Le coup de poker de la filière batterie


Édition du 08 Mai 2024

Le coup de poker de la filière batterie


Édition du 08 Mai 2024

BILLET. Connaissez-vous le jeu de stratégie Risk, dont le but est de conquérir le monde? Lorsqu’on évoque la filière batterie, je ne peux m’empêcher d’avoir cette image en tête: le ministre Pierre Fitzgibbon qui avance des pions sur un échiquier mondial pour imposer le Québec comme un joueur majeur dans ce secteur.

Parce que ne nous y trompons pas: la filière batterie, c’est lui. C’est la vision d’un homme politique qui mise à n’importe quel prix sur ce qu’il considère comme un projet structurant pour le Québec. Quoi qu’on en pense, il faut lui accorder ça: il y croit vraiment. Il a fait un choix et il l’assume parfaitement.

Lors de notre entrevue éditoriale, il a démontré qu’il maîtrisait parfaitement ce dossier, jusqu’aux aspects les plus techniques. Même nos questions les plus pointues ne l’ont pas déstabilisé. En ancien homme d’affaires, Fitzgibbon a pris le temps de comprendre dans quoi il investissait. Il a établi un plan d’affaires clair et il a évalué le rendement de l’investissement avant de décider de se lancer. C’est un pari risqué, mais calculé.

Pourquoi une telle résistance de la part des Québécois dans ce cas? Est-ce vraiment qu’ils «n’ont pas le réflexe de l’innovation», comme il l’a récemment déploré? Ou parce que des «journalistes militants» influencent la population? Probablement pas.

D’ailleurs, même s’il est rafraîchissant d’avoir un politicien qui fait aussi peu usage de la langue de bois, on va se le dire, il ne s’aide pas beaucoup avec ce type de sortie. La réalité est que dans tout ce dossier, on a complètement fait fi de toute acceptabilité sociale tant on était convaincu que la fin justifiait les moyens.

A posteriori, le «tapis rouge déroulé» à des entreprises étrangères à coup de centaines de millions de dollars provenant des poches des Québécois ne pouvait que susciter, au mieux, des interrogations légitimes. Surtout qu’on ne semble pas avoir pris la mesure du fait que ces entreprises ont autant besoin de nous que nous d’elles.

Nous ne reviendrons pas sur le choix de l’emplacement de Northvolt, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Quoi qu’en dise notre «superministre», les médias ont fait un excellent travail pour couvrir le sujet. Cependant, Northvolt est l’arbre qui cache la forêt. Si nous avons voulu consacrer un numéro spécial sur ce sujet alors que tant a déjà été écrit, c’est qu’il nous semblait important d’offrir une analyse économique complète de cette nouvelle filière qui est en train de sortir de terre.

C’est un travail journalistique de longue haleine que nous vous offrons ici. Depuis plusieurs mois, notre journaliste Dominique Talbot a suivi tout ce qui s’écrivait et couvert de nombreux événements organisés sur le sujet. Il a pris la route jusqu’à Bécancour et a rencontré toutes les personnes ayant pris position en faveur ou non de la filière. Nous avons également rencontré à nos bureaux le PDG de Northvolt, Paolo Cerruti, puis le ministre Fitzgibbon.

Il en ressort que le Québec a deux cartes maîtresses qui ont fait pencher la balance pour le développement de la filière: son énergie verte et la proximité des minéraux critiques et stratégiques. Et ce, dans un contexte où cette hydroélectricité peu chère et naguère si abondante est en voie de devenir une rareté.

Pour bien comprendre ces deux aspects cruciaux pour la réussite de ce projet, il nous semblait donc essentiel de faire une entrevue avec Ghislain Picard, puisque les besoins énergétiques criants demanderont de nouvelles capacités de production qui ne pourront se faire sans une coopération main dans la main avec les Premières Nations. Quant aux minéraux critiques et stratégiques, notre journaliste François Normand a fait une enquête remarquable grâce à une étude fouillée de toutes les données disponibles sur le capital de risque présent dans les entreprises minières actives dans ce domaine sur le territoire québécois.

La communauté d’affaires est partagée sur la question de la filière: certains sont excités par les occasions d’affaires qu’elle représente, d’autres s’inquiètent des conséquences sur leur compétitivité. Avec ce numéro spécial, vous aurez toutes les clés pour former une opinion éclairée sur le sujet.

À vous de juger si nous avons des chances de remporter la mise ou de perdre gros dans la partie. Dans tous les cas, les dés sont lancés. En attendant, une chose est sûre: nous n’avons pas fini d’entendre parler de Fitzgibbon et de ses grandes ambitions pour le Québec.

 

Marine Thomas
Rédactrice en chef, Les Affaires
marine.thomas@groupecontex.ca
@marinethomas

À propos de ce blogue

Marine Thomas est rédactrice en chef de Les Affaires. Elle travaille au sein de la rédaction depuis 2016 à titre de directrice de contenu, Journal et Bulletin privilège. Marine est animée par un désir d’offrir à nos lecteurs des contenus pertinents et de grande qualité, que ce soit sous formes papier ou numérique. Par ailleurs, elle agit au CA du Y des femmes de Montréal – YWCA Montreal depuis 2014. Elle est actuellement vice-présidente du CA. Auparavant, elle été rédactrice en chef à la Revue Gestion – HEC Montréal, rédactrice en chef d'Inspiro Média et rédactrice en chef adjointe de Premières en Affaires. Marine possède une maîtrise en Management de la culture et des médias (Spécialité presse et édition) de Sciences Po (Paris).

Marine Thomas

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