Écrasées par l'éléphant administratif

Publié le 10/09/2011 à 00:00, mis à jour le 17/01/2012 à 10:38

Écrasées par l'éléphant administratif

Publié le 10/09/2011 à 00:00, mis à jour le 17/01/2012 à 10:38

Québec compte présenter sa nouvelle politique pour stimuler la création d'entreprises en novembre prochain. Mais les effets de ces nouvelles mesures, aussi louables soient-elles, resteront limités tant qu'il ne s'attaquera pas à la lourdeur administrative.

Imaginez : la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) estime les coûts annuels de cette lourdeur à plus de sept milliards de dollars, au Québec, et à plus de 30 milliards, au Canada. Un entrepreneur sur quatre affirme qu'il ne se serait pas lancé en affaires s'il avait su combien pèse la réglementation.

Pour les entreprises exportatrices notamment, les normes internationales - pour la sécurité, par exemple, depuis le 11 septembre 2011 - ont multiplié les tracas administratifs. Ajoutez à cela les exigences accrues en matière d'environnement, de gouvernance, de santé au travail, d'équité salariale, et on comprend qu'il faut de plus en plus de pièces pour assembler le puzzle.

"Tout ça, ce sont des taxes, lance Martine Hébert, vice-présidente, Québec, de la FCEI. C'est énorme quant aux pertes d'occasions d'affaires et de productivité."

"Le temps que les chefs d'entreprise passent à remplir toute cette paperasse, c'est du temps qu'ils ne passent pas à développer leurs affaires", ajoute Audrey Azoulay, directrice à la recherche et aux relations gouvernementales des Manufacturiers et Exportateurs du Québec.

La tâche de nos dirigeants politiques pour alléger ce fardeau est considérable ; d'ailleurs, en 2004, Québec avait tenté de mettre l'éléphant au régime, mais en vain. Il a repris l'exercice en début d'année avec la formation d'un groupe de travail piloté par Michel Audet (voir l'article en page 16) ; tout un défi ! Il faut comprendre que c'est un changement de culture en profondeur qu'il faudra opérer au sein de l'administration publique et des autorités réglementaires. Au Québec, le coût de la réglementation représente 2,4 % du PIB, un sommet national partagé par la Colombie-Britannique et l'Île-du-Prince-Édouard ; en Ontario, ce taux est de 1,8 %.

Le principal obstacle à l'atteinte des objectifs de réduction de 20 % de ce que les Anglo-Saxons appellent red tape est l'absence de pression publique ; la population en général n'a que faire d'une abondante paperasse qui ne la concerne pas. Pire encore, elle a tendance à applaudir chaque nouveau règlement encadrant mieux ces "méchantes capitalistes". Retirer des règlements s'adressant aux entreprises représente un risque pour nos politiciens. Mais qu'ils se rassurent, les entrepreneurs ne visent pas tant à faire réduire le nombre de règlements, dont ils reconnaissent souvent la pertinence, qu'à en simplifier l'application.

"Le problème est que plus le gouvernement ajoute des règlements aux entreprises, plus c'est rentable politiquement", souligne Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat du Québec.

"Le gouvernement devrait tendre vers des mesures incitatives plutôt que contraignantes envers les entreprises, renchérit Mme Azoulay. Malheureusement, les mesures incitatives envers les sociétés ne sont pas très prisées des groupes de pression."

Des formalités par centaines

La FCEI, qui a fait un travail en profondeur pour évaluer l'impact de la paperasserie sur les entreprises, a dénombré 557 formalités administratives au Québec seulement, sans compter les paliers fédéral et municipaux. Toutes les entreprises ne sont pas touchées par l'ensemble de ces formalités, mais on peut tout de même en imaginer la complexité.

"Je ne peux pas croire qu'elles sont toutes nécessaires et qu'il n'y a pas de chevauchements", lance Mme Hébert. Et, plus les entreprises sont petites, plus elles sont pénalisées par toutes ces formalités." Selon Statistique Canada, 86,5 % des entreprises actives au Québec en décembre 2009 comptaient moins de 20 employés.

"Ça fait plus de 10 ans qu'on parle de réduire la lourdeur administrative et on n'a encore rien vu de concret", se désole Mme Azoulay.

Les dirigeants des trois associations patronales s'entendent sur la nécessité de responsabiliser les ministères, c'est-à-dire de les obliger à atteindre des résultats. Mme Azoulay mentionne aussi de forcer les ministères à produire une étude d'impact et à la rendre publique avant chaque nouvelle réglementation.

"Il faudrait avoir un mécanisme de révision régulière des règlements pour retirer ceux qui tombent en désuétude au fil des ans", recommande M. Dorval.

Mme Hébert suggère aussi de créer un fichier central dans lequel les entreprises déposeraient tous leurs documents : "Ça éviterait que les entreprises se fassent appeler par plusieurs ministères au sujet des mêmes informations."

Les entrepreneurs québécois aimeraient bien qu'on applique la formule du one in, one out, comme en Colombie-Britannique, qui obligerait le gouvernement à retirer un règlement chaque fois qu'il veut en ajouter un.

Parfois, il suffirait d'un peu de discernement de la part des autorités réglementaires. "Combien de nouveaux formulaires introduit-on quand il suffirait d'ajouter trois ou quatre questions à un formulaire existant, explique Mme Azoulay. On parle beaucoup de la productivité de nos entreprises, mais on oublie qu'elle passe aussi par la productivité de notre gouvernement."

Et Mme Hébert de conclure : "C'est tout un changement de culture qu'il faut instaurer, et ça va être long."

dominique.froment@transcontinental.ca

À la une

Logistique: sale temps pour les entreprises

ANALYSE. Depuis 2020, les crises se multiplient, et les travailleurs du CN et du CPKC pourraient bientôt être en grève.

Les travailleurs du CN et du CPKC se donnent un mandat de grève

Un arrêt de travail au CN et au CPKC simultanément pourrait perturber les chaînes d’approvisionnement.

Bourse: Wall Street salue l’accalmie de l’emploi américain

Mis à jour le 03/05/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de Toronto prenait plus de 100 points à la fermeture.