À l'assaut du marché bio

Publié le 30/03/2010 à 10:00

À l'assaut du marché bio

Publié le 30/03/2010 à 10:00

Les grands épiciers du Québec ne peuvent tout simplement plus ignorer cette tendance. Photo : Bloomberg

Chaque fois que Sylvie Senay inaugure un nouveau magasin d'aliments naturels Avril, il est plus grand que le précédent. Trois ans après avoir ouvert une deuxième succursale de 17 000 pieds carrés à Longueuil, elle entreprend le mois prochain la construction d'un établissement " d'un minimum de 20 000 pieds carrés " dans le Quartier Dix30, à Brossard. Un investissement de six millions de dollars. Ensuite, elle s'attaquera à l'île de Montréal. " C'est un beau projet, dit la propriétaire de l'enseigne. Le magasin sera très grand, sur quelques étages. Impossible d'en savoir plus pour l'instant.

Depuis les débuts de l'entreprise à Granby, en 1995, les ventes d'Avril connaissent une croissance constante. " Notre chiffre d'affaires a crû de 20 % l'an dernier ", dit Mme Senay. Cette réussite, l'entreprise la doit au bio : ce créneau représente 80 % de ses produits en magasin.

Metro en mode rattrapage

Les grands épiciers du Québec ne peuvent tout simplement plus ignorer cette tendance. Ce marché, autrefois réservé à une clientèle restreinte, s'est élargi. " Avoir les produits de base en biologique, c'est devenu un incontournable, dit JoAnne Labrecque, professeure de marketing à HEC Montréal, spécialiste de la distribution alimentaire. Si les gens ne les trouvent pas dans votre supermarché, ils iront chez le concurrent et risquent d'y faire tous leurs achats. "

C'est pourquoi Metro redouble d'efforts pour développer son offre par l'entremise de sa marque privée. " Depuis novembre 2008, nous avons mis en marché 64 produits biologiques sous la marque Irrésistible ", dit François Cournoyer, directeur des marques privées de Metro. La chaîne vient d'ajouter la crème glacée à son offre et compte lancer environ 25 autres produits bio d'ici la fin de l'année.

L'épicier québécois tente ainsi de rattraper son retard sur son grand rival ontarien Loblaws, dont la marque Le Choix du Président a lancé une gamme de 25 produits bio dès 2001. L'entreprise, qui exploite l'enseigne Provigo au Québec, conserve sa longueur d'avance, grâce à ses 300 produits biologiques commercialisés sous sa marque privée.

La marque privée de Sobeys comprend une centaine de produits bio. Mais l'entreprise néo-écossaise, qui exploite l'enseigne IGA au Québec, a aussi mis la main en 2005 sur la chaîne d'alimentation naturelle Rachelle-Béry. Puis, Sobeys a acheté l'indépendant Aliments Santé Laurier de Québec, en juillet 2008. Les deux entreprises offrent surtout des produits biologiques.

Depuis, Sobeys a augmenté la superficie moyenne de ses Rachelle-Béry. En 2005, la plupart des magasins comptaient moins de 1 000 pieds carrés. " Aujourd'hui, nous avons des surfaces de 4 000 pieds carrés dit Anne-Hélène Lavoie, porte-parole de Sobeys. Nous avons investi huit millions de dollars dans les Rachelle-Béry. " Et ce n'est pas fini : l'entreprise veut en ouvrir d'autres.

L'entreprise veut aussi faire certifier les cuisines des IGA par Écocert. Elle pourra ainsi y mitonner des plats prêts-à-manger biologiques pour consommateurs pressés... mais conscientisés.

En outre, Sobeys mise sur les produits bio frais, dont les ventes ont augmenté de 20 % cette année, " une hausse deux fois plus importante que dans les autres catégories de produits ", dit Mme Lavoie. Les aliments pour bébés connaissent également une forte progression.

Les producteurs manquent le bateau

Selon Agriculture Canada, la valeur des aliments biologiques vendus au Canada a crû de 67 %, de 2006 à décembre 2008, pour atteindre deux milliards de dollars.

Pour Jean-Claude Dufour, professeur en marketing agroalimentaire à l'Université Laval, c'est surtout aux consommateurs et aux détaillants qu'en revient le crédit, car les producteurs ont été très lents à réagir. " Environ 80 % des produits bio sur nos tablettes sont importés ", déplore-t-il.

Pas le choix : selon lui, les agriculteurs et les transformateurs n'ont pas cru à la filière biologique. " Maintenant, les importations se sont imposées; cela prendra du temps, pour retrouver une place sur les rayons ", dit-il.

Alain Rioux, directeur général de la Filière biologique du Québec, trouve les propos de M. Dufour sévères. " Les détaillants aussi ont pris du temps à réagir, dit-il. Les producteurs auraient aimé avoir des signaux plus clairs et rapides de leur part. " Pour aider l'industrie, les épiciers auraient pu leur donner plus rapidement accès à leurs importantes capacités de distribution, selon lui.

Jusqu'ici, les agriculteurs biologiques québécois n'ont pas bénéficié d'aides gouvernementales à la transition des terres du traditionnel au biologique, comme aux États-Unis et en Europe, ajoute M. Rioux.

" Le gouvernement n'a pas d'affaire là, rétorque M. Dufour. La demande existe. Quand des multinationales embarquent dans ce créneau, c'est une tendance de fond, dit M. Dufour. Selon lui, c'est une occasion en or que les agriculteurs québécois risquent de manquer. " Je ne connais aucun autre segment de marché qui a connu une telle croissance en 10 ans. "

 

 

À la une

Et si les Américains changeaient d’avis?

EXPERT INVITÉ. Environ 4 électeurs sur 10 âgés de 18 à 34 ans déclarent qu’ils pourraient changer leur vote.

Cuivre: le «roi des métaux verts» dépasse 10 000$US la tonne

13:27 | AFP

Le métal rouge est sous le feu des projecteurs depuis l’offre de rachat du géant BHP sur son rival Anglo American.

Le géant BHP fait une proposition de 31 milliards de livres pour Anglo American

Cet accord créerait le plus grand mineur de cuivre au monde.