Cora Tsouflidou : Réussir à céder la barre

Publié le 26/02/2011 à 00:00, mis à jour le 03/05/2011 à 17:05

Cora Tsouflidou : Réussir à céder la barre

Publié le 26/02/2011 à 00:00, mis à jour le 03/05/2011 à 17:05

La reine des déjeuners vient d'abdiquer en faveur de son fils. Elle reconnaît que le changement de leadership peut être salutaire quand une entreprise grossit bien au-delà du projet original.

René Vézina - Qu'aviez-vous en tête quand vous vous êtes lancée en affaires ?

Cora Tsouflidou - À mes débuts, je dois humblement dire que je n'avais pas la vision de créer une chaîne de restaurants. J'ai acheté un petit restaurant, parce que j'étais sans travail et que je savais cuisiner. J'ai vendu ma maison, que la banque allait reprendre de toute façon, et j'ai acheté un casse-croûte. Je servais le menu habituel d'un casse-croûte, mais rapidement, je me suis dit qu'il y avait mieux à offrir à mes clients que des crêpes, des oeufs et du bacon. Des petits fruits, par exemple... Je me suis alors mise à faire les choses à ma façon. Ma seule vision, c'était de nourrir mes enfants. Il n'était pas question que je m'inscrive au bien-être social ni que je quête, j'allais réussir.

R.V. - Comment avez-vous rallié une équipe autour de vous ?

C.T. - En jouant la conciliation famille-travail. La maison est devenue la cuisine du restaurant. J'ai dirigé mes enfants : ne fais pas ci, fais ça. Je leur ai attribué des tâches, et tranquillement, la première serveuse fut la blonde de mon garçon. Les affaires allaient bien; j'ai alors engagé un petit gars pour nous aider. Chaque personne qui entrait dans notre clan familial devenait un enfant que moi, la mère, je gérais. J'ai continué à jouer la mère jusqu'à 25 ou 30 restaurants. Pas la mère bonasse, mais la mère sévère, celle qui a compris qu'une entreprise demande de la discipline, de l'économie, de la prévision. Celle qui dirige tout, qui voit tout et qui coordonne tout. À un moment donné, j'ai quitté la cuisine pour m'installer dans un petit bureau d'administration dans le sous-sol d'un des restaurants. J'ai alors formé des gérants, des petites Cora pour me remplacer dans les restaurants. Et mon fils Nicholas, qui avait toujours été mon adjoint dans la cuisine, a alors continué à enseigner aux cuisiniers.

R.V. - Comment votre relation avec lui a-t-elle changé ?

C.T. - Il est un dirigeant complètement différent de moi. Il y a deux ans et demi, je l'ai nommé président. Nous avions rencontré un consultant en entreprise. Il nous avait demandé ce que signifiait, pour nous, être le grand patron. Pour moi, diriger tous nos restaurants et toutes nos franchises, c'était comme... faire du monocycle ! Je pédalais, je surveillais, je dirigeais, je commandais, je faisais tout moi-même, installée quatre pieds plus haut que tout le monde. Mon garçon, lui, m'avertissait que, si je le nommais président, il n'allait pas être comme moi. Quand on a scénarisé notre discussion, j'ai dessiné un gros autobus dans lequel on fait entrer les gens pour démarrer.

R.V. - Et Nicholas en était le chauffeur ?

C.T. - Pas le chauffeur. Il a été un peu influencé par la lecture de Good to great [de Jim Collins]. D'après ce livre, il serait le leader no 5 : il a toujours été le vp, exploitation, chez nous; le gars qui se tient en coulisses alors que son équipe est devant.

R.V. - Et vous, dans Good to great, seriez-vous plus le leader charismatique ?

C.T. - Je suis la grande gueule, le leader charismatique, la fille qui va faire un briefing à son monde : voici ce qu'on va faire, suivez-moi, je pars la première et venez-vous-en !

R.V. - Vous avez fini par avoir des franchises. Franchiser, c'est déléguer. Ça ne vous a pas fait peur, au début ?

C.T. - Au contraire. La première fois qu'on m'a demandé une franchise, je ne savais pas ce que c'était. Je suis allée à la bibliothèque et j'ai tout lu sur le franchisage. Je suis comme ça : si je ne maîtrise pas quelque chose, je vais me renseigner.

R.V. - Quel jugement portez-vous sur ce que vous avez accompli en 23 ans ?

C.T. - Je suis très fière de dire que le caractère de mon fils et son style de gestion, c'est exactement ce dont la compagnie a besoin aujourd'hui. Quand tu prends de l'expansion, il te faut des leaders, des gens qui vont te remplacer. Je peux aussi reconnaître qu'à ses débuts, l'entreprise a eu besoin d'un chef d'orchestre comme moi, prêt à occuper tous les postes en même temps, un chef d'orchestre qui avait la persévérance, l'endurance, la capacité, la santé, le sens extrêmement développé de l'économie, parce que j'avais toujours été pauvre. Je pense que je possédais aussi une autre qualité extraordinaire : j'étais une mère. Je l'ai dit dans toutes mes conférences devant des femmes d'affaires : c'est la qualité principale pour devenir un bon chef d'entreprise, et malheureusement les hommes ne l'ont pas.

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