell est devenu le holding BCE.


Voici le second article d'une série de cinq qui va vous présenter des hommes et des femmes au vécu entrepreneurial exceptionnel. Leurs histoires, et surtout leur leadership, ont façonné et continuent d'influencer le Québec. Cette semaine, entrevue avec Jean de Grandpré.

PLUS:

PLUS : ENTREVUE PRÉCÉDENTE DE NOTRE SÉRIE:

L.A. - Au moment où vous avez pris le gouvernail, comment vous êtes-vous affirmé ? Quelles qualités aviez-vous pour être en mesure de diriger la plus grande société du Canada ?

J.d.G. -  Vous ne me posez pas une question facile... Je pense qu'il faut avoir un petit peu d'audace et le désir de réussir. En même temps, nous devons avoir la capacité de communiquer. Faire entendre et comprendre aux autres ce que vous voulez faire. Et il faut garder une humilité constante. Je vais peut-être vous surprendre en disant que l'humilité est très importante. Il ne faut pas se prendre pour un autre.

L.A. - Même au sommet ?

J.d.G. - Surtout au sommet ! C'est facile de se prendre pour un autre quand vous êtes plus bas dans la hiérarchie, mais quand vous êtes au sommet, il ne faut pas se prendre pour un autre.

L.A. - Il doit y avoir toutes sortes de façons de diriger une entreprise comme Bell, mais qu'est-on allé chercher chez vous ?

J.d.G. - Tout a commencé avec Bob Scrivener et moi, autour des Pages Jaunes. Nous nous en occupions à peine, mais c'était une affaire importante. J'ai compris que nous étions dans la téléphonie et dans la production des Pages Jaunes, mais nous n'en faisions pas l'impression. Cela nous a convaincu de nous lancer dans ce créneau. Par la suite, nous avons acheté Federated Express et nous sommes devenus une des grandes entreprises d'impression du Canada, qui a plus tard été vendue à Pierre Péladeau.
C'est à ce moment-là que j'ai décidé de faire de Bell une entreprise internationale, en disant aux gens : " Nous avons tellement la réputation d'être une excellente entreprise de télécommunications, tentons de répandre nos connaissances partout dans le monde. " C'est ce qui nous a amenés en Arabie Saoudite, où nous avons obtenu un contrat extraordinaire.

L.A. - Mais c'est d'abord en convainquant les gens autour de vous que vous avez fait valoir et imposé votre stratégie.

J.d.G. - Oui. En parlant beaucoup, en mettant un peu la carotte, si vous voulez. Et en créant une atmosphère telle que les gens y trouvaient leur avantage, y voyaient une façon de répandre leurs connaissances. C'est pourquoi il faut être un bon communicateur. Il faut être prêt, non seulement à communiquer, mais à communiquer d'une façon attrayante.

L.A. - Lorsqu'on se trouve à la croisée des chemins, il y a parfois des décisions qui peuvent aller dans un sens ou dans l'autre. Est-ce qu'il est difficile de trancher à ce moment-là ?

J.d.G. - La pire décision, c'est la décision qu'on n'a pas prise. Si la décision est prise, vous devez continuer dans le même sens. Si la décision est mauvaise, vous faites marche arrière, et vous la corrigez, ou vous l'abandonnez.
Par contre, si vous ne prenez pas de décision, rien ne se passe, tout est mis de côté, les gens font du surplace, et vous n'arrivez à rien.

L'honnêteté, une valeur fondamentale

L.A. - Aviez-vous des modèles, des gens qui vous inspiraient ?

J.d.G. - Mon père. Mon père était dans l'assurance. Il a été président de Canadian Underwriter Insurance. Il a été président de Dominion Board Insurance, pendant deux ans ou peut-être davantage parce que c'était pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il a été admiré par tous les gens qui étaient dans l'assurance à ce moment-là. C'était un travailleur infatigable, un homme d'une honnêteté à toute épreuve et d'une grande humilité. Alors, quand je me regarde, je vois le reflet de mon père... J'ai essayé d'être l'image de mon père.

L.A. - Y a-t-il des gens qui vous impressionnent aujourd'hui ?

J.d.G. - Paul Desmarais fait partie de cette catégorie. Il a été capable d'internationaliser sa société de la même façon que je l'ai fait pour Bell. Il y a beaucoup de gestionnaires aujourd'hui qui ont des contrats à l'étranger, mais je ne vois pas beaucoup de gestionnaires qui ont de l'influence à l'étranger. Jacques Lamarre est quelqu'un que j'admire beaucoup. Parce que lui aussi s'est étendu avec SNC-Lavalin. Mais c'est difficile d'en trouver.

L.A. - Vous nous avez dit qu'il fallait avoir de l'audace, savoir communiquer, s'en remettre à son équipe, est-ce que vous avez vu ce genre de qualités évoluer et se transmettre ?

J.d.G. - Est-ce que les communications constantes n'ont pas changé un peu la relation des individus ? Je pense que l'esprit de loyauté envers l'entreprise et l'esprit de l'entreprise loyale envers ses employés a beaucoup souffert. Les gens ne vivent pas sous le même toit, ils communiquent par Internet ou par des entretiens transmis par caméra et sur l'écran. Ce n'est pas la même chose qu'un entretien face à face. Les gens s'envoient des courriels au lieu de se parler. Les courriels sont un peu secs; on donne l'essentiel sans les rondeurs de la conversation. Et souvent, les rondeurs dans la conversation, c'est ce qui empêche la confrontation. Évidemment, je suis d'une vieille génération, mais je crois encore qu'il est préférable de se parler, et de se parler comme on se parlait auparavant.

L.A. - De façon générale, comment voyez-vous l'importance du leadership, en économie, en politique ou autrement ? De gens capables de prendre les devants en disant, suivez-moi.

J.d.G. - Dans le domaine politique, c'est actuellement le désert, à mon avis. Nous n'avons pas de grands leaders politiques au Canada, nous en cherchons à plusieurs endroits. Nous pensons en avoir trouvé un aux États-Unis [Barack Obama]... Nous voyons ce qui se passe en Italie, et c'est également difficile en Angleterre.
Je me demande si la critique constante à l'égard des gens qui pourraient devenir des leaders n'est pas un frein au recrutement. Si nous cherchons toujours les bibittes aussitôt que nous voyons quelqu'un poindre, c'est décourageant pour celui qui veut se lancer.

Sans leaders, point de salut

L.A. -  Il manque de leaders... et pourtant il en faut, des nouveaux leaders !

J.d.G. - Il en faut toujours ! Quand vous n'en avez pas, vous risquez la décadence. Sommes-nous en période de décadence parce que nous manquons de leaders ? C'est possible. Les empires qui s'autodétruisent, nous les avons tous vus : les Grecs, les Romains, les Espagnols, les Portugais, les Français, les Anglais, et nous voyons que les États-Unis ont beaucoup de misère à l'heure actuelle. Est-ce que c'est le moment de l'Inde, la Chine ou du Brésil ? Je l'ignore. Mais ce que nous constatons, c'est que la période de domination de l'empire devient de plus en plus courte. Et quand nous regardons ce qui se passe aujourd'hui dans les milieux financiers et des affaires, il y a un manque d'honnêteté, un manque de transparence. Nous pensons que nous pouvons tout cacher, que personne ne saura absolument rien de notre passé, mais ce n'est pas vrai, surtout avec les communications modernes. Je pense que ce qui manque le plus aujourd'hui, c'est de l'honnêteté. Ce n'est pas en faisant de nouvelles lois, en créant nouveaux contrôles, ce n'est pas comme cela que nous remettrons les entreprises sur les rails. C'est en ayant des administrateurs et des gestionnaires honnêtes qui sont prêts à défendre l'intérêt de leur entreprise, l'intérêt de leurs employés, l'intérêt de leurs actionnaires. Comme disent les Anglais, all the stakeholders. Pas seulement un petit groupe, pas seulement les gens qui vont recevoir d'immenses bonis à la fin de l'année, pas seulement ceux qui seront capables de siéger à un conseil d'administration fort payant. Faire sauter la valeur du titre pour pouvoir récolter ses options, ce n'est pas cela.

L.A. - Il doit y en avoir des gens, dans ce milieu, qui ont des sentiments, des valeurs, des convictions ?

J.d.G. - Il y en a sûrement. Ils perceront peut-être, mais ils ne percent pas vite.

L.A. - Lorsqu'on parlera de vous plus tard, qu'on rappellera ce que vous avez accompli par rapport à vos valeurs personnelles, que souhaiteriez-vous qu'on dise ?

J.d.G. - " C'était un honnête homme ". Dans toute l'acceptation du terme.

L.A. - Et pour être un dirigeant d'exception, aujourd'hui, quelles qualités faudrait-il réunir ?

J.d.G. - La même chose. L'honnêteté, la vision, le travail, la loyauté, toutes ces valeurs qui ont une importance primordiale dans la réussite, non seulement de l'entreprise, mais de l'individu lui-même. C'est encore cela, et c'est seulement cela.

À la une

Wall Street indécise, termine proche de l'équilibre

Mis à jour à 17:01 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de Toronto a terminé dans le vert.

Bourse: les gagnants et les perdants du 7 mai

Mis à jour à 17:59 | LesAffaires.com et La Presse Canadienne

Voici les titres d'entreprises qui ont le plus marqué l'indice S&P/TSX aujourd'hui.

À surveiller: Canadian Tire, 5N Plus et TC Énergie

Que faire avec les titres de Canadian Tire, 5N Plus et TC Énergie? Voici des recommandations d'analystes.