Captage et stockage de carbone: il sera difficile de respecter le calendrier d’Ottawa

Publié le 19/10/2023 à 15:25, mis à jour le 19/10/2023 à 18:38

Captage et stockage de carbone: il sera difficile de respecter le calendrier d’Ottawa

Publié le 19/10/2023 à 15:25, mis à jour le 19/10/2023 à 18:38

Par La Presse Canadienne

La seule installation de captage du carbone à grande échelle au Canada actuellement en activité à une centrale électrique se trouve à Boundary Dam, une installation de SaskPower, en Saskatchewan, et son taux de captage du CO2 se situe entre 65% et 70%. (Photo: La Presse Canadienne)

Calgary — Le captage et le stockage du carbone sont essentiels pour rendre le réseau électrique canadien plus écologique, mais il sera extrêmement difficile de respecter le calendrier proposé par le gouvernement fédéral en fonction de l’état actuel de la technologie, selon un nouveau rapport.

Si la réglementation fédérale sur l’électricité propre est trop stricte, elle pourrait dissuader les entreprises d’investir dans le captage du carbone réduisant les émissions, prévient en outre le document.

Le captage et le stockage du carbone consistent à utiliser la technologie pour capter les émissions nocives de gaz à effet de serre provenant des processus industriels et les stocker en toute sécurité sous terre, les empêchant ainsi de pénétrer dans l’atmosphère.

Les experts affirment que le déploiement à grande échelle du captage et du stockage du carbone dans des secteurs où une réduction des émissions est plus difficile, comme la production pétrolière et gazière et la fabrication de ciment, sera nécessaire si le Canada veut avoir une chance d’atteindre ses objectifs climatiques.

Des unités de captage et de stockage du carbone devront également être installées dans les centrales électriques alimentées au gaz naturel et au charbon en Alberta, en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse — des provinces qui ne disposent pas d’une capacité hydroélectrique importante et qui, par conséquent, dépendent encore fortement des combustibles fossiles — si le pays veut atteindre l’objectif d’Ottawa, soit la carboneutralité de la production d’électricité d’ici 2035.

Dans son rapport publié jeudi, l’International CCUS Knowledge Centre, établi à Regina, exhorte le gouvernement fédéral à repenser les limites d’intensité des émissions pour les centrales électriques énoncées dans son projet de règlement sur l’électricité propre.

Le projet de règlement stipule actuellement qu’après 2035, les centrales électriques alimentées aux combustibles fossiles devront respecter une norme de performance en matière d’émissions ne dépassant pas 30 tonnes de dioxyde de carbone par gigawatt d’électricité produit par an.

Cela signifie que pour être conformes, les centrales électriques alimentées au gaz naturel devraient atteindre un taux de captage de CO2 de près de 95%, a souligné la vice-présidente des politiques, de la réglementation et des relations avec les parties prenantes de l’International CCUS Knowledge Centre, Beth Valiaho.

Cependant, l’organisation souligne qu’aucune installation de captage de carbone au monde n’atteint actuellement ce niveau de performance, a-t-elle ajouté. La seule installation de captage du carbone à grande échelle au Canada actuellement en activité à une centrale électrique se trouve à Boundary Dam, une installation de SaskPower, en Saskatchewan, et son taux de captage du CO2 se situe entre 65% et 70%.

Cette installation a été conçue pour avoir un taux de capture des émissions de 90%, mais elle a connu des problèmes techniques et à des pannes d’équipement.

«Cela ne veut pas dire que cela ne peut pas être fait», a expliqué Mme Valiaho, ajoutant que de nombreux fournisseurs de technologies de capture du carbone estiment qu’un taux de capture de 95% est techniquement réalisable.

«Je pense qu’il existe un état futur dans lequel cela fonctionnera à ce genre de niveau élevé, mais, vous savez, il n’y en a pas un seul qui fonctionne de manière continue dans le monde, à l’heure actuelle, avec ce type de performance.»

Plaidoyer pour des normes «réalisables»

Mme Valiaho a précisé que bon nombre des problèmes rencontrés à Boundary Dam pouvaient être évités dans les futures installations de captage du carbone, grâce à certaines des leçons tirées de ce site.

Mais si les exigences fédérales sont trop strictes et que les producteurs d’électricité ont des doutes quant à la réalisabilité des normes, ils pourraient choisir de ne pas investir du tout dans le captage du carbone, a-t-elle ajouté.

Des réglementations trop strictes pourraient également placer les opérateurs qui ont installé de bonne foi une technologie de captage du carbone dans une situation de non-conformité à la loi. Mme Valiaho a souligné qu’en vertu du projet de réglementation actuel, Boundary Dam devrait fermer ses portes, même si l’installation a capturé plus de quatre millions de tonnes de CO2 nocif depuis le début de ses activités en 2014.

«Nous voulons voir le captage et le stockage aller de l’avant. Nous ne voulons pas que cela échoue à cause de normes irréalisables», a-t-elle affirmé.

Scott MacDougall, directeur du programme d’électricité à l’Institut Pembina, a déclaré que la technologie du captage et du stockage du carbone était extrêmement importante en ce qui a trait à la réduction des émissions du secteur de l’électricité, en particulier en Saskatchewan et en Alberta.

Il a dit espérer que le gouvernement fédéral tiendrait compte des commentaires de l’industrie et introduirait plus de clémence dans la réglementation.

«La (réglementation sur l’électricité propre) devrait encourager l’utilisation de la technologie de captage et de stockage, et non la pénaliser», a estimé M. MacDougall.

«J’espère qu’ils tiendront compte de quelques conseils à ce sujet et feront quelques ajustements plus tard.»

Amanda Stephenson, La Presse Canadienne

 

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