Le combat des Suisses pour préserver le secret bancaire

Publié le 26/01/2010 à 16:59

Le combat des Suisses pour préserver le secret bancaire

Publié le 26/01/2010 à 16:59

Par La Presse Canadienne

Dans un combat qui ferait sourciller dans d'autres pays, surtout en cette ère de scepticisme face au secteur financier, les Suisses font actuellement des pieds et des mains pour sauver ce qui est devenu une vache sacrée: le secret bancaire.

La question fera l'objet d'un débat jeudi dans le cadre de l'assemblée annuelle du Forum économique mondial, qui s'ouvre mercredi à Davos, dans les Alpes suisses.

Il y a près d'un an, Berne a soulevé un tollé dans le pays en acceptant de transmettre aux autorités américaines une liste de près de 300 clients de la banque suisse UBS soupçonnés d'évasion fiscale - un compromis visant à éviter la communication des noms de 19 000 autres clients. Le milieu bancaire s'est insurgé, disant craindre l'érosion progressive de la place financière du pays.

Or voilà qu'au début du mois, un tribunal suisse a statué que le gouvernement avait bafoué la loi en agissant ainsi, même si c'était dans le but d'éviter à UBS de longues procédures aux Etats-Unis. Et la semaine dernière, la même instance en est arrivée à la même conclusion au sujet d'un accord conclu avec Washington, qui prévoit la livraison d'une liste de 4500 comptes d'UBS.

Depuis, le pouvoir suisse s'agite afin de trouver une façon de faire en sorte que la brèche pratiquée l'an dernier, dans l'urgence, ne reste qu'une malheureuse exception. Et qu'une fois la crise financière passée, le bon vieux secret bancaire reprenne ses droits.

«Par principe, la Suisse doit conserver le secret bancaire», déclarait en novembre Hans-Rudolf Merz, alors président du pays. «Et je crois qu'une majorité de la population le souhaite. Si je déclare mes revenus, l'État n'a pas à venir regarder dans mes comptes.»

Jean-Pierre Blackburn, qui était ministre canadien du Revenu jusqu'à la semaine dernière, a imité les Américains et a demandé à UBS de fournir les noms de ses clients soupçonnés de cacher des revenus. Se heurtant au secret bancaire, il a menacé de poursuivre la banque. En décembre, seulement 90 des clients canadiens d'UBS s'étaient dénoncés au fisc.

Une vieille coutume

En Suisse, le caractère privé des transactions bancaires, même aux yeux du fisc, est sacro-saint depuis la fin du XIXe siècle, raconte Sébastien Guex, professeur d'histoire à l'Université de Lausanne, au cours d'un entretien téléphonique.

La pratique a été institutionnalisée en 1934 dans la Loi fédérale sur les banques, qui prévoit une peine de prison pouvant aller jusqu'à trois ans en cas de violation du secret bancaire.

D'autres pays - dont le Luxembourg, l'Autriche, Hong Kong, Singapour et des pays des Antilles - offrent eux aussi divers niveaux de secret bancaire. Mais la Confédération helvétique est la seule à faire une distinction qui plaît bien aux grandes fortunes: les autorités peuvent demander des informations sur un compte quand il y a soupçon de fraude fiscale, impliquant par exemple la fabrication de documents, mais pas quand il s'agit d'évasion fiscale, que les Suisses appellent pudiquement «soustraction fiscale».

«Dès le début du XXe siècle, les banques répondaient déjà aux autorités des autres pays qu'elles ne pouvaient pas communiquer d'informations parce qu'elles étaient liées par le secret bancaire», rappelle M. Guex.
La discrétion suisse est contestée depuis longtemps, mais l'an dernier, les défenses du pays ont cédé comme jamais, conséquence de la vive réaction des gouvernements à la débâcle financière mondiale.

En avril 2009, deux mois après l'affaire UBS, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a placé la Suisse sur sa «liste grise» en matière fiscale. Le pays ne s'en libérera qu'en septembre, après avoir conclu une dizaine d'accords bilatéraux dans lesquels il s'engage à partager de l'information dans les cas d'évasion fiscale.

Dans la presse, on a parlé d'«année noire», de «fin d'une époque», d'«humiliation infligée à la Suisse», voire de «capitulation». Des représentants du secteur financier ont brandi des scénarios catastrophe selon lesquels les banques perdraient la majorité de leurs clients étrangers et licencieraient des milliers d'employés.

«C'est absolument absurde», réplique M. Guex, le professeur d'histoire, n'y voyant que la «propagande» des banques. Même si le secteur financier représente plus de 10 pour cent du PIB suisse et 15 pour cent des recettes de l'État, «les conséquences économiques de la fin du secret bancaire seraient relativement faibles», affirme-t-il.

Un sondage mené en mars 2009 indiquait que 78 pour cent des Suisses interrogés appuyaient le principe du secret bancaire, mais que 56 pour cent d'entre eux prônaient la collaboration avec les autorités étrangères dans les cas d'évasion fiscale.

Sébastien Guex reconnaît que le secret bancaire suisse a subi en 2009 «une brèche importante», qui n'est pas la première. La pratique est toutefois loin d'être morte, d'après lui.

«Le secret bancaire rendra véritablement l'âme quand la Suisse acceptera l'échange automatique d'informations», dit-il. Une avenue que refuse systématiquement d'envisager Berne qui, en 2010, veut reprendre l'initiative dans ce dossier épineux et sensible.

 

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