Élargir son champ de vision

Publié le 29/06/2010 à 09:15

Élargir son champ de vision

Publié le 29/06/2010 à 09:15

Par Premium

Gérer une équipe ou une entreprise exige que l’on soit attentif aux menus détails comme aux stratégies globales. D’où l’importance de savoir adapter sa façon de regarder le monde autour de soi. Démonstration.

Charles et Ray Eames, deux des designers les plus influents du xxe siècle, sont réputés pour le caractère intemporel des meubles qu’ils ont dessinés il y a plus de 50 ans. Ce que l’on sait moins d’eux, c’est qu’ils ont appris à de hauts dirigeants d’entreprise à renouveler leur façon de voir le monde, et en particulier leurs affaires.

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Ce tandem a réalisé une soixantaine de films et de diaporamas destinés à des clients comme IBM, Boeing, Polaroid et Westinghouse en utilisant la communication visuelle pour exprimer des idées complexes. Selon Charles Eames, le but était d’inciter le spectateur à jeter un regard plus aiguisé sur son environnement. À ce titre, les deux designers se sont révélés d’inestimables sources d’inspiration, amenant des dirigeants à retirer leurs œillères, à penser autrement et à flairer de nouvelles occasions d’affaires. Dans le court métrage Powers of Ten (1977), Charles et Ray Eames explorent la taille relative des choses. En neuf minutes, ils nous font passer d’un gros plan de la main d’un pique-niqueur à un plan montrant la Terre entière à partir de l’espace, pour ensuite revenir à la main. On s’aperçoit alors que notre perception du monde dépend du point de vue que l’on adopte, selon que l’on regarde les choses de près ou de loin. Le message, c’est que cette technique cinématographique du zoom avant et arrière s’applique aussi à la gestion d’entreprise, tout comme les sept techniques suivantes, qui permettent de devenir de meilleurs dirigeants et entrepreneurs.

1. Scrutez votre vie personnelle. Nombre d’entreprises ont vu le jour grâce à une inspiration subite de leur fondateur. Ainsi, Gary Erikson, un amateur de cyclisme, a eu une révélation au cours d’une randonnée de 175 kilomètres en vélo. Affamé par tant d’efforts, il a pris une bouchée d’une barre énergétique, qu’il a boudée, car elle n’avait aucun goût. En rentrant de sa randonnée, il a pris d’assaut la cuisine de sa mère, fermement résolu à concocter une barre énergétique plus savoureuse. C’est ainsi qu’est née la Clif Bar.

Rebecca Matthias, quant à elle, était enceinte et désespérait de dénicher des tenues assez élégantes pour son milieu de travail. C’est alors qu’elle a fondé Destination Motherhood, qui confectionne des vêtements pour femmes enceintes. De son côté, Sam Farber, le fondateur d’OXO, une entreprise spécialisée dans les accessoires de cuisine ergonomiques, s’est lancé en affaires après avoir remarqué que sa femme, qui souffrait d’arthrite, peinait à éplucher des pommes de terre.

On peut trouver l’inspiration non seulement dans sa vie quotidienne, mais aussi au travail. Un exemple éloquent : Trish May, chef de produit chez Microsoft, déplorait tellement la banalité des présentations visuelles lors des réunions qu’elle a réclamé que soit conçu un logiciel à cette fin. Sa demande a entraîné la création de PowerPoint.

Pas de doute, vous avez tout intérêt à scruter votre vie personnelle. Aussi, attardez-vous un peu plus à réfléchir à ce qui vous dérange ou vous surprend, et voyez les nouvelles idées qui émergeront. Prêtez-vous tout d’abord à cet exercice, puis incitez vos collègues à en faire autant. Faites en sorte que ce genre d’analyse devienne une pratique courante en prenant soin de noter ce qui en résultera.

2. Regardez les choses avec les yeux d’un autre. Chez General Electric (GE), le service des plastiques a longtemps assuré sa croissance en distribuant des produits existants dans de nouveaux segments du marché ou dans de nouvelles régions géographiques. Cependant, en 2005, les possibilités d’expansion se sont amenuisées considérablement. L’une d’elles semblait néanmoins prometteuse : elle consistait à se lancer dans la production de fibres de plastique destinées à l’industrie du vêtement (matériaux ignifugeants, pare-balles, etc.). Le hic, c’est qu’un concurrent sérieux occupait déjà le marché.

GE a alors décidé d’innover pour faire une entrée en force dans ce nouveau marché. Avec l’aide de Jump Associates, une société californienne spécialisée dans la design strategy, des décideurs et des vendeurs de GE ont sollicité des clients potentiels, et même des clients de ces derniers. Ils se sont mis à l’écoute de leurs besoins, ont posé des questions ouvertes et ont observé ce qui se passait dans les bureaux et les usines de grands fabricants de textiles. À leur grand étonnement, ils ont découvert que les soucis de ces entrepreneurs n’étaient pas, comme ils l’avaient supposé, l’optimisation des opérations et l’augmentation de la marge bénéficiaire, mais plutôt les applications possibles des fibres de plastique. En fait, ces dirigeants avaient une approche artisanale de leur métier. À preuve, un ingénieur leur a raconté qu’un jour, en rentrant du travail, il s’était arrêté en bordure d’une autoroute pour cueillir des asclépiades. Il s’était ensuite réfugié dans son garage pour y fabriquer des fibres à partir de ces plantes, simplement pour voir ce que cela donnerait.

GE s’est alors rendu compte que la clé de la réussite ne consistait pas à fournir des produits finis aux fabricants de textiles, mais plutôt à stimuler et mettre à profit leur sensibilité artisanale. Du coup, elle leur a proposé différentes formes de partenariat adaptées à chacun d’eux. En adoptant le point de vue de ses clients, elle a réussi à dépasser les objectifs qu’elle s’était fixés : après 18 mois, elle a engrangé les revenus qu’elle avait prévu faire en cinq ans.

Pour voir le monde d’un œil neuf, il faut s’échapper de son bureau et partir à la rencontre des clients et des consommateurs. En outre, il ne suffit pas de parler aux gens, car pour voir les choses avec les yeux d’un autre, il faut aussi savoir écouter et être prêt à apprendre des choses nouvelles.

3. Observez en prenant du recul. Faites un pas en arrière, et vous élargirez alors votre champ de vision. Le succès d’eBay repose en grande partie sur un mouvement aussi simple…

Au début, la plupart des ventes aux enchères sur eBay se concluaient par l’envoi de chèques ou de mandats postaux. Quand la direction de l’entreprise s’est aperçue de la popularité grandissante des paiements par Internet, elle a compris qu’elle aurait tout intérêt à élaborer son propre mode de paiement en ligne et à en faire profiter ses clients. En 1999, elle a donc acquis Billpoint, un tout nouveau système de paiement électronique.

Malheureusement, cette initiative s’est soldée par un échec : quand Billpoint a été lancé, en 2000, PayPal s’était déjà imposé comme le système de paiement le plus prisé des internautes, dépassant son rival à 20 pour 1. Billpoint n’est jamais devenu populaire, malgré tous les efforts d’eBay pour en faire la promotion.

Cette dernière n’a pas jeté l’éponge pour autant. Parce qu’elle voyait loin, elle savait qu’il importait d’être un gros joueur dans le domaine des paiements en ligne. En 2002, elle a acquis PayPal. Huit ans plus tard, la vision et la persévérance d’eBay portent leurs fruits : malgré une économie maussade, PayPal est en pleine croissance, et ses revenus devraient même doubler entre 2009 et 2011, soutenant la performance globale d’eBay.

4. Regardez les choses de plus près. Dans les années 1970, Stacy Madison et Mark Andrus ont lancé une cantine mobile où ils servaient des sandwichs de pain pita. Cet endroit était si populaire que les clients faisaient la queue pour y manger. Certains, plus impatients, finissaient toutefois par se lasser et allaient manger ailleurs. Pour les retenir, les deux cantiniers ont eu l’idée de distribuer gratuitement des croustilles faites à partir de restes de pain pita. Les clients en raffolaient tellement qu’ils ont suggéré au tandem de les vendre en magasin. Avant même qu’ils s’en rendent compte, Stacy Madison et Mark Andrus ont été propulsés dans le marché des croustilles.

Rapidement débordés, ils ont dû choisir : fabriquer des croustilles ou gérer leur cantine. Conscients que la fabrication de croustilles leur offrait de plus grandes occasions de croissance, ils ont décidé de concentrer leurs efforts dans cette activité. En 2004, les ventes nationales et internationales de Stacy’s frôlaient les 30 millions de dollars américains. Et, en 2005, l’entreprise a été achetée par Frito-Lay, une division de PepsiCo. Une approche similaire a mené à la création du Viagra, le médicament phare de Pfizer. Au départ, ce composé devait être évalué pour sa capacité à soulager l’angine de poitrine. Les premiers tests ont donné des résultats décevants, et Pfizer a alors songé à abandonner ce produit. Cependant, des personnes servant de cobayes ont fait mention d’effets indésirables… surprenants. Vérification faite, ce produit stimulait bel et bien l’érection et pouvait même pallier le dysfonctionnement érectile. C’est ainsi qu’en concentrant son attention sur un des aspects d’une expérience ratée, Pfizer a fait une découverte inespérée.

5. Surveillez les autres du coin de l’œil. Il arrive qu’un marché soit résolument sclérosé par la routine. Le moment est alors venu d’innover en prenant le temps d’observer ce que les autres, souvent par simple paresse, négligent de faire. À la fin des années 1960, Vernon Hill payait ses études postsecondaires en travaillant dans une banque. Il a alors remarqué que la gestion des banques ressemblait plus à celle de services gouvernementaux qu’à celle d’entreprises privées. En effet, les heures d’ouverture étaient fixées en fonction des besoins des banquiers et non de ceux des clients.

En 1973, Vernon Hill a lancé sa propre entreprise, la Commerce Bank, qui avait la particularité de mettre l’accent sur le service à la clientèle. Les succursales ressemblaient plus à des magasins qu’à d’austères institutions bancaires : ouvertes de 7 h 30 à 20 h, elles accueillaient les clients 10 minutes à l’avance et fermaient leurs portes 10 minutes après l’heure prévue. De plus, les employés étaient tenus d’afficher un large sourire. Plus tard, les services bancaires ont été offerts jour et nuit, sept jours par semaine.

Résultat : dans les années 1990 et 2000, la Commerce Bank inaugurait 30 succursales par an. En 2005, son bénéfice net s’élevait à 302 millions de dollars américains et son actif était de 43 milliards. En 2007, le TD Bank Financial Group a acquis la Commerce Bank pour quelque 8,5 milliards de dollars américains.

6. Débusquez les possibilités au sein de votre entreprise. Au début des années 2000, Dentyne s’apprêtait à lancer un nouveau type de gomme à mâcher donnant une sensation de froid dans la bouche. Pour assurer le succès commercial de l’opération, l’entreprise avait décidé d’innover aussi sur le plan de l’emballage : il fallait que celui-ci conserve la fraîcheur de la gomme tout en se démarquant des autres gommes dans les présentoirs.

À l’époque, Dentyne appartenait à la pharmaceutique Pfizer. L’entreprise a su tirer profit du savoir-faire des experts de la maison mère, en présentant sa nouvelle gomme dans un emballage-coque similaire à celui utilisé pour les médicaments en vente libre. C’est ainsi que la Dentyne Ice, perçue comme un remède contre la mauvaise haleine, a fait son apparition sur le marché.

Cet exemple montre bien qu’on a tout à gagner à observer ce qui se fait au sein de son entreprise, car on peut parfois tirer profit d’idées sous-exploitées dans un autre secteur.

7. Changez la vision des autres. A priori, l’énergie solaire a tout pour plaire. Après tout, elle est gratuite, écologique et inépuisable. Pourtant, bien peu de gens s’en servent. Pourquoi ? Le plus souvent parce que les panneaux coûtent cher, qu’ils sont difficiles à installer et qu’ils sont souvent jugés inesthétiques. Aux États-Unis, nombre d’associations de propriétaires interdisent d’ailleurs à leurs membres d’installer des panneaux solaires sur leur toit. Peter Bressler, un concepteur industriel, est de ceux qui sont convaincus de la nécessité de recourir aux énergies renouvelables. Un jour, alors qu’il survolait des kilomètres de toits, il s’est demandé pourquoi on n’utilisait pas toutes ces surfaces pour générer de l’électricité. Il a alors eu une idée à même de vaincre les réticences des consommateurs : intégrer une technologie solaire aux bardeaux communément utilisés dans la construction des toitures. Cette solution élégante diminuerait certains des coûts liés à l’installation de générateurs solaires et éliminerait les problèmes esthétiques.

Bresslergroup, la firme de Peter Bressler, s’est alors associée à SRS Energy pour mettre au point des panneaux baptisés Sole Solar Tiles. Grâce à la flexibilité du polymère qui entre dans leur composition, ces panneaux peuvent être courbés et intégrés à la structure des tuiles de toits ordinaires. Ils peuvent même être installés par n’importe quel couvreur. Il s’agit là d’une initiative qui pourrait bien changer notre vision de l’énergie solaire.

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