Sables bitumineux: les rejets massifs de COV inquiètent

Publié le 25/01/2024 à 17:50

Sables bitumineux: les rejets massifs de COV inquiètent

Publié le 25/01/2024 à 17:50

Par La Presse Canadienne

Les émissions de cette industrie ne se limitent pas au dioxyde de carbone, qui est un gaz à effet de serre. (Photo: La Presse Canadienne)

Les sables bitumineux de l’Alberta rejettent dans l’air des substances potentiellement dangereuses à des taux des dizaines de fois supérieurs aux estimations officielles, suggèrent de nouvelles études.

Les auteurs affirment que les rejets massifs de composés organiques volatils (COV), distincts des émissions de GES de l’industrie responsables du changement climatique, soulèvent des inquiétudes quant aux effets potentiels sur l’environnement de ces centaines de produits chimiques complexes et hautement réactifs.

John Liggio, un spécialiste de la pollution de l’air à Environnement Canada, a reconnu que les impacts de ces COV sont difficiles à prévoir, mais il ajoute que «certains de ces composés pourraient être toxiques». M. Liggio a travaillé avec un groupe de l’Université de Yale sur l’article publié dans la revue «Science».

Les chiffres de l’industrie suggèrent que les sables bitumineux rejettent environ 68 millions de tonnes de dioxyde de carbone par année, soit plus de 10% de toutes les émissions canadiennes. Le laboratoire de M. Liggio a suggéré que ce chiffre pourrait être plus proche de 100 millions de tonnes.

Mais les émissions de cette industrie ne se limitent pas au dioxyde de carbone, qui est un gaz à effet de serre. L’article est le premier à effectuer des mesures sur le terrain de la libération de COV, qui sont formés d’au moins un atome de carbone.

Auparavant, les rejets de ces produits chimiques étaient suivis à l’aide d’estimations modélisées, de mesures des cheminées d’échappement et de quelques mesures sur le terrain.

«Il s’agit en réalité d’un mélange de différents procédés [qu’a utilisés l’industrie] pour arriver aux chiffres qu’elle a déclarés à l’inventaire national», a indiqué M. Liggio.

Son équipe a effectué 30 survols d’avions au printemps et à l’été 2018 pour échantillonner et analyser ce qu’il y avait dans l’air autour d’une série de sites d’exploitation de sables bitumineux, à ciel ouvert et in situ. Ces mesures ont révélé que les émissions réelles éclipsaient ce qui avait été rapporté jusque-là.

L’étude de M. Liggio suggère que les composés organiques volatils sont libérés par les sables bitumineux à des taux allant de 20 à 63 fois supérieurs aux chiffres de l’inventaire national des polluants. Le document suggère que ces émissions provenant de l’exploitation des sables bitumineux sont à peu près égales à la production totale de ces produits chimiques partout ailleurs au Canada.

Les trois plus grandes sources — le site Mildred Lake, de Syncrude, et ceux de Suncor et de Canadian Natural Resources — rejettent chaque année entre 200 000 et 500 000 tonnes de carbone sous forme de COV.

Des normes fédérales

De plus, M. Liggio et son équipe ont utilisé des expériences en laboratoire pour mesurer la quantité de carbone organique volatil qui était libérée lors du séchage des «résidus fins mûrs», l’un des processus utilisés pour assainir les bassins de résidus. «Nous avons constaté que les (produits chimiques) étaient en fait émis lors du séchage (des résidus)», a-t-il déclaré.

Mark Cameron, vice-président de la coalition de producteurs de sables bitumineux «Alliance Nouvelles Voies», a déclaré que son organisme examinerait les données. «L’étude a identifié une différence entre les mesures au sol et celles collectées dans un avion qui justifie un examen plus approfondi», a-t-il soutenu dans un courriel.

«L’industrie des sables bitumineux mesure les émissions à l’aide de normes établies par Environnement et Changement climatique Canada et nous sommes impatients de travailler ensemble pour explorer les possibilités d’améliorer davantage nos pratiques de mesure.»

M. Liggio ajoute que la qualité de l’air sur les sites d’exploitation des sables bitumineux reste conforme aux lignes directrices canadiennes et albertaines. Mais il existe des milliers de types différents de molécules à base de carbone libérées par la production d’énergie et toutes sont très réactives.

«Tous ces différents hydrocarbures présents dans l’atmosphère réagissent entre eux, a déclaré M. Liggio. C’est ce qu’ils forment qui suscite des inquiétudes.»

Ces produits chimiques forment des contaminants tels que des particules fines, qui peuvent entraîner des problèmes cardiaques et pulmonaires et constituent l’une des principales causes des effets de la pollution atmosphérique sur la santé. Ils créent également de l’ozone, qui peut également provoquer des problèmes respiratoires.

L’article de M. Liggio rappelle à certains égards des recherches récentes qui ont utilisé des mesures aériennes pour constater que les estimations officielles des gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone et le méthane seraient elles aussi systématiquement et considérablement trop basses. Ces méthodes aéroportées gagnent progressivement en popularité.

Bob Weber, La Presse Canadienne

 

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