L'homme qui a changé Bell

Publié le 04/03/2010 à 18:03

L'homme qui a changé Bell

Publié le 04/03/2010 à 18:03

Par lesaffaires.com

C'est sous la présidence de Jean de Grandpré que Bell est devenu le holding BCE.


Voici le second article d'une série de cinq qui va vous présenter des hommes et des femmes au vécu entrepreneurial exceptionnel. Leurs histoires, et surtout leur leadership, ont façonné et continuent d'influencer le Québec. Cette semaine, entrevue avec Jean de Grandpré. 

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En 1999, pour souligner ses 100 ans, la revue Commerce avait publié un numéro spécial sur les Bâtisseurs du siècle au Québec. Grand architecte de la transformation de Bell en BCE, Jean de Grandpré était naturellement du nombre. Il avait fait la une du magazine en novembre 1974. C'était l'époque des grandes ambitions et des grandes filiales, quand Nortel était encore un leader mondial respecté, quand l'emprise de TransCanada Pipelines au pays pouvait être mis à contribution pour l'enfouisssement de la fibre optique, et quand les imprimeries de Bell étaient parmi les plus importantes au pays.

Depuis, BCE a bien changé, Internet et la concurrence ont bouleversé le paysage des télécommunications canadiennes, mais Jean de Grandpré, lui, demeure fidèle à sa vision d'une grande entreprise internationale. À travers son histoire et ses convictions, c'est près d'un demi-siècle d'engagement dans le monde des affaires qui transparaît. C'était au temps où les gens se parlaient " face à face ", comme il le dit, et où une poignée de mains servait de contrat. C'était au temps des grands bâtisseurs de sa trempe.
L'essentielle honnêteté du leader

Les Affaires - Quand vous regardez aujourd'hui la façon dont on dirige les entreprises, par rapport à ce qui se passait quand vous étiez chez BCE, voyez-vous des changements dans la manière de diriger ?

Jean de Grandpré - Oui, il y a certainement une façon différente de diriger. Parce que les circonstances sont différentes, le milieu est différent, le contrôle réglementaire est différent, alors cela crée ce que j'appelle " une camisole de force ". Ce qui manque, dans certains cas, c'est la vision. Nous ne pouvons pas devenir un leader sans avoir de vision. Il faut être capable de voir quelque chose que les autres, peut-être, n'ont pas vu, et d'avoir l'entêtement de le faire. Nous y parvenions avec du travail, et surtout, en nous entourant de gens compétents, des gens en qui nous avons confiance, des gens qui ne sont pas des yes man. Je pense que de telles personnes peuvent détruire le leadership.

L.A. - À quel égard ?

J.d.G. - Le leader n'a pas la connaissance absolue. Il peut avoir des failles dans sa vision, et s'il a des failles, il faut que les gens autour de lui, qui sont loyaux, lui disent que, peut-être, " on devrait procéder autrement ". Et je pense que le leader doit avoir l'oreille ouverte et être à l'écoute pour dire : " Il est possible que vous ayez raison, nous allons nous reprendre et nous travaillerons ensemble pour trouver une meilleure solution ".

L.A. - Vous ouvrez une porte très intéressante. Les leaders sont souvent des gens qui en imposent beaucoup. Arriver et dire " Monsieur, madame, ce n'est peut-être pas tout à fait cela " demande un certain courage, il faut des gens qui aient l'audace de passer le commentaire...

J.d.G. - Cela dépend aussi du caractère de l'individu. J'ai toujours eu ce que j'appelle " la porte ouverte ". Tout le monde pouvait entrer dans mon bureau, à peu près n'importe quand. J'ai toujours pris directement mes appels, ce qui a surpris beaucoup de gens. Je le faisais pour plusieurs raisons. D'abord, c'était relativement facile de retenir les numéros de téléphone des appels que j'effectuais régulièrement. De plus, au lieu de demander à la secrétaire de placer l'appel, de me faire dire que la personne n'était pas là et qu'il fallait remettre cela, je préférais le faire moi-même. Je fonctionne encore comme cela aujourd'hui.
Il y a des individus qui sont incapables de supporter la contradiction, d'autres qui sont capables de l'accepter, et je pense que les meilleurs leaders sont ceux qui sont capables de l'accepter.

PLUS: EXTRAITS DE NOTRE ENTREVUE VIDÉO 

Leader dès sa jeunesse

L.A. - Faisons un voyage dans le temps et retournons au début de vos études. Comment vous êtes-vous distingué à ce moment-là ?

J.d.G. - J'arrivais de Brébeuf. J'avais toujours été dans un milieu francophone, mais je parlais un anglais plus qu'acceptable, et je suis entré à l'Université McGill. Dès la première année, on m'a demandé d'être le président de la classe. Pourquoi ? Je ne le sais pas. Je pouvais toujours expliquer qu'on m'avait considéré à Brébeuf, j'avais participé à des débats contre Pierre Elliott Trudeau, entre autres, j'avais joué dans des pièces de collège, justement avec Trudeau, puis ils m'ont élu président, avec Trudeau comme vice-président. Cela se comprenait. Nous avions vécu ensemble. Mais d'arriver à McGill et être nommé président de la classe, cela m'a surpris.
Par la suite, en deuxième année, on m'a désigné président de la Faculté, puis délégué de la Faculté au Conseil général des étudiants.

L.A. - Faisons un bond dans le temps. Vous vous retrouvez à la tête de ce qui est une société mythique, dominante : Bell Canada. Il y a toutes sortes de façons de diriger une entreprise comme Bell, mais qu'est-on allé chercher chez vous ?

J.d.G. - Il faut reculer un peu dans le temps pour comprendre ce qui s'est passé. L'avocat qui s'occupait des affaires de Bell, John O'Brien, sortait de l'hôpital juste au moment où Bell était impliqué dans une enquête au sujet de la légalité de ses bénéfices. La Commission canadienne des transports avait commencé l'enquête, et M. O'Brien n'avait pas la force physique d'entreprendre cela seul. Il a demandé de l'aide et m'a approché. J'ai accepté et nous avons réussi à faire accepter les bénéfices de Bell. J'ai été très actif, et c'est à ce moment-là qu'on m'a offert d'entrer dans l'entreprise. Et j'ai refusé, la première fois... Je voulais poursuivre une pratique du droit très variée au lieu de me retrouver dans une entreprise; mais si je pouvais avoir accès à la gestion de l'entreprise, je considérerais l'offre. La réponse a d'abord été négative. " On ne peut pas vous garantir qu'il y aura des ouvertures dans la gestion ", m'a-t-on répondu. Un an plus tard, on m'a dit qu'il y aurait des ouvertures et que je serais considéré. J'ai accepté. On m'a demandé si je voulais un contrat, mais je n'en voulais pas. Peut-être que je n'aimerais pas cela, peut-être qu'eux n'allaient pas m'aimer ? Et je n'ai jamais eu de contrat chez Bell, de 1966 à 1989.

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